Gary Hamel est de retour. Gourou de la stratégie "alternative",
pourfendeur de la stratégie classique et surtout du re-engineering dans
les années 90.
Il y a un peu plus de dix ans paraissait son livre "A
la conquête du futur", écrit avec CK Pralahad . En 1994, le monde
industriel était en pleine tornade du re-engineering, avec comme
objectif avoué d’obtenir des gains massifs de productivité… et souvent
comme conséquence inavouée de dégraisser les effectifs.
Lancé en
réaction contre la menace japonaise, le re-engineering posait comme
postulat que l’avantage concurrentiel passait par l’efficacité
organisationnelle, inaugurant ainsi une longue période de saignée et de
réorganisation massives dans les entreprises occidentales.
"A la conquête du futur"
est une attaque en règle contre cette attitude. Selon Hamel et
Pralahad, le re-engineering n’est pas une stratégie ; tout au plus
est-ce le prix à payer pour n’avoir pas eu de stratégie. Prix à payer
par des entreprises qui n’ont pas su inventer leur avenir à temps.
L’ouvrage fait l’effet d’une bombe dans l’univers de la gestion,
généralement marqué par la tendance à considérer que la souffrance est
une condition nécessaire à la réussite. Son message optimiste est que
chacun, quelle que soit sa position dans l’entreprise, peut réussir une
innovation, que la vision stratégique est nécessaire, et qu’elle
consiste à inventer l’avenir et à y conduire l’entreprise. Nous
rappelons d’ailleurs ce message optimiste au début de notre livre "Objectif Innovation".
Hamel
est ensuite devenu le chantre de l’entrepreneuriat au sein des
entreprises, les incitant à briser les barrières à l’innovation,
publiant même un article intitulé "Bringing Silicon Valley inside".
Selon lui, il fallait libérer les employés des contrôles et laisser
fleurir le chaos créatif. Comme toute position extrême cependant, elle
trouva ses limites, surtout que son exemple favori était… Enron, qui
avait effectivement appliqué cette stratégie et supprimé tout contrôle,
avec le résultat que l’on sait. Cet écart n’enlève toutefois pas
l’intérêt de ses travaux, et la lecture de ses écrits est toujours
revigorante.
Hamel a du méditer sur ces écrits de jeunesse, et
laisser tomber son côté maoïste. Il s’en revient pour créer un centre
de recherche sur l’innovation dans le management à la London Business School.
Selon lui, l’innovation peut être classée en trois domaines:
institutionnel, technologique et management, et l’innovation dans le
domaine du management n’est que peu étudiée dans les écoles de
commerce, en particulier pas sa dimension historique.
L’intérêt réside dans l’approche. Hamel souhaite éviter d’étudier,
comme nombre de ses collègues, les inévitables grandes entreprises qui
selon lui n’ont pas grand chose à dire dans ce domaine. Il préfère
aller chercher les petites entreprises plus innovantes en matière
d’organisation et de processus de gestion. Il partira donc du terrain,
dont les universitaires américains s’éloignent de plus en plus, en
raison de la nécessité pour eux de publier des articles dans des revues
académiques. Ce contact avec le terrain, et ce rejet de la publication
ésotérique, constituent un trait distinctif majeur entre les chercheurs
américains et européens, et explique pourquoi Hamel l’installe à la
LBS, et non à Harvard. A suivre…
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