Quel leadership dans un monde incertain? A propos de la vision

Quelles que soient leurs préférences philosophiques, la plupart des spécialistes du leadership partagent une conception remarquablement similaire: le leader, expliquent-ils, doit combiner deux compétences: il ou elle doit d’abord être capable de définir et d’articuler une vision cohérente; il ou elle doit ensuite être capable de mobiliser des gens qui vont suivre et s’approprier cette vision et idéalement s’identifier avec celle-ci. La première compétence se rapporte à la conception et à la communication, tandis que la seconde est de l’ordre des relations interpersonnelles. Si elle est prévalente aussi bien dans l’enseignement que dans le monde du conseil et bien-sûr dans celui des organisations, cette conception devient pourtant obsolète dans un monde incertain.

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Résister au prêt-à-penser managérial: la petite musique de la sociologie va-t-elle s’éteindre?

Dans un très beau texte publié sur LinkedIn, le sociologue François Dupuy dresse un constat désabusé sur son métier. Selon lui, la “petite musique” de la sociologie, qui fut tant appréciée par son auditoire tout au long de sa carrière, va bientôt s’éteindre, victime à la fois du prêt-à-penser qui engloutit la pensée managériale et du manque d’intérêt des chercheurs pour le monde de l’entreprise. Si je partage en partie ce constat, j’explique dans ce qui suit pourquoi je ne suis pas aussi pessimiste quant à la possibilité de garder vivant une pensée du management, mais à condition qu’elle se mette au service de l’action.

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L’organisation et son environnement: Le problème avec l’acronyme ‘VUCA’

L’acronyme anglais VUCA – volatility, uncertainty (incertitude), complexity and ambiguity – est très utilisé pour décrire les environnements difficiles dans lesquels évoluent les organisations aujourd’hui. Il a été introduit par le U.S. Army War College à la fin de la guerre froide pour traduire la nouvelle nature de l’environnement qui n’était plus contrôlé par deux grandes puissances. Or cette popularité est problématique en raison de l’imprécision du terme et surtout du fait qu’il masque le réel problème que rencontrent les organisations dans les environnements actuels.

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Stratégie non prédictive (3): Les systèmes non linéaires et la nature du problème

Cet article est le troisième d’une série sur l’incertitude et la stratégie non prédictive.

En dépit des développements théoriques considérables en stratégie d’entreprise au cours des cinquante dernières années, les organisations continuent à être perturbées par des événements qu’elles n’ont pas vu venir, ou par des événements qu’elles ont vu venir, mais qu’elles ont été incapables d’éviter ou dont elles ont été incapables de tirer parti. Dans cet article, nous revenons en détail sur la nature du problème pour essayer de la caractériser.

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Stratégie non prédictive (1): Une compréhension profonde bat la prédiction

Ce billet est le premier d’une série sur la stratégie en environnement complexe et incertain.

Les environnements et les problèmes auxquels sont confrontés les entreprises sont plus complexes que les modèles traditionnels de la stratégie ne le laissent penser. Ils présentent des niveaux élevés d’incertitude (absence objective d’information), ils peuvent se comporter de façon non linéaire (une petite variation peut entraîner de grandes conséquences, ou vice versa). Les marchés émergents, les nouvelles technologies, le système de santé ou la système financier sont des exemples typiques d’environnements non linéaires. Ces environnements sont en outre vulnérables aux “cygnes noirs“, une expression forgée par Nassim Taleb pour désigner des évènements à faible probabilité mais à fort impact qui perturbent même les meilleures stratégies. Une difficulté supplémentaire pour les stratèges est que les environnements non linéaires apparaissent souvent comme linéaires pour une période prolongée (pensez aux prix de l’immobilier aux  États-Unis). En conséquence, certains concluent que ce qui semble être un modèle essentiellement linéaire (les prix fluctuent un peu autour d’une “tendance stable à long terme”), est réellement linéaire dans la réalité – avant qu’un changement radical ne se produise et remette entièrement en question les modèles que l’on pensait solides (par exemple, une baisse de prix spectaculaire de l’immobilier aux États-Unis à partir de 2008). En bref, on suppose qu’un environnement est linéaire et prévisible, alors qu’en fait la continuité que nous observons n’est qu’un cas particulier vérifié pendant une durée limitée.

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