Les trois niveaux de la stratégie: de la tactique à la stratégie intégrée

Dans leur article paru en 2010 dans la revue MIT Sloan Management Review, “What Every CEO Needs to Know About Nonmarket Strategy”, David Bach et David Bruce Allen estiment que l’avantage concurrentiel durable s’obtient par un engagement dans les questions sociales, politiques et environnementales dans le cadre de la stratégie d’entreprise.

C’est sans aucun doute vrai, mais on peut aller plus loin: la plupart de ce qui passe pour stratégie d’entreprise est en fait de la simple tactique, c’est à dire la conduite d’une bataille, ou plus généralement d’un engagement. Il en va de même pour les recommandations produites par les grands cabinets de stratégie. « Stratégie » sonne certainement mieux que « Tactique » (imaginez-vous un cabinet de conseil en tactique?), il est donc naturel que chacun intitule ce dont il parle « stratégie » et s’attache ensuite à le dispenser. La distinction n’est pas que terminologique, cependant, car elle influence directement la construction d’un avantage concurrentiel.

Le mot stratégie provient du mot grec στρατηγός/strategos, qui signifie littéralement « conduite de l’armée ». Dans le contexte classique cependant, un strategos était quelqu’un qui était à la fois un général (militaire) et un politicien (civil). En d’autres termes, un strategos se devait d’employer tous les moyens, et pas seulement militaires, à sa disposition pour atteindre la victoire, et même parfois définir les termes de la victoire (degrés de liberté). Au contraire, le mot « tactique », venant lui aussi du grec τακτική/taktike et ayant trait à l’organisation de l’armée et à la conduite de l’engagement, est beaucoup plus limité. André Beaufre insiste, dans son ouvrage classique « Introduction à la stratégie« , sur l’importance de conserver une liberté de manoeuvre, on est donc bien au-delà de la simple tactique.

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