Covid-19, situation inédite: les décideurs sont-ils coupables d’impréparation?

Il était assez certain que face à l’épidémie du coronavirus, nous allions chercher à identifier des gens qui l’avaient prédite, car le paradigme prédictif nous obsède. Et ça n’a pas raté: certains ont ressorti un rapport de la CIA qui contient une double page évoquant le risque d’une pandémie, d’autres une vidéo de Bill Gates avertissant lui aussi sur ce risque. Nul doute qu’on nous ressortira bientôt une petite grand-mère du Lubéron qui, elle aussi, évoquait depuis un moment une pandémie à venir, et qu’elle fera la une du 20h de TF1. Conclusion des commentateurs: l’épidémie était prévue, les gouvernements ont été prévenus et ils n’ont rien fait! Malheureusement l’histoire ne tient pas, à la fois parce qu’une épidémie relève de l’incertitude, elle n’est donc pas prédictible, mais aussi parce que la recherche de quelqu’un ayant prédit avec succès un événement traduit un biais rétrospectif. Mais surtout, elle ignore difficulté de prise de décision en incertitude.

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Tipping point, ou le point de bascule: dynamique sociale applicable à l’adoption d’innovations

Voici une petite note de lecture sur un livre certes pas nouveau, puisqu’il est paru en 2000, mais très intéressant. Il s’agit de Tipping point, de Malcom Gladwell, paru en français sous le titre “Le point de bascule”. L’idée du livre est d’explorer comment des petites choses peuvent faire de grandes différences. Quelle relation y a-t-il entre la chute brutale de la criminalité à New York dans les années 90 et l’explosion du nombre de suicides en Micronésie à partir de 1965? Pourquoi Hush Puppies, une marque de chaussures américaine ringarde au possible est-elle redevenue furieusement à la mode à partir de 1995? Pourquoi un soir de 1964  une jeune femme a-t-elle pu être attaquée pendant plusieurs minutes en plein centre ville, poignardée et mourir alors que l’enquête a ensuite démontré que près de 38 personnes avaient assisté à l’agression sans qu’aucune d’entre elle n’appelle la police?

Le point commun entre tous ces phénomènes est qu’il sont assimilables à des épidémies. Ils s’expliquent par la dynamique particulière qui se créée entre un groupe d’individus, les actions des uns étant influencées par celles des autres. L’épidémie est donc fonction des agents qui transmettent l’infection, souvent en très petit nombre au début, l’infection elle-même, et l’environnement dans lequel l’infection se développe. La plupart des épidémies naissent et meurent sans affecter beaucoup de monde. Lorsque l’épidémie bascule, c’est à dire qu’elle explose, c’est qu’un changement important s’est produit dans l’un des trois facteurs.

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