La quête de la grande idée, maladie infantile du management

Le modèle de management prédominant exige que le PDG soit visionnaire, qu’il ou elle ait une “grande idée” qui va guider le développement stratégique de l’entreprise. Il proclame que l’existence de cette vision est une condition indispensable à la performance, et qu’elle est en particulier nécessaire si l’entreprise veut être pionnière dans son industrie. Evident? Pas pour tout le monde, et en particulier pas pour Steve Jobs.

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Ce que l’iPad nous apprend sur le coût du travail en général et sur l’innovation en particulier

Les chercheurs de l’Université de Californie à Irvine se sont livrés à un exercice très intéressant et très utile qui consiste à étudier la structure de coût et de profit d’un iPad, la tablette d’Apple vendue à plus de 35 millions d’exemplaires, pour ceux qui auraient vécu sur Mars ces trois dernières années. Concrètement la question qu’il s’est posée est la suivante: quel pays gagne quoi lorsqu’un iPad est vendu? La question est  importante, et la réponse est des plus intéressantes. Le découpage montre en effet que sur un iPad vendu 460 dollars, le coût du travail ne représente que… 33 dollars, dont 8 seulement pour la Chine. Oui, vous avez bien lu, huit petits dollars. C’est à dire que sur un iPad, la Chine ne gagne rien! Comment cela se fait-il? C’est simple: en brut, la Chine gagne plus, mais pour fabriquer le-dit iPad, elle doit elle-même importer de nombreux composants. En substance, l’iPad ne fait que “passer” par la Chine pour y être assemblé. La valeur ajoutée y est donc très faible. On conçoit donc qu’avec un tel pourcentage, l’avantage en terme de coût du travail ne joue pratiquement plus, surtout compte tenu de la marge énorme gagnée par Apple sur le produit.

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Steve Jobs et Lew Platt, deux styles de leadership

L’avalanche de louanges qui s’est abattu sur Steve Jobs à l’occasion de son décès devrait nous inciter à un peu de prudence… Certes l’homme a connu une réussite extraordinaire et s’est donné vers la fin une image de philosophe, notamment dans sa mémorable adresse aux étudiants de Stanford, mais il est important de considérer la carrière du grand homme dans son intégralité avec ses facettes glorieuses et celles qui le sont moins. A ce sujet, on lira avec profit deux livres passionnants sur Apple. Le premier s’intitule tout simplement Apple, et est écrit par Jim Carlton. C’est un classique. Le second s’appelle, avec beaucoup d’humour, Infinite loop, et il est écrit par Michael Malone. Infinite loop, ou boucle infinie, c’est ce qui arrive quand un informaticien se plante dans son code et que ce dernier tourne à vide à l’infini. L’image décrit bien la spirale infernale qui fut celle d’Apple jusqu’à la fin des années 90, en état de mort clinique au moment où Jobs revient.

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Le iPod phone en suspens: Apple et Motorola face aux opérateurs

C’est le produit de vos rêves. Un iPod, des heures de musique, et un téléphone, combinés en un seul appareil. Apple et Motorola combinant leur expertise technique et marketing pour sortir le prochain hit. Annoncé pour le printemps, prêt à sortir, et alors que les machines marketing des deux entreprises s’apprêtaient à lancer leur offensive, l’hebdomadaire Business Week révèle qu’un petit grain de sable vient de se glisser dans la belle mécanique. Oh, un tout petit rien, madame la Marquise: les opérateurs n’en veulent pas!

La raison? Une affaire de gros sous naturellement, mais au-delà, la crainte de voir Apple, qui a réussi en quelques mois à dominer le secteur de la musique en ligne et dans la poche, étendre sa domination musicale dans le secteur télécom. le téléchargement de chansons sur le mobile est en effet un enjeu majeur, et les opérateurs sont bien décidés à ne pas le laisser à Apple. Aujourd’hui, lorsqu’Apple vend une chanson à 99 cents sur iTunes, il touche environ 4 cents; autant dire que l’opération n’est pas bénéficiaire. En revanche, les opérateurs voient la musique comme le super marché des sonneries et fonds d’écrans, pour lesquels les abonnés paient entre 99 cents et… 3 dollars. Michel Audiard disait : “Tant qu’il y aura des caves, les affranchis mangeront“, et les opérateurs vont donc continuer à manger. Or pour Apple, comme pour tout fabricant de téléphone, il est difficile de vendre un téléphone mobile sans le soutien des opérateurs: ces derniers subventionnent en effet dans une large mesure les téléphones auprès de leurs abonnés, permettant ainsi de réduire le prix de 200 euros, voire plus. Que les opérateurs refusent un modèle, et le prix de celui-ci grimpe donc instantanément de 200 euros, sans compter qu’il ne sera pas présent dans les boutiques opérateurs; un échec garanti en général. Cette situation témoigne de l’avantage considérable pris par les opérateurs sur les fabricants ces derniers mois. Ce sont désormais les opérateurs qui dominent le marché, dictant leur loi, définissant les spécifications de votre futur téléphone et celles des services mobiles.

Parce que la téléphonie mobile est un système fermé, il n’y a guère d’échappatoire. On voit en effet mal comment Apple, qui n’a pas l’habitude de passer sous les fourches caudines d’un acteur dominant sur ses marchés, et Motorola pourraient faire contre, ou au moins sans, les opérateurs. C’est d’autant moins vrai que les opérateurs peuvent se tourner vers des fabricants moins connus qui se feront un plaisir de leur fournir un modèle à leurs souhaits sans réclamer un centime sur les téléchargements. Apple teste là les limites de sa marque face à un acteur dominant qui a le choix d’autres fournisseurs, et se trouve dans la même situation que Nokia il y a quelques années. Au final, Nokia avait plié, et accepté d’adapter ses téléphones. Il sera intéressant de voir ce que fera Apple. En bonne logique, il faudra bien que Steve Jobs s’assoie à la table et partage le gâteau…

L’article de Business Week: http://www.businessweek.com/technology/content/mar2005/tc20050324_7462_tc024.htm