Dans un discours à l’American Society of Newspaper Editors, Rupert Murdoch déclarait récemment que les journaux, tels que nous les connaissons, sont voués à une extinction rapide. Ce n’est pas la première fois qu’une telle prédiction est faire (voir notre billet du 5 décembre) mais quand on sait que Murdoch est l’un des plus grands propriétaires de média classiques (TV, radio, journaux) au monde, c’est stupéfiant. C’est un peu comme si le Pape annonçait la fin de l’Eglise catholique.
Les dinosaures prennent donc conscience qu’ils sont en danger. Du moins l’un d’entre eux. L’analyse de Murdoch ne surprendra pas les familiers du Net: explosion des blogs, changements sociaux qui font que les jeunes générations n’acceptent plus les références morales que pouvaient constituer les grandes figures du journalisme, émergence de nouveaux acteurs (Google, bien sûr), démarches collaboratives de collecte et d’évaluation d’information inspirée des méthodes du logiciel libre, l’explosion de l’information en réseau est partout. La réaction des médias traditionnels, qui méprisent ces sources d’information comme peu sûres et superficielles, est très classique. Ce ne serait pas de l’information “de qualité”, vérifiée par des professionnels. En conséquence, ce phénomène ne touchera qu’une minorité d’adolescents, et ceux qui veulent de l’information sérieuse resteront avec les médias traditionnels. C’est évidemment une grave erreur. D’une part parce que les médias traditionnels ont connu et connaissent régulièrement leur lot d’erreurs, de mensonges, de biais et de propagande. D’autre part parce que Linux a prouvé qu’une approche décentralisée, non financière et “démocratique” pouvait produire un résultat de très haute qualité. Amazon a montré que les sources pouvaient être évaluées dynamiquement, éliminant ainsi celles qui ne sont pas fiables. On peut même avancer qu’un tel système est beaucoup plus fiable qu’un éditeur dans son bureau. Les médias traditionnels n’ont existé qu’en raison de la rareté de la matière première et de son coût de traitement, que seule une grande organisation pouvait assumer. C’est désormais terminé lorsque chacun d’entre-nous peut contribuer.
La rupture est en marche, et l’analyse de Clayton Christensen s’applique complètement: le monde de l’information est en train d’être reconfiguré à la suite d’une rupture majeure, les acteurs traditionnels se refusent à l’admettre, et ils se font donc déborder par de nouveaux entrants “non légitimes” avant d’entamer un déclin rapide. Peu de temps avant sa mort, Françoise Giroud, conscience du journalisme français bien pensant, se plaignait ouvertement de la montée des nouveaux média en indiquant que l’information n’était pas vérifiée et contrôlée par des journalistes professionnels. Il n’est pas sûr que l’avertissement de Rupert Murdoch sera entendu: son message est un anathème pour les média traditionnels; pour les autres, c’est une évidence.
Si vous souhaiez avoir un avant-goût du futur, prenez quelques minutes pour visiter le site suivant: EPIC