“Ne déjeunez jamais seul” et autres slogans stupides qui tuent l’innovation

Je suis récemment tombé sur l’article d’un consultant en gestion de carrière intitulé “Ne déjeunez jamais seul”. Bon avis en effet: pourquoi perdre du temps à déjeuner seul alors que le déjeuner offre une opportunité de nouer des contacts utiles à sa carrière? Et l’auteur d’ajouter qu’il faut surtout éviter les déjeuners gastronomiques: un sandwich rapidement enfilé, de l’eau, et hop, on networke! Et de préciser que si on enlève les vacances, cela fait tout de même 250 opportunités de rencontrer des gens. 250 personnes nouvelles par an, imaginez!

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L’innovation incrémentale c’est difficile aussi

L’une des théories les plus solides de la littérature sur l’innovation, à la suite des travaux de Clayton Christensen, veut que les entreprises existantes maîtrisent facilement l’innovation continue – l’amélioration règulière de leurs produits existants ou l’introduction de produits correspondant à leur modèle d’affaire – mais échouent face à l’innovation de rupture, c’est à  dire l’introduction de nouveaux modèles d’affaire.

Une rencontre récente avec une grande entreprise m’a montré que ce n’est pas toujours aussi simple. Voici donc un responsable de l’innovation au niveau groupe, qui est par ailleurs responsable d’une grande zone géographique et donc peu suspect d’ignorance des réalités opérationnelles et stratégiques de son groupe, qui présente son approche de l’innovation au comité de direction lors de sa nomination au poste. Or il se fait très rapidement recadrer par ledit comité. L’innovation, lui dit-on, c’est inventer les marchés de demain, travailler sur les ruptures, les fameux océans bleus. Il ne faut pas toucher aux business actuels. Au-delà d’une question de définition et de vision, sans doute faut-il y voir là une dimension politique. Tant que notre innovateur s’intéresse aux ruptures, il ne touche pas aux divisions existantes et ne menace donc personne. Ainsi, la crainte de le voir empiêter sur leur territoire pousse les dirigeants des unités d’affaire à le faire s’engager dans l’innovation de rupture, en contradiction directe avec la théorie.

Comment une telle difficulté peut-elle être contournée? Avant tout par la formation des hauts dirigeants aux concepts de l’innovation. Etre capable de définir une vision commune et un vocabulaire commun pour parler de la même chose est une étape indispensable pour démarrer une approche d’innovation. L’innovation, c’est à la fois rénover en permanence les produits et services existants ainsi que les modes de fonctionnement et d’organisation (innovation continue), et travailler sur les marchés de demain (innovation de rupture). L’un ne peut aller sans l’autre.