A la fin du XIXème siècle, la précision des tirs de la marine américaine était encore approximative : une étude de l’époque indiquait que seuls 121 tirs sur 9.500 atteignaient leur cible ! En 1900, le lieutenant américain William S. Sims, rencontra l’Amiral anglais Percy Scott à l’occasion d’une affectation en Chine. Ce dernier avait mis au point un nouveau système de visée qui compensait le roulis des bâtiments et avait la capacité de multiplier par 30 la précision des tirs.
Sims accumula des données sur le nouveau système de visée pour conforter son opinion et, légitimement enthousiasmé par les performances qu’il découvrait, commença à envoyer des notes au Bureau des Ordonnances de la Marine Américaine (le département R&D de la Marine), à Washington. Il se produisit exactement le contraire de ce qu’il escomptait: il ne reçut aucune réponse…
Au lieu de se décourager, Sims commença à diffuser plus largement à diffuser ses notes sur le nouveau système de visée, jusqu’à acquérir un statut d’empêcheur de tourner en rond. A partir d’un certain stade, l’état-major de la Marine ne put plus l’ignorer ; le bureau des Ordonnances prépara donc un rapport qui expliquait:
1. que la Marine américaine avait les tirs les plus précis du monde et que ce niveau de précision avait grandement contribué au succès des forces américaines dans leur conflit avec l’Espagne,
2. que le nouveau système ne pouvait pas permettre d’obtenir une amélioration des performances dans les proportions décrites par Sims,
3. qu’une amélioration des performances ne devait pas être recherchée du côté de la technologie, mais plutôt du côté de la formation et de l’entraînement des tireurs.
Le lieutenant Sims, qui n’avait plus rien à perdre, commit alors l’impensable ; il fit une synthèse de tous ses rapports et l’envoya directement au Président des Etats-Unis en personne, Théodore Roosevelt. Celui-ci, ancien Secrétaire d’Etat de la Marine, lut le rapport, et au mépris de tous les usages, fit venir Sims à Washington en 1902 avec comme mission… de faire évoluer les dispositifs de visée de la marine américaine !
Les Lieutenants Sims en entreprise ne finissent malheureusement pas tous leurs carrière de cette façon.
2 réflexions au sujet de « La résistance des organisations à l’innovation : l’histoire du Lieutenant Sims »
…et il vécut heureux et eut beaucoup d’enfants: les SIMS (http://thesims.ea.com/index_flash.php)
Ayant été moi-même en charge du développement des nouveaux produits et effets dans l’armée, il m’est arrivé presque semblable mésaventure.
Après plusieurs rejets de la proposition d’un concept “nouveau” d’alimentation des troupes en campagne par ma direction, j’effectue une dernière tentative auprès d’elle.
A ce moment, sans m’en informer, la direction accepte le nouveau concept et passe commande de plusieurs centaines de milliers d’articles, en s’affranchissant de l’expérimentation traditionnelle.
S’agissant d’un concept nouveau, une pédagogie aurait dû accompagner l’expérimentation ; les résultats ont été à la hauteur de la précipitation …
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