Management: Faut-il être gentil?

Dans l’une des tables rondes du forum Peter Drucker qui s’est tenu à Vienne la semaine dernière, et alors qu’elle était invitée à conclure son propos, l’une des intervenantes a déclaré que dans le monde actuel, difficile et incertain, il fallait absolument être plus gentil les uns envers les autres. Je ne pense pas du tout qu’elle a raison, et cet impératif entre selon moi dans la catégorie des fausses bonnes idées.

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Déjouer la rationalisation de l’impuissance: Ne pas confondre respect et complaisance

La plupart des groupes qui ont du mal à changer ou qui sont bloqués par un problème finissent par rationaliser leur impuissance. Dans un article précédent, j’ai évoqué comment une approche par petites victoires pouvait permettre de déjouer cette rationalisation. Mais parfois, avant même de pouvoir engager ces petites victoires, il faut amener le groupe à abandonner le discours même de rationalisation dans lequel il s’enferme. Un épisode vécu par le sociologue Saul Alinsky illustre la forme que cela peut prendre, et souligne l’importance du respect dans cette approche de transformation, mais aussi de ne pas confondre respect et complaisance.

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Sortir de l’ordinaire: face à la crise, puiser notre énergie dans le quotidien et non dans l’idéalisme

Comment un collectif – famille, entreprise ou société toute entière – peut-il résister à un choc aussi profond et durable que celui de la Covid-19 sans se disloquer? Comment peut-il se reconstruire en évitant la polarisation entre extrêmes? La question n’est pas simple, mais elle n’est pas nouvelle. Des années 20 aux années 50, dans un monde transformé par la révolution et la guerre, les idéologies extrêmes de gauche et de droite ont alimenté des espoirs utopiques et des craintes dystopiques. Durant cette période en Grande-Bretagne, un groupe informel d’écrivains, d’artistes, de photographes et de cinéastes parmi lesquels George Orwell s’est efforcé de répondre en forgeant une politique résistant aux idéalismes vides et aux abstractions totalisantes de leur époque. Leur conviction était que les gens qui vaquent à leurs occupations quotidiennes possèdent la perspicacité, la vertu et la détermination nécessaires pour construire une bonne société. Dans leurs poèmes, romans, essais, films, peintures et photographies, ils ont témoigné de la capacité des gens ordinaires à surmonter les contradictions supposées insolubles entre tradition et progrès, patriotisme et diversité, droits et devoirs, nationalisme et internationalisme, conservatisme et radicalisme. Ce mouvement ne s’étant jamais structuré, il a fini par se disperser mais a gardé une influence durable. A l’heure où les extrêmes menacent à nouveau, sa pensée mérite d’être redécouverte et il offre une piste pour échapper à l’impuissance.

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Mensonges publics, vérités privées: pourquoi rien ne change quand tout le monde est mécontent

Des situations socialement insatisfaisantes persistent parfois très longtemps alors qu’individuellement, nombreux sont ceux qui en sont insatisfaits. Ce phénomène d’inertie a toujours étonné les chercheurs mais aussi ceux qui vivent de telles situations. Cela tient à une distinction très importante entre l’opinion publique et les préférences privées, et à l’observation, contre intuitive, que la première n’est pas la simple addition des secondes. Pour comprendre pourquoi rien ne change même quand tout le monde est mécontent, il est très important de comprendre la dynamique entre les deux.

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Petite victoire deviendra grande: Comment le monde change et ce que ça implique pour les activistes

Comment le monde se transforme-t-il? Lorsque Charles Darwin a proposé sa théorie de l’évolution des espèces, il a imposé l’idée pour longtemps d’une évolution continue, par petites touches. Un papillon noir devient un papillon jaune en passant par toutes les couleurs intermédiaires, au travers de multiples générations. Les progrès de la science ont montré cependant que l’évolution se fait de façon beaucoup plus brutale que cela, avec des mutations très importantes d’une génération à l’autre; en fait, dans l’évolution des espèces, la majeure partie du changement se fait par sauts brutaux. Cette opposition entre un changement continu et un changement brutal, entre un monde linéaire et un monde non linéaire, masque une réalité plus nuancée pour ce qui concerne les systèmes sociaux que sont les collectivités humaines, comme les marchés, les nations ou les organisations; la compréhension de cette réalité représente un enjeu important pour les activistes qui veulent changer le monde.

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Entreprise à mission et profit: le “en même temps” est-il possible?

La question de la mission de l’entreprise semble être sur toutes les lèvres. Elle a surgi avec éclat au premier plan de l’actualité lorsque Danone, la première entreprise du CAC40 à avoir adopté le statut d’entreprise à mission, en juin 2020, a annoncé quelques mois plus tard un plan social pour améliorer sa compétitivité, suscitant ainsi les critiques de tous bords. Gagner de l’argent ou changer le monde, il semble plus que jamais qu’on ne puisse faire les deux et qu’il faille choisir. Et pourtant ce n’est pas nécessairement vrai. Le modèle mental qui oppose les deux nous enferme dans des controverses stériles et nous empêche de moderniser à la fois notre économie et notre système social.

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Reconstruire le collectif face à l’incertitude: entre restauration et révolution

La crise de la Covid qui a débuté en France en février 2020 a constitué un choc violent et profond. Elle constitue ce que le psychologue des organisations Karl Weick appelle un épisode cosmologique, c’est à dire un événement tellement surprenant et tellement profond qu’il remet en cause notre identité même. Alors que la crise se poursuit, l’incertitude demeure telle que les organisations peinent encore à donner un sens à ce qui se passe et surtout à se projeter dans l’avenir. Elles ressentent confusément que beaucoup de choses ne seront plus comme avant, mais comme elles ne peuvent mettre des mots précis sur ce que cela pourrait vouloir dire, elles avancent sans rien changer, en espérant que cette crise sera bientôt derrière elles et que la vie pourra reprendre comme si rien ne s’était passé. C’est une grave illusion, car elles repartent ainsi sur des bases fragiles qui ne tarderont pas montrer leurs limites, notamment dans leur capacité à mobiliser un collectif, qui est l’objet premier d’une organisation. Alors, repartir, mais sur quoi?

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Et si la clé du changement c’était l’amour? La leçon de management de Philippe Etchebest

Les programmes de transformation, qu’ils soient politiques ou organisationnels, reposent sur une dichotomie qui oppose la situation actuelle, insatisfaisante, et une situation idéale envisagée dans le futur. C’est en effet une croyance très partagée que le changement ne peut survenir que si on en vient à détester son présent. Or c’est faux. Les psychologues nous ont depuis longtemps appris qu’on ne change vraiment que si on s’accepte et si on se respecte, et c’est également vrai au niveau d’une organisation. C’est ce que montre Philippe Etchebest, de façon un peu inattendue, au cours d’un épisode remarquable de son émission Cauchemar en cuisine.

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