Les brevets contre l’innovation

Dans notre série “Les brevets contre l’innovation”, l’hebdomadaire BusinessWeek en remet un gros coup en dénonçant ce qu’il appelle l’épidémie de brevets qui sévit actuellement, particulièrement aux États-Unis.

L’article n’est pas contre les brevets, qui jouent un rôle utile de protection d’une invention, mais plutôt contre une dérive récente due aux tribunaux américains autour de la notion d’évidence. Pour être valide, un brevet ne doit pas porter sur quelque chose d’évident. Ainsi, vous ne pouvez pas breveter le fait d’utiliser un couteau pour couper votre viande, car c’est un usage évident. Or les tribunaux ont peu a peu durci cette notion d’évidence, et de ce fait de moins en moins de choses sont évidentes, et donc de plus en plus de choses sont brevetables. Il s’ensuit une inflation de brevets, dont la plupart sont ridicules. Du coup, les entreprises sont de plus en plus confrontées dans leur activité à des attaques de la part de ces détenteurs de brevets bidons. Même si elles gagnent, c’est toujours après plusieurs années et des millions de dollars dépensés en pure perte. En substance, le système d’innovation américain, mais mondial par ricochet car personne ne peut ignorer ce marché, est menacé de paralysie due au parasitage.

Conclusion: le dépôt de brevets par votre entreprise est plus que jamais nécessaire, si ce n’est que pour pratiquer ce que les américains appellent le “defensive patenting”. Lien: BusinessWeek : The Patent Epidemic.

Mise à jour: un diagramme de l’EFF explique simplement le problème des brevets.

Les brevets contre l’innovation: creative contre Apple

Signalé par mon copain Jérôme, véritable tête chercheuse de la techno-innovation de pointe (Jérôme, à quand ton blog?), les malheurs d’Apple avec les brevets. Creative Technology, une société de Singapour connue en son temps pour ses cartes graphiques, annonce avoir obtenu un brevet couvrant la manière de sélectionner les chansons sur un baladeur numérique.
Selon Creative, ce brevet concerne la façon de sélectionner des chansons, un dispositif qui utilise une hiérarchie de trois écrans ou plus. Sur un iPod d’Apple, par exemple, les utilisateurs font défiler les artistes, les albums et/ou les chansons.
Vous avez bien lu. Une entreprise vient de breveter le fait que pour écouter une chanson, on sélectionne, tenez-vous bien, les artistes, puis pour chaque artiste, ses albums, et pour un album, la ou les chansons désirées. Du coup Apple, qui utilise ce mécanisme pour son iPod, est bien embêté. De là à ce que Creative lui demande des royalties et des indemnités, il n’y a qu’un pas qu’ils s’empresseront certainement de franchir.

L’utilisation des brevets comme moyen de nuisance par des concurrents médiocres, mais riches, est classiquement décrite dans la littérature, mais là on touche au délire absolu. Il s’agit ni plus ni moins de pollution, qui ne sert aucun objectif industriel mais qui met en danger l’innovation. A quand un brevet sur la touche Return du clavier?
Le plus drôle, c’est qu’Apple n’a à s’en prendre qu’à lui-même: ils avaient en effet tenté de déposer un brevet sur le même thème. Tel est pris qui croyait prendre.