Management: Faut-il être gentil?

Dans l’une des tables rondes du forum Peter Drucker qui s’est tenu à Vienne la semaine dernière, et alors qu’elle était invitée à conclure son propos, l’une des intervenantes a déclaré que dans le monde actuel, difficile et incertain, il fallait absolument être plus gentil les uns envers les autres. Je ne pense pas du tout qu’elle a raison, et cet impératif entre selon moi dans la catégorie des fausses bonnes idées.

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Convaincre ou donner envie? Ce qu’Antoine Parmentier nous apprend sur l’innovation

Comment convaincre les collaborateurs de son entreprise d’être plus innovants? C’est la question que me posent immanquablement les participants lorsque j’anime un séminaire d’innovation. Après souvent des années de tentatives infructueuses, de méthodes essayées les unes après les autres, et de frustrations à voir que les efforts ne débouchent pas sur grand-chose, ils sont toujours à la recherche de la potion magique, celle qui débloquerait tout. Je leur explique que cette potion n’existe pas, ce qui me coûte souvent assez cher, mais qu’ils peuvent franchir un pas important en reconnaissant que le problème réside en partie dans l’idée de convaincre les autres. Il vaut beaucoup mieux donner envie. Donner envie plutôt que convaincre, ces deux postures sont illustrées par deux personnages fameux dans l’histoire, Ignace Semmelweis et Antoine Parmentier.

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Mensonges publics, vérités privées: pourquoi rien ne change quand tout le monde est mécontent

Des situations socialement insatisfaisantes persistent parfois très longtemps alors qu’individuellement, nombreux sont ceux qui en sont insatisfaits. Ce phénomène d’inertie a toujours étonné les chercheurs mais aussi ceux qui vivent de telles situations. Cela tient à une distinction très importante entre l’opinion publique et les préférences privées, et à l’observation, contre intuitive, que la première n’est pas la simple addition des secondes. Pour comprendre pourquoi rien ne change même quand tout le monde est mécontent, il est très important de comprendre la dynamique entre les deux.

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Les gilets jaunes ou la confusion des modèles mentaux dans un monde qui change

J’observe le mouvement des gilets jaunes avec fascination et je ne peux m’empêcher de voir à quel point il fait voler en éclat nos modèles mentaux, c’est à dire la façon dont nous expliquons le monde. Je m’intéresse au changement, ou plutôt à la difficulté de changer, et comme la plupart des observateurs, et même des acteurs, je n’arrive pas à trouver une explication satisfaisante à ce mouvement car il défie les classifications existantes. C’est bien-sûr le propre des phénomènes de rupture, qu’ils soient industriels, sociaux ou politiques et à ce titre déjà, ce mouvement est important. En faisant voler en éclat nos modèles mentaux, les ruptures créent d’abord la confusion parmi les acteurs, et préparent le terrain pour celui qui saura reconstruire un modèle sur la base de cette confusion. C’est au stade de confusion que nous sommes et la suite va être assez intéressante.

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Comment le modèle mental s’oppose au changement: la tragédie des colons du Groenland

Qu’est-ce qui empêche la transformation des organisations? Plus généralement, qu’est-ce qui empêche de changer face à une évolution de son environnement? Les causes sont multiples, mais parmi elles figure en bonne place la façon dont on perçoit le monde et dont on se perçoit soi-même, c’est à dire son modèle mental. L’importance du modèle mental est particulièrement frappante dans un cas historique important, celui de la disparition de la colonie norvégienne du Groenland.

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Il faut absolument en parler au chef

On pense souvent qu’il suffira de parler au chef pour résoudre les grands problèmes de l’organisation. C’est malheureusement faux et cela traduit souvent une naïveté organisationnelle et surtout un refus de prise de responsabilité de la part des cadres qui ont pourtant beaucoup plus de pouvoirs qu’ils ne pensent.

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Pourquoi transformer une organisation est difficile: Ressources, processus, valeurs et la migration des compétences

Pourquoi une entreprise n’arrive-t-elle pas à changer lorsqu’elle fait face à une rupture? La question n’est pas nouvelle mais elle continue d’intriguer les spécialistes. Une partie de la réponse se trouve dans l’observation qu’au cours du temps, ce qu’une organisation sait faire migre: sa capacité réside d’abord dans ses ressources (notamment humaines), puis elle évolue vers des processus et enfin vers des valeurs. C’est à ce dernier stade que le changement est le plus difficile.

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La grille de lecture, un concept important en stratégie de rupture

La réaction d’une organisation face à un changement profond de son environnement (rupture technologique, changement de régulation, etc.) fait l’objet depuis longtemps de travaux de recherche. Pour certains auteurs, un concept important émerge pour décrire cette réaction, celui de grille de lecture (frame en anglais). L’idée est que face à une rupture, l’organisation a besoin de repenser sa manière de voir le monde. Les anciens concepts ne fonctionnent plus, les concurrents changent, l’ambiguité est forte, etc. C’est par exemple Kodak qui prend de plein fouet la révolution numérique et doit transformer son métier de chimiste à informaticien et électronicien. Il s’agit donc en quelque sorte d’effacer l’ancienne grille de lecture et d’en recréer une nouvelle, qui permettra ainsi de guider une nouvelle stratégie.

La notion de grille de lecture est introduite par la littérature psychologique et cognitive, et elle s’applique fort bien à la stratégie. Parmi les travaux typiques et intéressant, citons ceux de Clarke Gilbert, professeur à Harvard, auteur d’une thèse sur la réaction de la presse écrite face à Internet qui montre bien l’évolution de la grille de lecture, forcée par la marche folle des évènements (malheureusement, sa thèse n’est disponible qu’en papier). Gilbert est également l’auteur d’un working paper intitulé “Can competing frames coexist” où il montre que la difficulté de réaction d’une organisation face à une rupture n’est pas toujours due uniquement à un problème d’engagement (commitment) envers son environnement actuel qui l’empêche d’embrasser le changement (thèse promue par Clayton Christensen). Au contraire, la difficulté naît de la manière dont la rupture est perçue par l’organisation. Perçue comme une menace, la rupture entraîne une rigidification et une paralysie (threat rigidity). Perçue comme une opportunité, la rupture entraîne au contraire une réaction positive. Sur la notion de frame, on pourra également lire les travaux de Sarah Kaplan, professeur à Wharton, et auteur de “Framing contest: micro-mechanism of firm response to technical change“. L’idée développée est que face à un “nouveau monde”, le processus stratégique se ramène à une mise en concurrence de différentes grilles de lecture, d’abord au niveau individuel, puis au niveau du groupe, du département et enfin de toute l’organisation, dans une vision “partagée” mise à jour. La stratégie consiste donc à construire cette grille de lecture commune. Toujours de Sarah Kaplan, mentionnons un autre article intéressant sur le rôle du facteur cognitif dans la réponse de l’organisation face à une rupture, dans le cas particulier de l’industrie pharmaceutique: “Discontinuities and senior management – assessing the role of recognition in pharmaceutical firm response to biotech“.