L’une des théories les plus solides de la littérature sur l’innovation, à la suite des travaux de Clayton Christensen, veut que les entreprises existantes maîtrisent facilement l’innovation continue – l’amélioration règulière de leurs produits existants ou l’introduction de produits correspondant à leur modèle d’affaire – mais échouent face à l’innovation de rupture, c’est à dire l’introduction de nouveaux modèles d’affaire.
Une rencontre récente avec une grande entreprise m’a montré que ce n’est pas toujours aussi simple. Voici donc un responsable de l’innovation au niveau groupe, qui est par ailleurs responsable d’une grande zone géographique et donc peu suspect d’ignorance des réalités opérationnelles et stratégiques de son groupe, qui présente son approche de l’innovation au comité de direction lors de sa nomination au poste. Or il se fait très rapidement recadrer par ledit comité. L’innovation, lui dit-on, c’est inventer les marchés de demain, travailler sur les ruptures, les fameux océans bleus. Il ne faut pas toucher aux business actuels. Au-delà d’une question de définition et de vision, sans doute faut-il y voir là une dimension politique. Tant que notre innovateur s’intéresse aux ruptures, il ne touche pas aux divisions existantes et ne menace donc personne. Ainsi, la crainte de le voir empiêter sur leur territoire pousse les dirigeants des unités d’affaire à le faire s’engager dans l’innovation de rupture, en contradiction directe avec la théorie.
Comment une telle difficulté peut-elle être contournée? Avant tout par la formation des hauts dirigeants aux concepts de l’innovation. Etre capable de définir une vision commune et un vocabulaire commun pour parler de la même chose est une étape indispensable pour démarrer une approche d’innovation. L’innovation, c’est à la fois rénover en permanence les produits et services existants ainsi que les modes de fonctionnement et d’organisation (innovation continue), et travailler sur les marchés de demain (innovation de rupture). L’un ne peut aller sans l’autre.
2 réflexions au sujet de « L’innovation incrémentale c’est difficile aussi »
Vous avez raison, les deux types d’innovation sont importants. Il est essentiel de faire de l’innovation de rupture pour réinventer les marchés de demain. Mais à quoi cela servirait-il si on ne sait pas exploiter les marchés d’aujourd’hui avec l’innovation incrémentale ? L’innovation de rupture, c’est faire germer la graine. L’innovation incrémentale, c’est la faire croître pour qu’elle devienne un arbre qui donne des fruits.
Merci Benoît. Effectivement cela ne veut pas dire qu’il ne faut jamais d’innovation de rupture.
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