Le canard était toujours vivant: comment l’entreprise peut échapper au déclin

Dans mon article de la semaine dernière, j’évoquais la façon dont certaines organisations s’habituaient à la médiocrité, et masquaient le déclin qui en résulte par de grands discours visionnaires ou sociétaux. Pour décrire leur situation, j’utilisais l’image du canard, qui paraît calme en surface mais qui, sous l’eau, pédale comme un fou pour essayer d’avancer. L’article a suscité énormément de réactions, beaucoup de lecteurs demandant évidemment ce qu’on peut faire pour résoudre la difficulté. Répondre à cette question, c’est la quête du Graal. Sans prétendre trouver celui-ci, essayons quand-même quelques éléments de réponse.

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Le syndrome du canard: comment les organisations en déclin s’habituent à la médiocrité

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Les entreprises s’effondrent rarement d’un seul coup. L’effondrement n’est presque toujours que la phase visible d’un déclin qui a commencé longtemps avant et s’est développé de façon insidieuse. Comme la fameuse grenouille qui ne réagit pas quand la température de l’eau dans laquelle on l’a mise augmente, cette lenteur rend plus difficile la réaction: les signes de déclin semblent disparates et il est difficile de les relier pour brosser un tableau d’ensemble permettant une prise de conscience du danger. Au cœur de cette difficulté se trouve le silence sur la situation et l’acceptation tacite de la médiocrité de la performance.

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Est-il nécessaire de vouloir bâtir une cathédrale pour donner un sens à son travail?

C’est entendu, notre époque est en recherche de sens, du moins c’est ce qu’on répète à l’envi aussi bien dans les entreprises que dans la société dans son ensemble. L’absence de sens conduit au désengagement et les directions des ressources humaines des grandes entreprises sont lancées dans une grande course pour “recréer du sens” sous la houlette de dirigeants visionnaires. L’idée est qu’une vision ambitieuse, une noble raison d’être, un grand récit, donneront un sens aux âmes en errance. Cette idée est bien traduite par une fable fameuse, celle du tailleur de pierre qui construit une cathédrale, motivé par quelque chose de plus grand que lui. Toute séduisante qu’elle soit, cette fable joue pourtant sur des ressorts très contestables et le fait qu’elle soit devenue une référence obligée des séminaires de motivation est regrettable. Non, il n’est pas nécessaire de bâtir une cathédrale pour donner un sens à son travail.

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Je fais ma part pour changer le monde: et si le colibri avait tort?

Face à la liste semble-t-il interminable des problèmes du monde, chacun est amené à se demander ce qu’il peut faire. Alors que nous discutions de l’effectuation avec un ami et que je défendais l’idée que pour changer le monde il vaut mieux viser petit, celui-ci me répondait: “Ah oui, c’est comme le colibri, je fais ma part!” En fait non, pas du tout, le colibri n’est pas du tout la bonne métaphore pour changer le monde.

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L’immunité au changement: ces engagements rationnels qui empêchent l’innovation

Il y a un paradoxe dans le domaine de l’innovation: tout le monde est pour, je ne rencontre jamais un chef d’entreprise qui m’explique qu’il ne veut pas d’innovation, bien au contraire; ils la veulent tous. Et pourtant dans la plupart des entreprises, l’innovation est bloquée. Une cause importante de ce paradoxe réside dans un conflit d’engagement entre le présent et l’avenir. Regardons cela plus en détail.

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Incertitude et création de marché: Le concept d’isotropie et l’engagement avec les parties prenantes au projet entrepreneurial

La création de marché est un domaine complexe, mais au cœur de l’activité entrepreneuriale, et il est donc important de l’explorer. J’ai abordé cette question dans mon billet sur les trois visions du processus de marché. Revenons cette fois à cette question en considérant l’importance de l’engagement des parties prenantes au projet entrepreneurial et sa relation avec la création de marché. A priori, le lien entre les deux n’est pas évident, loin s’en faut. La théorie de l’effectuation (présentée ici) suggère que les parties prenantes – premiers clients, partenaires, fournisseurs, employés, etc.- jouent un rôle plus fondamental que simplement d’aider une nouvelle entreprise à survivre en lui apportant des ressources. L’effectuation part de l’hypothèse qu’un marché n’existe pas “tout seul”: il n’est pas découvert par l’entrepreneur, mais qu’il est co-créé par l’entrepreneur avec des parties prenantes. L’engagement d’un réseau croissant de parties prenantes dans le projet entrepreneurial est le mécanisme central de ce processus. Pour l’Effectuation, l’entrepreneuriat est donc un processus fondamentalement social.

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Effectuation, innovation et design thinking: La question difficile du rôle des utilisateurs

En participant à la conférence IPDMC 2011 à l’Université de Delft, j’ai suivi une présentation essayant de lier l’effectuation et le design thinking. C’est un sujet important. Les deux partagent la notion de conception au sens large comme ancêtre, et notamment le travail de Herbert Simon. Une des questions qui est posée est le rôle des utilisateurs dans le processus d’innovation. Roberto Verganti, dans le discours d’ouverture de la conférence, rappelait les risques qu’il y avait à écouter les utilisateurs dans une démarche d’innovation radicale. (suite…)