Entrepreneurs, managers, vendez-vous assez cher ?

Voici un nouveau livre sur un sujet important et pourtant très peu étudié dans la littérature managériale, celui de la fixation des prix, et plus généralement de la définition de la proposition de valeur d’une innovation. “Entrepreneurs, managers, vendez-vous assez cher ?” est écrit par Frédéric Iselin et publié aux éditions L’Harmattan.

Frédéric Iselin connait bien le sujet: entrepreneur pendant quinze ans avec deux créations à son actif, il est aujourd’hui Professeur affilié à HEC Paris et Directeur d’HEC start-up. Il enseigne également dans plusieurs écoles de ParisTech (Polytechnique, Ponts). Le livre est basé sur la thèse de doctorat qu’il a consacré au sujet l’année dernière.

Le point de départ de la recherche de Frédéric Iselin réside dans la constatation de la faiblesse globale de l’attractivité des propositions de valeur des start-up technologiques françaises. Cinq ans après leur création, les PME françaises ont en moyenne la même taille qu’à leur lancement, alors que les américaines ont triplé, et les allemandes ont grossi de moitié . Sachant également que le lien entre l’attractivité de la proposition de valeur et le succès des entreprises a été établi par les chercheurs, la thèse de Frédéric Iselin est que ces faibles résultats sont au moins en partie la raison du manque de dynamisme de nos PME.

La fixation des prix peut au premier abord paraître soit comme une question purement technique laissée au comptable, soit comme une question évidente. Et pourtant, elle est un problème à la fois complexe et tout à fait crucial, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies. Sur le plan de la demande, le prix de l’offre nouvelle doit naturellement soutenir l’effort de lancement et de diffusion de l’innovation, un rôle éminemment stratégique. Sur le plan de l’offre, le prix doit refléter l’offre de valeur de la firme en couvrant au moins les coûts. Mais s’il paraît évident que le prix doit au moins couvrir les coûts, qu’en est-il du prix lui-même? Au cœur de la réponse se trouve la notion de valeur d’utilité perçue par le client (VUPC). D’une part il n’est de valeur que relative, et donc il est important d’identifier l’offre de référence que l’innovation vient “concurrencer” (on parle plutôt de substitution), et d’autre part il n’est de valeur que perçue et donc tout dépend de comment le client potentiel perçoit et valorise les bénéfices apportés par l’innovation bien plus que les caractéristiques de l’innovation elle-même. Dès lors la valeur résulte de la différence que le client fait entre les bénéfices perçus et les sacrifices perçus. Par exemple, installer un nouveau logiciel de comptabilité de X dans mon entreprise améliorerait sensiblement la productivité, mais X est un fournisseur encore peu connu et donc le risque est important pour moi. Si cela paraît simple, il faut savoir dans la pratique que les innovateurs ont tendance à surestimer les bénéfices apportés tandis que les clients ont eux tendance à en surestimer les risques.

Le positionnement en termes de proposition de valeur par rapport à l’offre de référence se fera sur deux axes: en termes de bénéfices, on peut être inférieur, similaire, ou supérieur. En termes de prix, on peut également être inférieur, égal ou supérieur. Il y a naturellement des combinaisons perdantes (inférieur en termes de bénéfices mais supérieur en termes de prix). La proposition de valeur apparaîtra attractive aux clients, lorsque :
– La VUPC de la nouvelle offre est supérieure à celle de l’offre de référence, et le prix égal ou supérieur, toujours à l’offre de référence.
– La VUPC de la nouvelle offre est égale à celle de l’offre de référence, mais le prix est inférieur.
– La VUPC de la nouvelle offre est inférieure à celle de l’offre de référence, mais en rapport, le prix est encore davantage inférieur.

Ouvrage pratique mais reposant sur une solide étude théorique, “vendez-vous assez cher ?” est une lecture indispensable pour tout praticien de l’innovation. La préface est rédigée par Alain Bloch, directeur de HEC Entrepreneurs.