Incertitude et création de marché: Le concept d’isotropie et l’engagement avec les parties prenantes au projet entrepreneurial

La création de marché est un domaine complexe, mais au cœur de l’activité entrepreneuriale, et il est donc important de l’explorer. J’ai abordé cette question dans mon billet sur les trois visions du processus de marché. Revenons cette fois à cette question en considérant l’importance de l’engagement des parties prenantes au projet entrepreneurial et sa relation avec la création de marché. A priori, le lien entre les deux n’est pas évident, loin s’en faut. La théorie de l’effectuation (présentée ici) suggère que les parties prenantes – premiers clients, partenaires, fournisseurs, employés, etc.- jouent un rôle plus fondamental que simplement d’aider une nouvelle entreprise à survivre en lui apportant des ressources. L’effectuation part de l’hypothèse qu’un marché n’existe pas “tout seul”: il n’est pas découvert par l’entrepreneur, mais qu’il est co-créé par l’entrepreneur avec des parties prenantes. L’engagement d’un réseau croissant de parties prenantes dans le projet entrepreneurial est le mécanisme central de ce processus. Pour l’Effectuation, l’entrepreneuriat est donc un processus fondamentalement social.

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Découverte ou création de marché? L’incertitude nous rend libres

L’un des concepts les plus importants, mais également les moins bien compris, du management est le concept d’incertitude. L’incertitude est souvent confondue avec le risque, or les deux n’ont rien à voir.

Utilisant le vocabulaire des probabilités, l’économiste prix Nobel Frank Knight définit le risque comme un futur dont la distribution d’états possibles est connue. Par exemple, si l’on met trois boules vertes et deux boules rouges dans une urne, on connaît le ‘risque’ de tirer une boule verte (60%). L’incertitude ‘knigthienne’, en revanche, correspond à un futur dont la distribution d’états est non seulement inconnue, mais impossible à connaître: on ne connaît pas le nombre de boules à l’intérieur de l’urne, et encore moins leurs couleurs, on ne sait d’ailleurs même pas s’il y a des boules et s’il y a une urne. Cette incertitude est objective : elle ne tient pas au manque d’information ou à l’incompétence de l’observateur mais à la nature même du phénomène. L’incertitude caractérise les environnements nouveaux et complexes comme les marchés en émergence ou les guerres.

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Qu’est-ce qu’un marché? Allocation, découverte, création: les trois conceptions

D’où viennent les marchés? Plus spécifiquement, quel est le mécanisme qui transforme l’information nouvelle (invention, découverte, imagination, etc.) en un bien économique? C’est une question fondamentale et pourtant très peu abordée par les économistes. Pour reprendre l’expression de l’économiste Kenneth Arrow, “Bien que nous ne soyons pas explicite à ce sujet, nous postulons réellement que lorsqu’un marché peut être créé, il le sera.” En particulier, les marchés sont traditionnellement supposés exister de manière exogène dans la pensée économique classique, une approche qui est largement reprise dans la pensée stratégique et marketing. Il en résulte que bien que la notion de création de marché ne soit pas explicitement rejetée, la littérature parle en grande majorité d’ouverture de marché, déplaçant la problématique de la création à l’entrée sur le marché. L’alternative est la suivante : Ou bien les nouveaux marchés existent de facto de manière exogène et la question est celle de savoir comment on “entre” sur ces marchés (approche classique), ou bien les nouveaux marchés émergent à la suite de l’évolution technologique et institutionnelle d’une population d’acteurs engagés dans un processus adaptatif et itératif au sein d’un environnement changeant. Trois théories du marché se distinguent logiquement: le marché comme un processus d’allocation, le marché comme un processus de découverte et le marché comme un processus de création. Examinons ces trois théories à la suite.

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Entrepreneuriat, risque et incertitude: l’apport de l’économiste Frank Knight

On entend souvent dire que les entrepreneurs aiment prendre des risques, alors qu’en fait, s’ils en prennent, ils essaient de les contrôles. Ils sont comme le cascadeur Rémi Julienne qui remarquait: “Mon métier consiste à minimiser les risques.” Mais surtout la notion de risque ne caractérise pas correctement l’environnement dans lequel les entrepreneurs agissent lorsqu’ils créent un nouveau marché.

Pour caractériser cet environnement, l’économiste Frank Knight a introduit une distinction entre risque et incertitude. Utilisant le vocabulaire des probabilités, Knight définit le risque comme un futur dont la distribution d’états possibles est connue. Par exemple, si l’on met trois boules vertes et deux boules rouges dans une urne, on connaît le ‘risque’ de tirer une boule verte (60%). L’incertitude ‘knigthienne’, en revanche, correspond à un futur dont la distribution d’états est non seulement inconnue, mais impossible à connaître: on ne connaît pas le nombre de boules à l’intérieur de l’urne, et encore moins leurs couleurs, on ne sait d’ailleurs même pas s’il y a des boules et s’il y a une urne. Cette incertitude est objective : elle ne tient pas au manque d’information ou à l’incompétence de l’observateur mais à la nature même du phénomène.

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