Bon ça faisait longtemps que je n’avais pas parlé de Jim Collins, auteur de Good to Great (argh, encore lui!). Je déjeunais récemment avec un ami qui atteint la quarantaine après une carrière plutôt réussie dans la high-tech, et qui se pose des questions sur son avenir (disons que l’état de son entreprise l’y invite fortement). Confidence du-dit ami: j’aimerais faire autre chose. Effectivement, il pourrait sans trop de difficulté passer quelques coups de fils et se retrouver en quelques semaines dans une autre boîte high-tech pour une nouvelle aventure. Oui, mais un air de "plus de la même chose", quelque part, le retient de faire cela. Faire autre chose, mais quoi? On connaît les rêveurs qui passent leur vie à se demander quelle est leur vraie vocation, quel est le sens de la vie.
Maître Collins, à cet égard, a une intéressante théorie. Commençons par un petit détour. Comme on le sait sans doute, Collins s’intéresse aux entreprises sur-performantes. Selon lui, ces entreprises partagent un certain nombre de traits, dont un en particulier, qu’il appelle le concept hérisson. Isaiah Berlin disait que la différence entre le renard et le hérisson, c’est que le renard sait beaucoup de petites choses, tandis que le hérisson ne sait qu’une grande chose. Collins reprend cette idée en suggérant que les entreprises sur-performantes définissent leur concept économique autour d’un concept très clairement défini, et qu’elles n’en dévient pas.
Plus spécifiquement, ce concept est basé sur trois piliers:
- L’excellence: les entreprises se concentrent sur les domaines où elle se savent excellentes, ou où elle peuvent le devenir;
- La passion: les entreprises se concentrent sur les marchés qui passionnent les hommes qui la composent, ou au moins les fondateurs. On pourrait dire que leur devise est "honni soit qui mal y pense". Si vous n’aimez pas les cigarettes, ne venez pas travailler chez Philip Morris.
- Le moteur économique: les entreprises mettent au point sur leur domaine un concept économique sain, générateur de profits durables.
Ce que Collins suggère, c’est en quelque sorte trois règles à suivre pour déterminer le "terrain de jeu" de l’entreprise. Impossible d’atteindre le leadership dans un domaine qui ne passionne pas. Inutile de le faire dans un domaine qui ne rapporte pas, etc.
Retour à mon ami, car Collins suggère naturellement, au détour d’une page, qu’un tel modèle s’applique parfaitement à un individu qui se demande quoi faire de sa vie. Autant choisir un domaine dans lequel on est intimement convaincu que l’on peut exceller. Pas d’excellence sans passion, et pas de succès sans une certaine forme de succès économique. Je suggère de commencer par la passion. L’histoire prouve que l’argent finit toujours par suivre la passion.
Loin d’apporter une solution toute faite, un tel modèle peut être un utile préalable à une réfléxion sur le sens à donner à une carrière au seuil des quarante ans. A cet âge, on a en général une bonne conscience de ses forces et de ses faiblesses, de ses intérêts, de ses zones grises, et bien sûr de ce qui vous passionne. Un jour je demandais à ma prof de philo si, le soir chez elle, quand elle lisait un livre de philo, elle considérait qu’elle travaillait. Sa réponse: je suis passionnée par ce que je fais, la question n’a donc pas de sens. Quand vous en arrivez là, quand vous êtes passionnés par ce que vous faites, au point où vous vous dites "et en plus je suis payé(e) pour faire ça!", vous avez touché le gros lot.