Elon Musk, la révolution technologique ou la possibilité de l’optimisme

La perfection évangélique ne conduit pas à l’empire. Cette phrase de Charles de Gaulle s’applique à Elon Musk comme elle s’appliquait à Steve Jobs. Le général ajoutait que les hommes de talent entreprenant une grande œuvre avaient rarement une vie personnelle facile. Là encore cela s’applique à Musk, comme le montre sa biographie parue en Français, que je viens d’achever. Voici ce que cette lecture m’a inspiré.

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Le nouvel esprit de la sociologie, à propos de l’ouvrage d’Eve Chiapello et Luc Boltanski

Il y a des ouvrages dont on aborde la lecture avec gourmandise car on s’attend à ce qu’ils modifient au moins partie votre vision du monde. Le “Nouvel esprit du capitalisme”, l’ouvrage d’Ève Chiapello et Luc Boltanski paru il y a déjà quelques années mais que je viens seulement d’avoir le courage de lire, n’est malheureusement pas de ceux-là. Si l’ouvrage ne nous apprend pas grand-chose de l’esprit du capitalisme que Fernand Braudel n’avait écrit, il nous apprend en revanche beaucoup sur l’esprit de la sociologie française.

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Nassim Taleb et l’incertitude: Fragile, robuste et antifragile

L’ouvrage de Nassim Nicholas Taleb, “Antifragile”, venant à la suite de l’excellent “Cygne noir“, était très attendu. Taleb y revisite nombre de ses thèmes favoris et en développe un en particulier: la notion d’antifragilité, un néologisme qu’il crée pour l’occasion. Selon lui, le modèle dominant de prise de décision, et de stratégie en général, est basé sur la prédiction. Or la stratégie prédictive nous rend fragiles, car si la prédiction ne se réalise pas, la stratégie ne fonctionne pas et le coût peut être très important (échec d’un produit, d’une fusion, retrait d’un marché, etc). Or nous sommes très mauvais en prédiction: non seulement la crise actuelle n’a été prévue par presque aucun des ‘experts’, mais on peut même arguer – et Taleb ne s’en prive pas – qu’elle résulte précisément de l’approche de ces experts, prédictive et basée sur des hypothèses épistémologiques profondément erronées (par exemple celle selon laquelle nos systèmes sont caractérisés par une distribution normale ou gaussienne, niant ainsi la possibilité d’évènements de faible probabilité et à fort impact, que Taleb nomme ‘cygnes noirs’).

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Capitalisme de copinage contre capitalisme entrepreneurial: le message de Ayn Rand et de Frédéric Bastiat

Un entretien filmé très intéressant avec Jennifer Burns, Professeur à l’Université de Virginie, évoque un aspect particulier du roman de Ayn Rand, “Atlas Shrugged” (paru récemment en français sous le titre “La grève”). La grève est souvent présentée comme une hymne au capitalisme, et ce n’est pas faux, mais ce n’est pas une hymne à n’importe quel capitalisme.

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Néo-libéralisme(s) : une archéologie d’avenir ?

Serge Audier, Néo-libéralisme(s) – Une archéologie intellectuelle, Paris, Grasset, 2012, 628 pages.

Néo-libéralisme(s) tombe à point nommé à l’heure où, et ce pour la seconde fois, ce courant n’est pas représenté à l’élection présidentielle. Comme le titre le suggère, l’ouvrage est avant tout l’archéologie intellectuelle d’un courant politique majeur, le néo-libéralisme : il rend compte avec érudition de la très grande richesse intellectuelle de cette famille de pensée et de son histoire récente depuis les années 1930.

Lire la suite de ma revue du livre de Serge Audier sur Trop Libre.

“Great by Choice”, le nouveau livre de Jim Collins

Great by Choice“, le nouveau livre de Jim Collins, écrit avec Morten Hansen, vient de paraître. Venant à la suite des best sellers “Built to last” (écrit avec Jerry Porras) et “Good to Great” (paru en France sous le titre misérable de “De la performance à l’excellence”), plusieurs fois évoqués sur ce blog, l’ouvrage essaie de comprendre pourquoi certaines entreprises réussissent face au chaos et à l’incertitude et d’autres pas. J’ai participé aux recherches du livre lorsque j’étais chargé de recherche à l’INSEAD (j’ai en particulier travaillé sur le couple Apple-Microsoft, l’une des paires étudiées dans le livre). Je ferai un compte rendu de l’ouvrage très bientôt. A suivre!

Référence: “Great by Choice”, Jim Collins et Morten Hansen, HarperBusiness.

Les trois leviers de l’innovation de rupture dans une industrie

J’ai déjà abordé à plusieurs reprises dans ce blog la théorie de la rupture développée par Clayton Christensen, l’un des meilleurs spécialistes de la question. Dans un billet précédent, j’expliquais que si l’on a tendance à opposer innovation incrémentale et innovation radicale, Christensen avait montré que la véritable opposition est en fait entre innovation continue, c’est à dire conforme au modèle d’affaire de l’entreprise, et innovation de rupture, qui nécessite un modèle d’affaire différent (voir le billet sur l’opposition continue/rupture ici). On peut en effet avoir des situations d’innovation radicale se conformant assez bien avec le modèle d’affaire existant, et qui donc sont assez bien absorbées par les acteurs en place. Le succès des opérateurs télécom fixes dans la téléphonie mobile ou dans Internet est un bon exemple.

Christensen a développé sa théorie en s’intéressant à plusieurs industries et notamment au secteur de la santé. Selon lui, l’innovation de rupture est un agent de transformation d’une industrie, et elle repose sur trois leviers:

  1. Un développement de la technologie et du savoir en général du domaine qui deviennent de plus en plus accessibles;
  2. De nouveaux modèles économiques;
  3. Un nouveau réseau de valeur.

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Prise de décision en incertitude: Utilisation de l’Histoire avec le modèle de Neustadt et May

L’une des caractéristiques des situations de rupture est que l’incertitude qui les caractérise résulte du fait que les décideurs font face à une situation inédite, qu’aucun décideur n’a rencontré auparavant. Ainsi, et presque par définition, ceux-ci n’ont aucun exemple identique sur lequel s’appuyer pour réagir. Cela signifie-t-il pour autant que les situations analogues passées ne peuvent être utilisées? Dans leur ouvrage, “Thinking in time” (Penser dans le temps), Richard E. Neustadt and Ernest R. May pensent que non et défendent l’idée que l’Histoire, même ancienne, peut être mise à contribution par les décideurs. Le sous-titre de l’ouvrage est d’ailleurs éloquent: “The use of history by decision makers” (L’utilisation de l’Histoire par les décideurs). La condition d’une bonne utilisation de l’Histoire, cependant, est de bien comprendre les similarités et les différences entre la situation vécue et la situation analogue à laquelle on se réfère.

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“From higher aims to hired hands” – La transformation sociale des écoles de commerce américaines

“From higher aims to hired hands: The social transformation of American business schools and the unfulfilled promise of management as a profession” de Rakesh Khurana est un livre passionnant sur les écoles de commerce américaines, de leurs origines à leur situation actuelle. Les écoles américaines sont nées à la fin du XIXe siècle pour répondre au besoin d’administrateurs suite au formidable développement industriel et à l’essor de la grande entreprise. Au début ce sont des écoles professionnelles, centrées sur l’apprentissage de connaissances techniques et pratiques. Le grand débat de l’époque est de savoir si elles doivent rester ainsi ou se rapprocher des universités et constituer une nouvelle discipline en prenant modèles sur les disciplines traditionnelles.

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Manager la créativité: innover en s’inspirant de Pixar, Ducasse, Jean Nouvel, Hermès…

Qu’ont en commun Pixar, Alain Ducasse, les ateliers Jean Nouvel, le Design Renault et Hermès? Ce sont toutes des organisations dont la raison d’être est la créativité, et qui ne peuvent donc survivre, sans même parler de performance, qu’en maintenant leur capacité créative. A l’heure où l’innovation est dans toutes les bouches, leur réussite intrigue et il est étonnant que ce type de structure n’ait pas plus fait l’objet d’études. Cette lacune est désormais comblée avec l’ouvrage de Thomas Paris: Manager la créativité: innover en s’inspirant de Pixar, Ducasse, Jean Nouvel, Hermès…récemment paru chez Pearson. Enseignant à HEC et chercheur au CNRS et à l’École polytechnique (Centre de Recherche en Gestion), Thomas Paris anime depuis plusieurs années un séminaire sur les industries créatives dans le cadre de l’Ecole de Paris. C’est de ce séminaire qu’est tiré le livre.

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