Le rôle social du commerçant

Nous sommes prisonniers de modèles mentaux profonds et invisibles. L’un de ces modèles est l’opposition très française entre l’économique et le social, le premier étant moralement suspect tandis que le second est noble. Cette séparation est illustrée en particulier par l’image négative du commerçant considéré comme égoïste, asocial et motivé uniquement par des considérations jugées bassement matérielles. Parce qu’elle repose sur une méconnaissance de l’économie, et en particulier du lien intime entre l’économique et le social, cette opposition est contre-productive et coûteuse. Non seulement le commerçant a un rôle économique important mais il a également un rôle social essentiel. Et ces deux rôles sont les deux faces d’une même pièce.

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Le militant et le politique: Les deux logiques pour changer le monde

Tout le monde sera d’accord sans doute pour dire que notre monde a besoin de changement, même si personne ne sera d’accord, passé les unanimités de façade temporaires durant une crise aiguë, sur ce qu’il faudrait changer. Mais ce dont on parle moins, et qui compte plus, c’est comment changer le monde. Or c’est là la clé de tout bien-sûr. Deux événements récents, parmi tant d’autres, ont mis en lumière l’importance de cette question. Ces deux événements sont très liés, il s’agit du redémarrage des centrales à charbon en Europe et des coupures d’électricité en Californie.

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Tech for good: Et si c’était une très mauvaise idée?

Le monde de la technologie est sur la défensive; ses abus sont largement exposés dans les médias (Facebook), ses contributions à peine évoquées comme évidentes, négligeables ou pire, contre-productive. Ses bénéfices sont questionnés (à quoi bon la 5G?) et ses dangers potentiels mis en avant (OGM). Des voix s’élèvent pour qu’elle soit mieux contrôlée et qu’elle contribue au bien commun, ce que traduit l’expression Tech for good (la technologie pour le bien). Mais qu’est-ce qu’on entend par ‘good’? C’est une question fondamentale parce qu’y répondre montre que derrière la noblesse de l’intention, Tech for Good est en fait une très mauvaise idée.

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Leçon de crise: Le consumérisme s’oppose-t-il à la vie?

Avec la crise du coronavirus, chacun s’affaire à penser le « monde d’après ». Dans une tribune publiée par le Monde, Juliette Binoche, Robert de Niro et deux-cent artistes et scientifiques appellent à refuser un « retour à la normale » après la crise, estimant que « le consumérisme nous a conduits à nier la vie en elle-même: celle des végétaux, celle des animaux et celle d’un grand nombre d’humains ». La tribune est intéressante parce qu’elle oppose consumérisme et vie, alors qu’en général on produit et on consomme pour vivre. Que traduit cette opposition? En fait elle n’a rien de nouveau et cela fait bien longtemps que les artistes et les intellectuels méprisent ce qu’ils appellent le « consumérisme » (sans le définir) hier au nom de la morale, aujourd’hui au nom de la sauvegarde de la planète. Pour le comprendre, on peut faire un détour par La Bohème, le célèbre opéra de Puccini.

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Le colibri a toujours tort: pour changer le monde, faire sa part ou faire le nécessaire?

Dans un article précédent j’évoquais la légende du colibri, qui « fait sa part » pour lutter contre l’incendie de la forêt. Je montrais pourquoi je pensais qu’il est loin d’être un exemple à suivre pour résoudre les grands problèmes que nous connaissons. L’article a suscité pas mal de réactions et une série d’échanges très intéressants dans les commentaires. Ces échanges m’ont inspiré un certain nombre de réflexions complémentaires que je partage ci-dessous, à propos de la question que se pose chacun d’entre nous: que puis-je faire pour changer monde?

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Une petite minute: Les modèles mentaux bien sombres qu’exploite la nouvelle pub de Super U

Je regarde rarement la télévision, mais j’ai tort et je m’en suis rendu compte vendredi soir en tombant par hasard sur la publicité de Super U qui s’appelle une petite minute. Je l’ai trouvée remarquable. Comme toute bonne publicité, elle exploite avec habilité les modèles mentaux sociétaux, c’est à dire nos croyances profondes qui façonnent comment nous voyons le monde. Malheureusement les ressorts qu’elle exploite ainsi sont dangereux. Elle peut néanmoins être l’occasion d’une prise de conscience sur ce qu’il ne faut pas faire si on veut vraiment changer le monde.

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L’erreur de Mandeville et ses abeilles: éthique individuelle et bien commun

Je suis tombé pendant mes lectures d’été sur un texte très intéressant de Gilles Martin consacré au bien commun qui oppose Robespierre et Bernard Mandeville, l’auteur de la fameuse Fable des abeilles. La question posée est la suivante: êtes-vous plutôt Robespierre, pour lequel le bien commun doit être défini par un dictateur vertueux (la vertu comme principe premier), ou Mandeville, pour lequel le bien commun résulte du vice des individus auquel on laisse libre cours (le vice comme principe premier)? Naturellement, dès qu’on m’offre un choix binaire, je sors mon clavier et je réponds « Ni l’un ni l’autre mon général ».

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Éthique du soldat, éthique du marchand: à propos du sacrifice du Colonel Beltrame

Comme beaucoup de nos compatriotes, j’ai été très ému par le sacrifice du Colonel de Gendarmerie Arnaud Beltrame qui s’est offert pour remplacer une femme otage au supermarché de Trèbes il y a quelques semaines. Tous les commentateurs ont souligné à juste titre la grandeur du geste. Qu’on ait appris ensuite qu’il ne s’était pas simplement sacrifié mais avait tenté de maîtriser le terroriste ne fait qu’ajouter au respect qu’on lui doit. Le discours prononcé par Emmanuel Macron à l’occasion de l’hommage national qui lui a été rendu était juste, superbement rédigé et il n’y a rien à ajouter. A part quelques imbéciles, l’hommage a été unanime. Maintenant que l’émotion est retombée, nous pouvons toutefois nous interroger sereinement sur l’exemple que ce sacrifice nous donne.

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IA et éthique: le contresens navrant de Cédric Villani

Ainsi donc avec le rapport Villani sur l’intelligence artificielle, la France a renoué avec une vieille tradition: demander à quelqu’un d’intelligent d’écrire un rapport idiot. Enfin idiot, on se comprendra: le rapport que notre Médaille Fields vient de rédiger n’est pas tant idiot que convenu. Nous sommes en retard sur l’IA, vite un plan national. Des subventions, des initiatives, une agence, tout plein de petits fours et de pique-assiettes, la routine française quoi. La montagne a accouché d’une souris, les chinois se marrent bien. Mais les faiblesses de ce rapport ont été soulignées avec talent par d’autres, inutile d’y revenir. Ce qui me semble important cependant, c’est le lien que le rapport fait avec l’éthique.

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