Le mème, un concept utile pour étudier les mécanismes profonds de l’évolution et de l’innovation

Et si l’innovation résultait de notre capacité d’imitation? Selon Richard Dawkins, auteur du Gène égoïste, la culture humaine serait principalement le résultat de l’apparition d’une nouvelle sorte de réplicateurs, les mèmes, qui ont envahi tout l’espace disponible dans les cerveaux et les supports des échanges entre les hommes. Dawkins propose de créer une nouvelle science, la mémétique, qui est aux idées et à la connaissance ce que la génétique est à l’organisation cellulaire. Un mème est « une idée, un comportement, un style ou un usage qui se propage de personne à personne au sein d’une culture ». Les mèmes constituent une force puissante qui pourrait avoir façonné notre évolution culturelle et, par rétroaction, biologique c’est-à-dire finalement génétique.

Une idée que reprend Susan Blackmore, auteur de « Pourquoi les hommes singent ». Elle considère que le fait nouveau fut l’apparition chez les hominiens de la capacité à imiter, vers deux millions d’années avant JC, c’est-à-dire peu avant l’invention des outils. Elle affirme que les animaux ne sont pas capables d’imitation car il s’agit d’une activité complexe. Ce que l’on appelle imitation chez un animal constitue en fait l’adaptation d’un comportement inné à une situation nouvelle. L’imitation généralisée de toutes sortes d’activités non spécifiées est bien plus difficile. Elle constitue une aptitude précieuse, car son détenteur bénéficie ainsi du savoir ou de l’ingéniosité des autres.
L’imitation s’est développée chez les hominiens à partir du moment où certains gestes se révélant propices à la survie, par exemple tailler un silex, ont été reproduits par les autres. L’évolution génétique a certainement favorisé les imitateurs, ceux-ci ayant plus de succès dans le monde et pouvant donc fonder des familles plus prolifiques. Des « gènes de l’imitation » sont donc apparus et se sont répandus. Tout était alors prêt pour que les mèmes prennent naissance. Que signifie en effet l’imitation ? Elle consiste à créer une entité informationnelle (une sorte de recette) qui circule de cerveaux en cerveaux en se modifiant ou s’enrichissant le cas échéant. C’est cette entité qui constitue le mème.
Les premiers mèmes ont été ceux utiles à la survie, reproduisant des comportements inventés par essais et erreurs qui se sont révélés productifs et qui ont été copiés par les voisins de l’inventeur. Plus généralement, la mémétique pose la question de la place de l’originalité et de la copie dans l’innovation. On sait que les grands artistes se sont formés et développés par la copie des grands maîtres qui les ont précédés. La copie et l’imitation sont aujourd’hui entachées moralement. La mémétique suggère, au contraire, qu’originalité et imitation sont deux processus indispensables: la première pour l’innovation, la seconde pour sa diffusion, c’est à dire pour la création de valeur associée.
Note: ce post est adapté d’un passage de notre livre « Objectif: Innovation ».