Ma conférence “Bienvenue en Extremistan : La démarche stratégique face à l’incertitude”

Je donne aujourd’hui une conférence intitulée “Bienvenue en Extremistan : La démarche stratégique face à l’incertitude” à EMLYON.

Pour s’inscrire, c’est ici. Pour lire sur le thème de la conférence, voir mes articles “Nassim Taleb et la prise de décision en environnement incertain: Fragile, robuste et antifragile“, ainsi que “Stratégie non prédictive (1): Une compréhension profonde bat la prédiction.”

La fragilité du futur… et de votre stratégie

La prévision est un exercice dangereux, en partie parce qu’elle est souvent fausse, avec des conséquences dramatiques. Ce danger apparaît particulièrement clairement à la lecture d’un document du ministère Américain de la défense appelé JOE 2010 (Joint Operating Environment). “JOE 2010” est conçu pour fournir aux diverses branches de forces armées américaines une perspective commune sur les probables tendances mondiales, les chocs possibles et leur environnement d’exploitation future. Si vous vous intéressez à la géopolitique et la stratégie, sa lecture vaut la peine.

Le leadership dans la gestion du risque et de l’incertitude: Niveaux de discours et prise de responsabilité

Dans sa note à propos du film Margin Call racontant la chute de Lehman Brothers, Olivier Kempf évoque la question de la responsabilité. Il écrit qu’à chaque fois qu’on montait un échelon hiérarchique à qui on rendait compte du problème, celui-ci disait : ne me montre pas les chiffres et les formules, “speak English” : des professionnels de la banque refusaient donc cette logique de “chiffre et de formule”. Le manque de connaissance et de compréhension de leurs produits financiers par les dirigeants des banques est l’une des causes essentielles de la catastrophe: ces dirigeant n’avaient aucune idée des risques qu’ils prenaient. Cela est du à leur paresse intellectuelle et aussi au fait que les modèles utilisés pour mesurer le risque étaient viciés. Au delà, cela pose la question du rôle du leadership dans la gestion du risque et de l’incertitude.

(suite…)

La loi de Gresham de la stratégie: pourquoi le mauvais avis chasse le bon

Vers la fin d’un essai majeur sur la surprise stratégique, Richard Betts, spécialiste du renseignement, écrit, “L’officier de renseignement peut agir plus utilement en n’offrant pas les réponses recherchées par les autorités, mais en proposant des questions, agissant comme un agnostique socratique, titillant les décideurs pour leur faire prendre conscience de l’ampleur de l’incertitude, et rendre les calculs des autorités plus difficiles, et non plus faciles.” La même chose devrait être vraie pour des consultants en stratégie d’entreprise: leur travail devrait être de rendre les calculs de long terme plus difficiles, plutôt que plus faciles.

(suite…)

Pourquoi le modèle des cinq forces de Porter est nocif

La chose la plus difficile lorsqu’on est amené à donner un cours d’introduction à la stratégie est d’enseigner des modèles dont on sait qu’ils sont au mieux inutiles, au pire nocifs, mais qu’on doit les enseigner quand-même parce qu’ils font partie des figures imposées des études de management. C’est en particulier le cas du fameux modèle des cinq forces de Porter. Difficile de faire un modèle plus universellement connu et enseigné que celui-ci. Et pourtant, ses limites sont évidentes.

(suite…)

Les trois niveaux de la stratégie: de la tactique à la stratégie intégrée

Dans leur article paru en 2010 dans la revue MIT Sloan Management Review, “What Every CEO Needs to Know About Nonmarket Strategy”, David Bach et David Bruce Allen estiment que l’avantage concurrentiel durable s’obtient par un engagement dans les questions sociales, politiques et environnementales dans le cadre de la stratégie d’entreprise.

C’est sans aucun doute vrai, mais on peut aller plus loin: la plupart de ce qui passe pour stratégie d’entreprise est en fait de la simple tactique, c’est à dire la conduite d’une bataille, ou plus généralement d’un engagement. Il en va de même pour les recommandations produites par les grands cabinets de stratégie. “Stratégie” sonne certainement mieux que “Tactique” (imaginez-vous un cabinet de conseil en tactique?), il est donc naturel que chacun intitule ce dont il parle “stratégie” et s’attache ensuite à le dispenser. La distinction n’est pas que terminologique, cependant, car elle influence directement la construction d’un avantage concurrentiel.

Le mot stratégie provient du mot grec στρατηγός/strategos, qui signifie littéralement “conduite de l’armée”. Dans le contexte classique cependant, un strategos était quelqu’un qui était à la fois un général (militaire) et un politicien (civil). En d’autres termes, un strategos se devait d’employer tous les moyens, et pas seulement militaires, à sa disposition pour atteindre la victoire, et même parfois définir les termes de la victoire (degrés de liberté). Au contraire, le mot “tactique”, venant lui aussi du grec τακτική/taktike et ayant trait à l’organisation de l’armée et à la conduite de l’engagement, est beaucoup plus limité. André Beaufre insiste, dans son ouvrage classique “Introduction à la stratégie“, sur l’importance de conserver une liberté de manoeuvre, on est donc bien au-delà de la simple tactique.

(suite…)

Revue de livre: “The lords of strategy” par Walter Kiechel

En 2008, au moment où le système financier menaçait de s’effondrer, le Boston Consulting Group (BCG) entreprenait de demander à 20 multinationales où elles en étaient en ce qui concernait leur pensée stratégique. La réponse? “Nous ne faisons pas de stratégie.” Rien ne résume mieux la question existentielle qui, trente ans après la révolution de la pensée stratégique dans le domaine des entreprises, mine encore la discipline aujourd’hui. Cette réponse lapidaire vient en quelque sorte conclure l’excellent ouvrage de Walter Kiechel, “The lords of strategy” (Les seigneurs de la stratégie), qui est à la fois une histoire et une analyse de cette révolution. Une révolution pour rien?

(suite…)