Innovation: Ce que nous devons à Clayton Christensen, théoricien majeur du management

Clayton Christensen, à l’origine des travaux sur l’innovation de rupture, est décédé le 23 janvier 2020 à l’âge de 67 ans d’un cancer. Il était un théoricien majeur du management, au même titre que des géants comme Peter Drucker ou Michael Porter, et ses travaux sont plus que jamais d’actualité à l’heure où les grandes entreprises continuent à trouver difficile de répondre aux multiples ruptures de leur environnement. Dans ce qui suit, je propose une synthèse de ses travaux pour montrer en quoi ils peuvent être très utiles.

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Innovation de rupture: L’importance de prendre en compte la réaction de l’acteur en place

La théorie de la rupture proposée par Clayton Christensen énonce que les acteurs en place réussissent face aux nouveaux entrants en situation d’innovation incrémentale (ou continue), et échouent en situation de rupture. Le corollaire est que si un nouvel entrant attaque un acteur établi sur son terrain, il a de bonne chances d’échouer. Il existe des exceptions à cette théorie qu’il est intéressant d’étudier.

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L’échec de Nokia: une paralysie face à la rupture

Je ne devrais jamais faire de prédictions, c’est un jeu dangereux auquel quelqu’un de raisonnable ne se livre jamais. Ou alors, il ne faudrait le faire qu’en se couvrant au maximum pour que quelque soit le résultat, on puisse prétendre l’avoir annoncé. Mais bon, je me lance quand même: il y a de bonne raisons de penser que Nokia a perdu la partie. Je ne suis bien sûr pas le seul à penser que Nokia a des difficultés et de nombreux analystes se font l’écho des difficultés rencontrées par Nokia. Sa bureaucratie est ainsi légendaire. Même les chiffres, qui ont souvent beaucoup de retard avant de refléter un problème intrinsèque, commencent à être inquiétants. Baisse de marge, perte de part de marché, absence quasi totale du marché des smartphones. Qu’est-ce qui explique l’échec de Nokia?

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Android, le MS-DOS de la téléphonie mobile?

Il y a un an, j’avais indiqué dans une note ici même que selon moi la plate forme Android de Google allait devenir pour la téléphonie mobile ce que MS-DOS avait été pour le PC. A l’époque le pari était un peu hardi. Au Mobile World Congress qui venait de se terminer, on pouvait voir tout au plus deux à trois terminaux équipés de cette plate forme, et le scepticisme était de mise chez les analystes. Mon raisonnement, cependant, était le suivant: Android joue sur sa performance technique (c’est une bonne plate forme, bien conçue et robuste qui complémente un noyau de base Linux) et sur son modèle économique: il est gratuit. Il est lancé dans un contexte dans lequel les grandes plates formes concurrentes sont en difficulté: Microsoft Windows Mobile, malgré la qualité de certains de ses composants, est très inférieur en termes d’expérience utilisateur et est cher, il est qui plus est vieillissant. Symbian est très complexe à programmer et bien que mis progressivement en open source, il reste sous le contrôle complet de Nokia. Le monde Linux (Limo) peine à imposer une distribution qui aille au-delà d’un simple noyau et à offrir des composants, notamment d’interface utilisateur, bien adaptés au mobile. Les systèmes d’exploitation classiques dits “temps réel” comme Nucleus sont eux aussi trop limités pour “suivre” l’évolution rapide imposée par l’iPhone d’Apple en termes d’interface utilisateur. Il y a toutefois quelques différences avec MS-DOS, la principale étant que MS-DOS n’était pas gratuit, et qu’il n’était pas modifiable à volonté par les fabricants de PC. Du point de vue du fabricant de téléphone mobile qui cherche une plate forme, tous les arguments semblent être en faveur d’Android. Et de fait, depuis l’année dernière, à peu près tous les fabricants ont annoncé, et certains déjà introduit, des téléphones équipés d’Android. Il n’y a désormais plus aucun doute sur la viabilité industrielle de cette plate forme. La question qui subsiste est celle de savoir si, comme MS-DOS, elle deviendra dominante. Face aux arguments en faveur du oui, on peut avancer quelques raisons de douter. D’une part, l’expérience MS-DOS a servi de leçon et aucun acteur de l’industrie ne souhaite voir émerger un acteur aussi dominant que Microsoft. Tout le monde se plaint de la fragmentation de l’univers mobile en de multiples plates formes concurrentes et incompatibles, mais la vérité est que au moins, comme ça, personne ne domine autant que Microsoft dans le domaine des PC. La fragmentation est donc là pour durer. C’est d’autant plus vrai que les ambitions de Google dans le domaine mobile sont claires. Les opérateurs, par exemple, sont tentés de jouer la carte Google mais savent également que ce dernier souhaite les reléguer au range de fournisseur de tuyaux, comme ce qui se fait dans le monde PC avec les fournisseurs d’accès Internet. Les fabricants de téléphones eux aussi sont tentés par les avantages évidents d’Android, qui leur offre une possibilité de contrôle, mais la décision récente de ce dernier d’introduire son propre téléphone refroidit notablement leurs ardeurs… Android se retrouve un peu dans la situation de Symbian, trop dépendant de Nokia pour être vraiment neutre. La stratégie de Google consistant à concurrencer ses propres “clients” se révélera sans doute à courte vue dans une optique de pénétration rapide de marché.

Au final que reste-t-il? Malgré les réticences de certains acteurs, on peut envisager une domination rapide d’Android dans le domaine “ouvert” avec lequel coexisterait quelques plates formes plus ou moins fermées, et notamment Apple et RIM. Google et Apple sont donc les grands opposants des batailles mobiles à venir, et comme l’annonçait récemment BusinessWeek, ils ne peuvent désormais plus être amis. L’incertitude dans ce domaine sur de tels enjeux fait que cette industrie continue à être fascinante. Quant on songe que l’un des modèles classiques de l’innovation estime qu’une industrie, après une période de ferment créatif, se stabilise autour d’un design dominant, on voit ici un contre exemple presque parfait: la téléphonie mobile est née dans les années 70 et elle reste caractérisée par des incertitudes et des bouleversements continus.

Android vs. iPhone: comparer ce qui est comparable

J’étais hier à la conférence Le Mobile 2.0 où j’intervenais dans un panel de discussion sur la comparaison entre la stratégie d’Apple avec l’iPhone et celle de Google avec Android. A mon sens les deux sont très différents. L’iPhone est un produit fini, tandis qu’Android est une plate forme. Et donc la valeur d’Android n’est pas visible simplement en achetant un téléphone Android, car de ce point de vue, le produit est plutôt inférieur à l’iPhone: par exemple, le G1 est plus lourd, son écran tactile moins sophistiqué et ses applications moins finies que l’iPhone. Non ce qui est important c’est de considérer Android comme une plate forme c’est à dire que sa valeur est surtout importante pour les fabricants de téléphone, en particulier les nouveaux entrants, qui y trouvent une plate forme riche, fiable et facilement portable sur n’importe quel chipset. La génération 1 des téléphones Android sont des téléphones Google, mais il y a fort à parier que la génération 2 sera celle des téléphones commercialisés sous des marques où n’apparaîtra peut-être même pas le mot Android.
A mon sens, Android représente la même révolution que MS-DOS en 1981, et la comparaison vaut sur de multiples axes. Comme MS-DOS, il y a un avant et un après. Comme MS-DOS, les leaders d’avant auront du mal à rester leaders après. Il y a actuellement de nombreux fabricants chinois qui préparent une version Android de leur plate forme, nous (Digital Airways) travaillons avec certains d’entre eux et Samsung a du soucis à se faire. Comme MS-DOS, la communauté Apple se gausse devant l’infériorité de l’interface utilisateur d’Android, et elle a raison. On peut imaginer dans deux ans un marché structuré autour d’un Apple occupant 15% du marché à forte valeur ajoutée, et un Android occupant 80% du marché plutôt centré sur le milieu et le bas de gamme, mais très ouvert et pas mal fragmenté. Si l’on veut comparer iPhone et Android, c’est donc à mon sens en ces termes qu’il faut le faire.