Ni saint, ni héros, ni victime: et si on revendiquait la figure bourgeoise de l’accomplissement?

Quelles figures devons-nous prendre pour modèle? L’historien Arnold Toynbee montrait que toute civilisation s’inspire de figures symboliques pour définir ses valeurs dominantes et structurer ainsi sa vie sociale. À côté des figures traditionnelles de saint et de héros s’ajoute aujourd’hui celle de la victime. Aucune des trois pourtant ne traduit l’essence de notre société moderne, celle de l’accomplissement, c’est-à-dire de l’individu qui se réalise par son travail créatif. Et si il était temps de remédier à cette absence?

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Leçon de crise: Le consumérisme s’oppose-t-il à la vie?

Avec la crise du coronavirus, chacun s’affaire à penser le « monde d’après ». Dans une tribune publiée par le Monde, Juliette Binoche, Robert de Niro et deux-cent artistes et scientifiques appellent à refuser un « retour à la normale » après la crise, estimant que « le consumérisme nous a conduits à nier la vie en elle-même: celle des végétaux, celle des animaux et celle d’un grand nombre d’humains ». La tribune est intéressante parce qu’elle oppose consumérisme et vie, alors qu’en général on produit et on consomme pour vivre. Que traduit cette opposition? En fait elle n’a rien de nouveau et cela fait bien longtemps que les artistes et les intellectuels méprisent ce qu’ils appellent le « consumérisme » (sans le définir) hier au nom de la morale, aujourd’hui au nom de la sauvegarde de la planète. Pour le comprendre, on peut faire un détour par La Bohème, le célèbre opéra de Puccini.

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Éthique du soldat, éthique du marchand: à propos du sacrifice du Colonel Beltrame

Comme beaucoup de nos compatriotes, j’ai été très ému par le sacrifice du Colonel de Gendarmerie Arnaud Beltrame qui s’est offert pour remplacer une femme otage au supermarché de Trèbes il y a quelques semaines. Tous les commentateurs ont souligné à juste titre la grandeur du geste. Qu’on ait appris ensuite qu’il ne s’était pas simplement sacrifié mais avait tenté de maîtriser le terroriste ne fait qu’ajouter au respect qu’on lui doit. Le discours prononcé par Emmanuel Macron à l’occasion de l’hommage national qui lui a été rendu était juste, superbement rédigé et il n’y a rien à ajouter. A part quelques imbéciles, l’hommage a été unanime. Maintenant que l’émotion est retombée, nous pouvons toutefois nous interroger sereinement sur l’exemple que ce sacrifice nous donne.

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Pourquoi ce sont les valeurs, et non les institutions, qui alimentent le changement – L’apport de Deirdre McCloskey

D’où vient le changement radical dans notre société? C’est une question très ancienne et très complexe, à laquelle il n’est pas facile de répondre. Durant très longtemps, et surtout en France, la réponse a été « de l’Etat ». Plus généralement on a tendance à mettre en avant des institutions, comme l’école, les droits de propriété ou l’action politique. Cette vision institutionnelle du changement est toutefois contestée par ceux qui estiment que ce sont en fait les valeurs qui suscitent les institutions plutôt que l’inverse.

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Economie du savoir, économie du partage: pourquoi la possession des moyens de production n’est plus aussi importante

J’écrivais la semaine dernière au sujet de l’économie du partage en essayant de montrer en quoi son avènement ne signifiait en rien la fin du capitalisme. L’argument que j’avançais était qu’à mon sens, la propriété des moyens de production n’est pas très importante dans le système capitaliste, alors qu’elle revêt une importance cruciale dans le marxisme par exemple. Cette confusion sur l’importance de la propriété du capital est une des erreurs que commet Thomas Piketty dans sa fameuse analyse des inégalités. Revenons sur cette question en développant un aspect important qui tient à l’évolution récente du système capitaliste, celui du développement du capital humain.

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Institutions ou valeurs? Comment expliquer le décollage économique de l’Europe à partir du XVIIIème siècle

La question de savoir ce qui a permis de décollage économique commencé en Europe à la fin du XVIIIème siècle n’en finit pas d’occuper les historiens et les économistes. Elle n’a pas qu’un intérêt académique car au-delà, elle renvoie aux causes permettant le développement d’innovations. Regardons les termes du débat en évoquant les travaux d’une chercheuse américaine, Deirdre McCloskey, qui résume sa pensée en écrivant: « Pourquoi ce sont les valeurs, et non le néo-institutionnalisme, qui expliquent le monde moderne. »

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