Le syndrome du canard: comment les organisations en déclin s’habituent à la médiocrité

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Les entreprises s’effondrent rarement d’un seul coup. L’effondrement n’est presque toujours que la phase visible d’un déclin qui a commencé longtemps avant et s’est développé de façon insidieuse. Comme la fameuse grenouille qui ne réagit pas quand la température de l’eau dans laquelle on l’a mise augmente, cette lenteur rend plus difficile la réaction: les signes de déclin semblent disparates et il est difficile de les relier pour brosser un tableau d’ensemble permettant une prise de conscience du danger. Au cœur de cette difficulté se trouve le silence sur la situation et l’acceptation tacite de la médiocrité de la performance.

Il est 9h35 et je suis à Paris Gare de Lyon, où j’attends une collègue qui vient de Lyon. La voie A, où son train devait arriver à 9h30, est vide. Pourtant, sur le panneau d’affichage en face de moi, il est marqué « À l’heure ». Je songe un instant à prendre une photo, mais je dis « à quoi bon? ». À la SNCF, un train qui a cinq minutes de retard est donc considéré comme étant à l’heure. Que j’en parle autour de moi et les explications fusent: « Tu chipotes, ce n’est pas si grave », « C’est une simple erreur d’affichage » jusqu’à « Ah bon je n’avais pas remarqué! ». En parler à un agent SNCF, c’est simplement s’exposer à un regard incompréhensif, voire une réaction d’agacement. Qu’est-ce qu’il y peut après tout? Personne n’y peut rien.

Et c’est ainsi que les organisations déclinent: elles s’habituent à la médiocrité. 5 minutes de retard ne sont pas comptabilisées comme un retard, et tout le monde trouve cela normal. Un dysfonctionnement manifeste ne trouble plus personne dans l’organisation, ni même parfois chez les clients ou usagers. Les mots ne veulent plus rien dire. Le train est en retard parce qu’il n’a pu être à l’heure.

Comment l’organisation s’habitue-t-elle à la médiocrité? C’est que plus le déclin avance, moins il devient rationnel d’essayer de compenser les dysfonctionnements. Au début, un dysfonctionnement est une exception visible par tous, choquante, et l’organisation attend qu’il soit corrigé. Lorsque peu à peu le dysfonctionnement devient la norme, l’organisation n’attend plus rien. La pression sociale n’est plus là. Les dysfonctionnements augmentent la consommation d’énergie des collaborateurs. La nécessité de se protéger les amène à se replier sur eux-mêmes. L’investissement dans le collectif, c’est-à-dire le petit effort non mesuré que l’on devrait faire pour corriger un dysfonctionnement, et qui est la source de création de valeur du collectif, devient de moins en moins justifiable. La roue se met à tourner dans l’autre sens: le système devient énergivore, et chacun fait ce qu’il peut pour conserver son énergie. Le désengagement devient systémique. En privé, les collaborateurs sont pour beaucoup conscients de ce qui se passe, mais collectivement le silence se fait, car le coût de prendre la parole devient lui aussi trop élevé. Le silence devient l’option rationnelle, ce qui renforce évidemment la spirale de déclin. Les problèmes? C’est la faute à pas de chance! Mauvaises conditions de marché! Pareil pour les concurrents! Personne ne se met en avant pour dire « Mais le roi est nu! ».

En déclin, moi? (Photo de Dids sur Pexels.com)

Le syndrome du canard

Face à cela, la réaction de la direction générale consiste rarement à se plonger dans la réalité organisationnelle pour comprendre ce qui se passe. Souvent, c’est parce que de tout façon, elle est constituée de gens qui n’ont pas une bonne connaissance de l’organisation. En bons cartésiens, ils se voient comme des stratèges en chambre, évoluent dans un monde de slides et de feuilles Excel, déplacent des pions sur des cases, et considèrent l’opérationnel comme subalterne. Je me souviens de ce membre de Comex d’une entreprise paralysée par un système d’information défaillant me disant sa stupéfaction: « Pour nous, c’était un problème simplement opérationnel qui ne concernait donc pas le Comex, qui doit s’occuper de la stratégie ». Incapable de saisir la réalité organisationnelle, la direction tend alors à se réfugier dans de grands discours visionnaires et abstraits ou, ces derniers temps, sociétaux, essayant de faire illusion. Pour paraphraser Vaclav Havel, la direction fait semblant de respecter ses engagements et les collaborateurs font semblant d’y croire, et chacun peut ainsi survivre au moins jusqu’au lendemain. Demain est un autre jour. Mais cette fuite contribue évidemment à aggraver les problèmes.

Le fonctionnement de l’organisation devient alors une sorte de jeu de chaise musicale où chacun essaie de sauver sa peau: ceux qui le peuvent passent entre les gouttes des dysfonctionnements, jouant habilement des failles du système, qui sont d’autant plus nombreuses que les règles se multiplient. La pression du réel retombe sur ceux qui ne peuvent passer la patate chaude à d’autres: les assistantes, qui sont en général les dernières à baisser les bras, et ceux qui sont en contact avec les clients ou dont le résultat est facilement mesurable: commerciaux, agents de centres d’appels (c’est pour cela qu’on les mets le plus loin possible du siège), contrôleurs pour la SNCF, etc. Ce sont eux qui ressentent le plus durement le décalage entre le discours officiel du « Tout va très bien madame la marquise » et la réalité des dysfonctionnements auxquels, eux, ne peuvent échapper. L’organisation finit par ressembler à un canard sur l’eau: il paraît calme et serein en surface, mais en dessous, il pédale comme un fou.

L’illusion des solutions techniques pour un problème systémique

Lorsque le déclin commence à se traduire dans les chiffres, la direction générale, qui voit l’organisation comme une machine, tend à recourir à des solutions techniques. On ajoute des structures, on recrute du personnel administratif, on renforce la gestion de projet, on multiplie les contrôles, on réorganise, on nomme un « super manager » de la superstructure, on vire les « saboteurs », etc. Ce faisant, on alourdit l’ensemble, on augmente la consommation d’énergie, et on renforce donc le désengagement. Le découpage technocratique en sous-problèmes confiés à des techniciens empêche une solution systémique. Les indicateurs de performance sont également développés et eux aussi masquent la nature systémique du problème. Ou plutôt, ils ne pointent sur aucune causalité, ce qui est normal, car ils encouragent une vision simpliste d’un problème complexe: « Nous perdons des clients? Imposons un recrutement de 10% supplémentaire l’année prochaines à nos commerciaux! » Bouton numéro C4, case de gauche, et voilà! On s’acharne sur le thermomètre sans essayer de comprendre d’où vient la fièvre. La dérive, qui consiste à toujours pouvoir trouver quelques indicateurs satisfaisants que l’on va mettre en avant, ne tarde pas à se produire. Rien n’est plus facilement manipulable que des indicateurs de performance par la technostructure. Le divorce entre ce qu’on mesure et qui ne compte pas vraiment, et ce qui compte vraiment mais n’est pas mesurable, s’accentue, et le déclin avec.

Dire la réalité

Il n’y a évidemment pas de solution facile à une telle situation car rien n’est plus puissant qu’une habitude, et l’habitude de la médiocrité n’échappe pas à cette règle. Mais toute solution, quelle qu’elle soit, nécessite un langage de vérité. La condition pour cesser une spirale de déclin est d’accepter la réalité telle qu’elle est, et de pouvoir en parler ouvertement, même si cela fait mal. Libérer la parole est en principe le rôle de la direction générale, mais si celle-ci s’y refuse, en général jusqu’à ce qu’un nouveau dirigeant arrive, c’est aux collaborateurs de le faire. Cela est possible pour ceux qui, malgré tout, restent attachés à l’organisation et qui trouveront la force de le faire de façon paisible et sans éprouver le besoin d’attaquer qui que ce soit. Face à une direction défaillante, ils sont la dernière chance de l’organisation.

➕La suite ici: Le canard était toujours vivant: comment l’entreprise peut sortir de la spirale du déclin

➕Sur le même sujet on pourra lire mes articles précédents: La disparition de la capacité créative comme cause du déclin des organisations; Innovation: Ce silence qui tue votre entreprise et « J’ai ouvert un ticket »: comment le management formel tue les organisations.

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100 réflexions au sujet de « Le syndrome du canard: comment les organisations en déclin s’habituent à la médiocrité »

  1. Tout est dit dans votre article.
    En 38 ans passés dans la même entreprise, j’ai vu les dirigeants répéter les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs. Ce que j’ai appelé la théorie de la poubelle. C’est comme s’ils allaient dans la poubelle ramasser ce qui avait été jeté par les autres.

  2. Votre article est revelateur.La situation de l’administration francaise longtemps vantée pour son excellence prend le chemin du déclin que vous décrivez.Elle se bureaucratise de plus en plus et
    le propre des bureaucraties est de ne pas savoir se réformer.

  3. Vous soulignez un point effectivement exact, une entreprise ne chute pas rapidement, le processus de déclin est souvent long (j’accompagne de nombreuses pmi en difficulté avec des adm judiciaires, et cela se vérifie souvent)
    Mais je souhaiterais revenir sur un point, je ne crois pas que l’action de « compenser » pour éviter cette décadence soit une action souhaitée ou louable, cela est certes utile à court terme mais génère encore plus des situations ingérables.
    Par contre déceler quand on passe en mode « compensation » est intéressant mais cela demande une certaine pratique et du courage.
    Ce que je préconise (et enseigne aussi) c’est d’utiliser une méthode de modélisation des organisation que j’appelle « approche systémique des organisations » en référence aux notions de la cybernétique (je fais référence aux écrits de Mélèze, Le Moigne, Bernad… que vous connaissez certainement beaucoup mieux que moi)
    La modélisation de système en sous-systèmes conduit à mieux définir les objectifs, le pilotage et donc facilite la prise de décision en la repositionnant au bon niveau (le bon sous-système).
    En même temps, cela fait ressortir les incohérences organisationnelles ou décisionnelles qui génèrent tous les dysfonctionnements que vous citez.
    l’erreur fréquente est de croire qu’un dysfonctionnement doit être résolu là où on le perçoit, mais trés souvent, un dysfonctionnement n’est que symptôme, la cause est ailleurs.

    Cordialement

    Jean Bourgade

    1. Merci beaucoup pour ce complément très utile. En parlant de système et de sous-système je vous invite, si ce n’est pas déjà fait, à mobiliser le concept de quasi-décomposabilité.
      Bien à vous
      Philippe

  4. Bonjour Bernard,
    De mon Ouigo départ gare de Lyon, à l’heure, et plein de gens qui toussent, je lis cet article et acquiesce à son analyse.
    Le syndrome du canard est un vrai sujet d’inquiétude mais devons-nous voler dans les plumes du canard ou de l’oeuf pour sauver, in fine, nos entreprises et leur ou leurs organisations ?
    Toutefois, je tiens à rebondir sur la fin de l’article car la ‘réalité’ ne peut être négative que dans la mesure où elle s’oppose au virtuel : souvent le virtuel des chiffres analysés, comme tangibles, mais ne reflétant jamais qu’une matrice difficile à digérer pour nos capacités cognitives et surtout dénonçables face à l’analyse du TERRAIN.
    Pour mon expérience personnelle, dans l’usine de Garnier de Rambouillet, la DRH avait pris ses fonctions et tenu chacun des postes de la ligne de production pour apprécier la pénibilité des ouvrières. Chaque organisation devrait avoir une telle « vue financière » de l’entreprise et non un flux d’actifs desincarné!!
    Bien à toi et à ta carrière…
    Merci de ce partage.
    Florence Babinet

    1. Bonjour,

      Merci pour votre commentaire.

      J’ai vécu personnellement une expérience du même genre que la DRH de Garnier pour finir ma carrière avec des responsabilités importantes et proche de la direction au sein d’un groupe leader mondial dans son domaine.

      Il y a 40 ans, nous avions mis en place un process d’intégration qui nécessitait que tous les managers passent par  » la case départ  » en participant à des fonctions très basiques afin de comprendre les difficultés de chaque fonction opérationnelle.

      Ce système à générer de bons résultats sauf pendant une période de  » vaches maigres  » ou le principe avait été mis de coté – ceux qui était passé au travers ont démontré très souvent de la difficulté / attention pour le fonctionnement des différents métiers de l’entreprise.

      Joël

  5. Ces genres des situations que les dirigeants africains mettent les gouvernés. Ce texte doit être partagé au besoin même faire l’objet d’un séminaire dans des universités. Car bientôt ces étudiants seront appelés à changer leurs environnements professionnels et la société toute entière.

  6. Pure réalité de notre mode de fonctionnement actuel…
    Rien n’est contestable dans cette analyse..
    Ce constat est désormais gravé dans les mœurs ….
    Et surtout :
    Les habitudes de la médiocrité nécessitent aucunes exigences !..et plus faciles d’adhésion….

  7. Bonjour.
    Votre article décrit de façon étonnamment factuelle la situation actuelle de l’hôpital.
    Chaque problème voit la création d’un comité Théodule, belle niché à br.nleurs, qui n’accouche d’aucune solution concrète.
    Entendons nous bien: ça fait 40 ans (merci Mitterrand) que l’hôpital est mis en pièces.
    Aujourd’hui, ces « solutions » sont aussi efficaces que des cataplasmes sur une jambe de bois…

  8. Je reste un peu sur ma faim.
    Lister des dysfonctionnements c’est bien, cela permet à chacun de mettre des mots sur des vécus, comme les commentaires le montrent. Mais ne pourrions nous aller un peu plus loin sur les causes.

    Vous citez le rôle du dirigeant dans la conclusion « jusqu’à ce qu’un nouveau dirigeant arrive ».
    Qu’espérer, quelles qualités demander à un nouveau dirigeant ?

    Et à partir de là, les systèmes de choix de dirigeants, au niveau des entreprises, mais aussi au niveau des états, permettent-ils d’espérer l’arrivée d’un dirigeant avec les bonnes compétences/qualités ?

  9. Très bon article qui me pousse à me poser la question suivante : Comment se fait-il qu’autant de personnes s’y retrouvent dans cette description en songeant à leur propre organisation ? Y a-t-il un modèle, une vison managériale à ce point défaillante qui aurait contaminé toutes les strates de notre sociétés ? Pour ma part je pense que oui. Je fais parti d’une organisation qui a atteint un degré de complexité tel, qu’il pourrait être très facile d’affirmer n’importe quelle bêtise sans que personne ne soient en mesure de contredire cette affirmation. Il faut absolument retrouver de la simplicité pour ne plus gâcher nos énergies.

    1. Je suis d’accord avec vos constats… rendre flou pour pousser à fond et faire faire n’importe quoi plutôt que la base, la simplicité… user les productifs pour mieux les critiquer et poser leur responsabilité sur la baisse de rendement…
      Je suis psy en hôpital public et je constate une accélération du phénomène… je ne dénombre plus les situations où la qualité ne doit pas primer… par contre, continuer de me payer à nettoyer moi-même mon bureau ne les questionne pas… depuis la privatisation des services d’hygiène… c’est qu’un exemple parmi tant d’autres… et me reprocher si c’est pas fait dans les règles d’hygiène en milieu hospitalier… bientôt je serai défaillante dans mes missions de nettoyage… et un nombre de patients qui chutera car quand je nettoie, je reçois pas… après tout, au prix où ils me payent pour nettoyer ils ont raison d’être exigeante… adieu mes formations sur le tsa, la phobie scolaire, les dysphories de genre, les trauma post Covid… et bienvenue à la formation de « bio nettoyage en milieu hospitalier »…
      On marche sur la tête…
      Je suis perdue dans les management… mais je constate qu’on perd effectivement l’essentiel… et ça ne les choquent pas… quel est le but? Un auto sabotage?
      Je sais aussi le turn over dans l’administration fph, on passe pour viser un autre poste plus haut, ailleurs, donc, rendement, chiffre… on laisse le projet qualité aux suivants.
      Comme vous je reste sidérée, et impuissante pour le moment

  10. Philippe sait peut-être de quoi il parle dans l’organisation où il travaille aussi. C’est en creux un témoignage plein de lucidité sur les dysfonctionnements rampants des organisations les plus réputées mais aux pieds d’argile. Dans la médiocrité, soyons exemplaires : cela pourrait être le nouveau mot d’ordre des organisations d’excellence qui n’en ont que le nom.

  11. La médiocrité est la conséquence de l’incompétence qui elle est la conséquence du déclin de la pensée et de l’analyse. Il faut occulter le réel, ne pas dire les choses et ainsi tout en France est tiré vers le bas. La médiocrité est au bout du chemin.

  12. Monsieur SILBERZAHN,

    Merci pour la qualité de vos articles

    Fort à propos avec le sujet, il me vient cette question :

    Qui est John Galt ?

  13. La médiocrité n’est un problème que si la boite perds de l’argent. Sinon, personnellement, je m’en cogne complètement. Et des boites médiocres qui sont rentable, il en existe plein et il en a toujours existé.

  14. « On est les plus beaux, on est les meilleurs » –  » De la gueule, assertivité, le reste je m’en fou » – « pensez c’est désobéir » – « estimez-vous heureux d’avoir un salaire au SMIC »

    Ce sont les principaux postulats auxquels devra se conformer la piétaille évaluable : nombre de ventes, chiffre d’affaire, nombre d’appels, durée des appels à la seconde près, moyenne d’appels à l’heure, à la journée, notation et évaluation mensuelles comme des lycéens sur un seul appel
    Promotion canapé et incivilités sont les bienvenues

    …jusqu’au jour où tout va basculer comme cela est décrit dans l’article. Le plus « bel » exemple était celui de la quasi faillite du Crédit Lyonnais. Demain, à qui le tour ….?

  15. Dire la réalité est mission impossible car la société du spectacle a fait alliance avec la société de l’information. Au sein de l’entreprise, la critique constructive étant à proximité du dénigrement, motif de licenciement pour faute grave, on s’abstiendra. Au sein des comités de direction c’est yes boss et toute observation est vue comme un manque d’allégeance au patron-vizir : la porte sans indemnité. Plus globalement, dire la réalité c’est être : gilets jaunes, complotistes, d’extrême droite, pro Trump, pro Poutine, antivax, mac gyver déguisé en chaman, vilain petit canard, cygne noir, ayant besoin d’un psy, d’une méditation. L’effondrement est inévitable mais comme la société du spectacle ne recule devant rien, on organisera un grand débat, un conseil de refondation truc much, les funérailles de la reine picsou. Nota vous avez eu de la chance de voir un train arriver, la sncf supprime ponctuellement et définitivement des trains en retard (on améliore l’expérience voyageur), circulez à pied, y a plus rien à voir.

  16. Personnellement je vois cette médiocrité dans la société en générale. On se contente de peu et de ce qu’on nous met devant les yeux (comme les téléréalités insipides), on ne réfléchit plus par nous même, on laisse la société nous guider dans nos choix et notre manière de penser, et gare à celui qui ne suit pas la norme.
    Les horaires de trains sont une bonne métaphore de ce souci, même si je pense que notre société manque un peu de lest par rapport à l’idée du temps.
    J’avoue que justement je pense qu’un retour vers la nature, la simplicite, l’authenticité, et aussi le lacher prise par rapport au temps, seraient nécessaires, pour retrouver quelque chose de plus essentiel dans notre façon d’aborder la vie.

    Donc autant je comprends tout à fait que les retards en gare soient symboliques de la médiocrité et du manque de réactivité des gens, qui se laissent faire (mais ce n’est pas le cas de ma mère qui râle tout le temps à ce sujet! et d’autres râlent aussi mais on ne peut pas y faire grand chose concrètement)
    Autant je pense que notre société est trop accrochée à la notion du temps, de l’action etc, et on oublie de prendre le temps de vivre. Il faut être à tel endroit à telle heure, courir à tel réunion….
    Et finalement avec tout ça, la seule chose que les gens ont envie quand ils sont chez eux, c’est de médiocrité, pour rire, se divertir, juger. Je me souviens de personnes qui me disaient qu’en rentrant chez eux le soir, la seule envie qu’ils avaient c’était de se mettre devant la télé ou des débilités pour se détendre.
    Donc pour moi finalement la notion de temps nous incite également à ne plus prendre le temps de vivre pour soi meme.
    Alors oui il y a beaucoup de retards et de soucis sur les trains et ce n’est ce n’est pas normal.
    Mais peut etre que le souci ne vient pas uniquement de ça mais du fait que l’on a conditionné les gens au temps, à l’heure….
    Et du coup dès que quelque chose prends du temps ou est en retard, notre ego s’agace et on a pas le temps d’attendre ou de prendre ce temps là justement.

    Donc pour résumer, pour moi le problème de nos sociétés occidentales vient d’un conditionnement que ce soit par rapport au temps, aux activités, illusions d’avoir le choix, et qui nous encourage à la médiocrité.
    Car c’est peut etre le fait de n’avoir plus le temps pour rien, ni pour un petit retard de 5 min, qui fait qu’on a juste envie de se nourrir de choses futiles et non essentielles ensuite pour se détendre.

  17. C’est fou comment je reconnais le fonctionnement de ma société dans cet article ! Je travaille pour une société du CAC40, dans l’informatique. Depuis plusieurs années on nous réduit notre budget de ce qu’on appelle la vie courante d’au moins 10% par an, mais on ne réduit pas l’activité pour autant. Donc nous avons plus de charge et de pression, mais avec moins de budget. On a beau remonter la problématique aux hiérarchiques n+1 ou n+2, mais eux ne remontent jamais la réalité du terrain, ils expliquent que tout va bien qu’on tient bien nos objectifs, pourquoi ? parce que leurs primes sont indexées sur l’atteinte de ces objectifs. Je travaille sur un projet depuis près de 3 ans, et je n’arrête pas de remettre en cause la qualité des livrables de nos partenaires, mais les hiérarchiques n’en ont que faire, très récemment mon n+2 à présenter ce projet à son n+1 en disant que le résultat est de très grande qualité ! Je n’ai pas réagi… Je sais que dans 5 à 6ans, ils vont se rendre compte que le projet est bancal et que personne ne pourra le maintenir, il faudra donc recommencer à zéro, mais à ce moment-là mes hiérarchiques auront déjà commencer une nouvelle carrière dans un autre service.
    Finalement notre vrai objectif, est de donner l’impression que les choses fonctionnent suffisamment longtemps pour ensuite remettre la faute à « l’évolution technologique » ou l’incompétence des uns ou des autres.

  18. J ai eu l occasion de dénoncer des dysfonctionnements dans mon entreprise privée. La conséquence : menace de licenciement.
    Les causes essentielles de la montée en puissance de la médiocrité en france provient essentiellement de 2 facteurs :
    Les niveaux d étude. Le bac est donné en paquet cadeau et quasi pas un bachelier ne réussirait un bac des années 50.
    Le deuxième facteur provient de l excès français du piston, de l entre soi, des réseaux pro qui permet à de tristes imbéciles d accéder à des hautes fonctions sans en avoir les capacités. En gros il vaut mieux exploiter ses réseaux que de montrer ses capacités. Ainsi les chefs d entreprise se tirent une balle dans le pied.
    L heure est à la « cadratisation » à tout va où chacun pour justifier son poste inutile va réorganiser sans cesse, les informaticiens changer les logiciels tous les 4 matins et rendre la vie des exécutants insupportable mais chacun doit justifier son poste inutile en montrant qu il fait quelque chose. C est l absurdité même de ce processus qui engendre la perte de sens de son travail et mene à la grande démission.

  19. « Face à une direction défaillante, ils sont la dernière chance de l’organisation. » Je suis (un peu) atterré par cet article. Si vous ne souhaitez pas parcourir la philosophie des 3000 dernières années (ce que je peux entendre), le premier livre de psycho de l’étagère vous éviterait un long discours bien laborieux. Même si votre style est bon par ailleurs (!) je ne critique que le fond : le mimétisme est l’essence de l’apprentissage de tout animal (pas seulement notre espèce), et la dérive ou l’atavisme doivent DONC être tolérés, voire charmants, ne trouvez-vous pas?

  20. Bravo,
    Il ne manque que quelques détails pour que outre article décrive aussi l’Education nationale.
    Les indicateurs sont formels: le bateau coule normalement.

  21. Merci pour ce très bon article qui reflète le fonctionnement de nombreuses entreprises. A mon avis, un des axes d’actions est de remplacer les organisation pyramidales (où les directeurs sont éloignés du client) par des organisations plus plates (avec moins de niveaux hiérarchiques), des organisations où les salariés peuvent prendre des initiatives et voir les résultats de leurs actions ou décisions. Des organisations en mode libéré, holacratie, agiles, …

  22. Bonjour, quel merveilleux article ! J ai travaillé dans ce genre de structure ou la culture de la soumission et de la médiocrité sont de mise… Quel bonheur de fuire ceci pour retrouver la culture des solutions, de la créativité et de l humanité dans l entrepreunariat…. Merci a vous pr ce bel article !

  23. Superbe article qui s’applique également de façon très remarquable à l’éducation nationale : un sacré canard pour le coup!

  24. Au début des années 1960, un espagnol me disait (en substance) ceci : “ En Espagne, prendre le train est tout sauf une garantie d’arriver quasi à l’heure ; c’est en heures, voir en jours qu’on peut parfois constater les retards !”. Et entre eux, les espagnols se disaient quelque chose comme : “Va en France, là, tu verras ce que c’est que la ponctualité des trains”. Je ne sais pas s’il est est toujours chez eux comme ils le vivaient il y a soixante ans. (J’habite si loin, dans une petite ile, maintenant…!) Mais je sais, par tant et tant de témoignages, qu’en France, hélas, on est désormais à l’”heure de l’Espagne” d’antan…

    1. @Dorien, je suis ravi de vous apprendre qu’en Espagne, beaucoup de choses marchent beaucoup mieux qu’en France. Nous sommes en 2022, 1960 c’était il y a 62 ans, il est normal que les choses changent, mais ce n’est pas normal que vous ne vous êtes pas aperçu des énormes progrès en Espagne. Quelques exemples :

      1) Contrairement à la SNCF, la RENFE affiche bien les retards réels et indemnise systématiquement ses clients sans essayer de rogner avec des histoires fumeuses. Même en Andalousie, communauté dont les habitants sont traditionnellement traités de fainéants, les trains sont parfaitement à l’heure et les gens sont vraiment très étonnés qu’il puisse encore avoir d’autres gens qui s’attendent à ce que les trains aient un retard (c’est souvent le cas des touristes, bourrés de clichés sur les Espagnols).

      2) Contrairement à la Poste, les Correos livrent votre lettre, postée la veille, le lendemain matin, pour la même ville (à Paris, une lettre peut mettre entre 3 et 10 jours, même à l’intérieur du même arrondissement).

      3) Contrairement aux administrations françaises, les administrations espagnoles ont maximum 60 jours pour vous donner une réponse, sinon ça vaut acceptation inconditionnelle de votre demande et éventuellement une indemnisation pour la gêne occasionnée. Et contrairement à la France, en Espagne vous pouvez suivre en ligne et en temps réel le traitement et l’état d’avancement de votre dossier.

      Bien sûr, tout n’est pas parfait ni de couleur de rose en Espagne, mais ils ont fait énormément des progrès et sont, depuis quelques années maintenant, en position de se mettre en exemple et donner des leçons à d’autres sur quelques sujets.

  25. Bonjour très bon article transpirant de vérité.
    Je suis certifié en conduite du changement et j’aimerai avoir un éclairage sur ma vision
    Selon vous est-ce propre à la France ou compte tenu de votre expérience votre constat s’applique à l’étranger ?
    Merci

      1. Je suis dans une société américaine et je croyais que cette tendance à la taylorisation des métiers de service et la centralisation des décisions tout en haut de la pyramide venait de l’outre atlantique. Vos témoignages montrent que ça dépasse les frontières. Dans les années 90 on ne jurait que par l’autonomie et la responsabilisation des acteurs. Est ce que les promesses du digital/numérique, (moins d’acteurs, moins de coûts, plus de contrôles) n’y aurait pas contribué ? En attendant tous ces outils IT nous compliquent la vie (+10% de notre temps quand ils fonctionnent!), nous les opérateurs de terrain, les premières lignes. Mais ça aura au moins créé une nouvelle fonction « happyness manager »….et renforcé les équipes de communication. Tout va bien Madame la marquise, we are so good!

      2. Un peu différent en extrême orient: Japon, Corée.
        Chaque visiteur peut s’en rendre compte par le niveau de service qu’il rencontre même en faisant du tourisme.
        Dans le cadre du travail c’est encore plus frappant. C’était évident il y a 20 ans, maintenant je ne sais pas où ils en sont.

  26. En quelques mots que se soit dans le monde du travail ou dans la vie civile les problème vient des dirigeants qui appliquent l’adage diviser pour mieux régner

  27. Très bel article. Mais il me reste une préoccupation. Doit-on privilégier l’intelligence collective ou individuelle dans une organisation?

  28. Cet article a fortement résonné en moi ce matin suite à une réunion de service… Je suis psychologue en service hospitalier depuis 18 ans et ne peut qu’observer l’exactitude de votre propos… mes repères fondamentaux sont obsolètes… éthique, déontologie, loi…? poubelle… je suis consternée…
    Merci de votre écrit

  29. Oui, voilà bien le tableau qu’ on rencontre le plus souvent en tant que Dirigeant de Transition, au démarrage d’une mission de retournement ! Puis démarre le processus qui mènera au succès et qui commence par l’écoute, la vraie, et surtout de ceux qui font le job sur le terrain…

  30. Merci pour vos canards. Ça me fait furieusement penser à la gestion de notre système de santé, depuis longtemps réfugié dans les rêves, bien loin de la moindre connaissance d’un quelconque terrain….
    « En bons cartésiens, ils se voient comme des stratèges en chambre, évoluent dans un monde de slides et de feuilles Excel, déplacent des pions sur des cases, et considèrent l’opérationnel comme subalterne. ».
    Trop criant de vérité.
    Mais vos managers se rendent ils même compte quand l’organisation est morte, et eux avec ?

    Encore merci pour ces fraîcheurs…

  31. En découvrant cet article, j’y ai vu en tout points les dysfonctionnements qui étouffe la scale-up dans laquelle je suis salariée. Je regarde, impuissante, la situation se détériorer jour après jour: des guerres internes entre service, pas d’alignement entre ces derniers sur une stratégie globale d’entreprise, un objectif business flou et à géométrie-variable. Le pire étant la Loi des petites cases vertes et rouges dans les reportings pour lesquelles on s’applaudit bêtement sans aborder les problèmes de fond et sans que les dirigeants ne remette une seule fois en question leur stratégie ou le comportement de leur top-management. L’espace pour la collaboration et le dialogue se réduit. Les feedbacks clients ne sont plus pris en compte par le produit. On laisse invariablement les opérationnels lutter seuls, sans la moindre reconnaissance pour leur travail ni l’énergie qu’ils y laissent. Ma conclusion: l’excès de confiance vient dépasser la compétence. Les organisations ne se posent même plus les questions les plus basiques: quelle est notre mission en tant qu’entreprise? Votre conclusion pose également question, si les collaborateurs sont véritablement le dernier rempart au déclin-coin-coin: quels sont les moyens recommandés pour éveiller les consciences et insuffler une nouvelle dynamique? Lorsque l’on a pas de rôle managerial et que la parole d’un opérationnel n’est pas considéré comme valuable (sans s’attirer les foudres de son management). Merci pour vos conseils.

  32. Formidable analyse de ce qui gangrène pas mal de sociétés et administrations. Le principe de Peter revisité….

  33. Monsieur, je ne vous connais pas, mais votre analyse est à l’image du mal français qui gangrène notre pays, pompeuse.
    La SNCF est simplement un service public avec un monopole.
    Dans un marché normalement constitué, la SNCF serait performante ou disparue.
    C’est aussi simple que cela.

    1. La SNCF n’a plus de monopole. Si pour le TER, les appels d’offres sont seulement en cours, pour la grande vitesse, les flèches rouges italiennes concurrencent sur Paris Lyon Milan depuis l’hiver 2021. Dans le transport de marchandises, il y a des concurrents depuis 2006. Résultat dans le transport de marchandises : un volume global de marchandises transportées réduit de 74% depuis 2006. Désolé de casser vos fantasmes…

    2. Monsieur, je ne vous connais pas non plus, mais dans le MARCHE français (normalement constitué), il y a plein, mais alors plein, d’entreprises privées pas du tout performantes mais qui continuent d’exister. Ca va bien au-delà des « méchantes entreprises monopolistiques du public gangrénées par les méchants gôchistes ». Quiconque a eu (ou aura …) affaire à un centre d’appels ou autre service clients quelconque ne peut qu’abonder dans mon sens.

      Nos dirigeants d’entreprises sont imbus d’eux-mêmes, à l’image de nos chers énarques. Ils sont complètement hors sol et, au bout d’un moment, moi, en tant que salarié, constatant que malgré que je me casse vraiment le Q pour faire un travail excellent et aller au-delà de ce qu’on attend de moi (ayant vécu dans des pays anglos, j’ai acquis cette mentalité du « walk a little extra mile » ou de « faites encore un petit effort supplémentaire ») mes dirigeants (du privé, je souligne) sont de plus en plus déconnectés du réel, toujours moins de travail réel fourni, toujours plus de discours abscons qui ne veulent rien dire; toujours plus de primes qui se rajoutent à d’autres primes, bonus sur bonus, salaires qui augmentent alors que le mien, lui, diminue en termes réel à cause de l’inflation et qu’on me dit très clairement que la porte est là si je ne suis pas content, au bout d’un moment moi aussi je vais prendre la SEULE décision rationnelle dans un monde de fous : ne plus me faire un sang d’encre et, tout simplement, faire le moins possible en échange du salaire de plus en plus petit qu’on me paye. J’adopte le cynisme de mes dirigeants et j’adhère au néolibéralisme ambiant : j’ajuste parfaitement la quantité et la qualité de mon travail au salaire qu’on me paye, les conditions qu’on m’offre (dont le respect et l’écoute … nuls), et l’exemple de mes dirigeants : faire le moins possible mais conserver toutes les apparences extérieures d’être compétent et sérieux. C’est le MARCHE qui veut ça, je m’adapte au MARCHE, puisque les salariés qui sommes attachés à l’excellence et à générer un cercle vertueux autour de nous auprès de nos collègues et organisations sommes PUNIS financièrement par nos dirigeants (et donc, le marché).

  34. EH BIEN!…c’est ce que décrit admirablement cet auteur britannique:E.M FROSTER,dans une petite »nouvelle fantastique »-écrite et parue en 1909!!(comme quoi!😊😬)et intitulée: »LA MACHINE S’ARRÊTE »…que je conseille de lire(aux éditions L’ÉCHAPPÉE,2020):👍👍.
    ET concernant le »problème »soulevé par l’auteur de cet article:RIEN NE M’ÉTONNE:bos »sociétés modernes »étant constituée d’individus:ceux-çi glissant mollement mais inéluctablement vers la médiocrité: »voir,lire,écouter,manger d’la m…e »;s’étonner il ne faut ,que tout suive le même chemin;joint à celà l’IDIOCRATIE de nos »gouvernants »😁😬😬😡😡;JUSTE!…à attendre le collapse général!😄

  35. En tant que responsable d atelier j ai essayé de remédier aux habitudes et autres petites entorses quotidiennes qui polluaient le fonctionnement de l entreprise (retard,alcool sur le lieu de travail,délai non respecté,etc…) J ai été le « pertubateur » voire le « saboteur »…et surtout un salarié trop payé,résultat : une rupture conventionnelle au bout de 33 ans dans cette entreprise.J ai débuté avec le fondateur de l entreprise et j en connaitrai certainement le fossoyeur

  36. C’est très ancien. Au début des années 90, pendant les études supérieures, le prof disait que quand l’acidité augmente, le ph augmente également. Quand j’ai fait remarquer l’erreur à un autre étudiant, il m’a dit que ce n’était pas grave, que ça n’avait pas d’importance. Un autre étudiant avait besoin d’une calculette pour diviser un nombre par 0,5 (sans savoir qu’il suffisait de le multiplier par deux).
    La baisse de niveau, dans plein de domaines, est vraiment inquiétante…

  37. Bonjour,

    Si vous vous en êtes apercu, c’est bien – ça dure depuis deux décennies au moins.
    Puisque vous paraissez bien placé, merci de faire passer le message à tous ceux qui dirigent des organisations de tous ordres, entreprises, administrations, collectivités …
    Fais poliment, on vous remerciera chaleureusement et poliment du conseil.

    Si vous dispensez vos conseils à Anne Lauvergeon, je crains qu’elle ne sache comment prendre vos recommandations, elle accompagnera ses remerciements d’un sourire crispé.

    Jean-Bernard Lévy vous saura gré de votre compréhension et vous tendra franchement la main, soulagé de ne plus être le fusible d’EDF, devant s’attacher à servir au mieux les intérêts de l’entreprise et du pays dans un contexte pour le moins chaotique. Ca ne vaut certainement pas 450000 Euros par an, même avec les primes, certains hauts fonctionnaires gagnent plus en prenant moins de risque.

    Peut-être vous proposera t-il alors de dispenser vous conseils de bon sens aux dirigeants du pays. Bonne chance !!!

    Bon courage
    Le Fourbe

    P.S. : je pianote, je pianote, mais je n’ai pas encore fini de nourrir les vaches …

  38. Dans son ouvrage Good to Great, Jim Collins démontre qu’une entreprise ne peut atteindre l’excellence que si son leader est capable, entre autres, d’affronter la brutalité des faits à tout moment et d’insuffler une culture de la discipline.
    Au contraire, aucune entreprise de comparaison n’a jamais atteint l’excellence en lançant de grands plans révolutionnaires à grands coups de com.

    Dans les entreprises excellentes ayant réussi la mise en place d’une culture de la discipline, les collaborateurs interrogés n’ont pas eu l’impression de faire des efforts douloureux : ils ont certes travaillé dur, mais se sont régalés.

    Merci pour cet article.

      1. Jim Collins montre surtout que lorsqu’un dirigeant et son équipe sont les premiers à s’occuper des vrais problèmes et les premiers à s’appliquer à eux-même la discipline qu’ils imposent à leurs subordonnés, la grande majorité des collaborateurs suivent naturellement le mouvement vers l’excellence (ou alors ils « descendent eux-mêmes du bus »).

        Autrement dit, c’est toujours la même chose qui marche vraiment : l’exemplarité.

        Si tu n’as pas lu cet ouvrage, je le recommande fortement, c’est une mine d’or, et c’est très sérieux, ce sont des conclusions sur des travaux de recherches de long terme.

      2. D’ailleurs, c’est amusant, parce que le grand principe exposé par Jim Collins est le « Concept du hérisson « , qui s’oppose tout à fait à ton « Syndrome du canard »

  39. Le respect de mon obligation de discrétion m’interdit de donner trop de détails, mais en tant qu’auditeur interne je vis au quotidien ce que vous décrivez.
    Ce matin même, il y a quelques minutes, avec une cliente dont j’ai audité la réclamation.

    Début de la réclamation: Mars 2022.
    Un premier audit (qui aurait normalement dû alerter le gestionnaire de la réclamation) sans vrai succès en avril 2022.
    2e audit en mai 2022. Même dossier, même problème non traité, et mêmes « intervenants ». Là, ça bouge, et le gestionnaire est convoqué « en vue de ».
    Juin 2022: le gestionnaire est sanctionné par la Direction Générale.
    Je ne détaille pas; je ne commente pas.
    Juillet 2022: Je suis sollicité par la cliente; aucune intervention technique n’a suivi. Je relance le N+1 du gestionnaire.
    Août 2022: Le gestionnaire me fait savoir que l’entreprise mandatée est fermée en août. De guerre lasse, la cliente me dit qu’elle a accepté un rendez-vous en septembre.
    Septembre 2022: Je prends rendez-vous sur place avec la cliente.
    Je constate que rien n’a été fait, et je fais largement savoir en interne ce que je pense de cette façon de (mal) traiter une cliente.

    Vous savez, la personne la plus importante de l’entreprise, celle dont l’argent paie nos salaires…

    Mais, petit miracle; l’entreprise a pris rendez-vous pour le 20 septembre 2022.

    20 septembre 2022 9h30 du matin: La cliente a demandé à son employeur une autorisation exceptionnelle d’arriver en retard et l’entreprise n’est toujours pas là.
    Elle risque de perdre une journée de salaire. Pour elle c’est pénible. Pas un drame, mais vraiment pénible vu qu’elle ne gagne pas un gros salaire.

    Le pire, c’est qu’elle me dit qu’elle a de la peine pour moi de devoir travailler avec tant d’incapables; et le comble c’est qu’elle ne me le dit même pas méchamment, elle est très aimable.
    Un moment de honte.

    En admettant que l’entreprise arrive (en retard, après 10h00) et traite la DIT (Demande d’Intervention Technique) ce matin…
    Eh bien, il aura fallu six mois pour une simple réparation.

    A part ça, on demande une certification AFNOR pour QUALIBAIL 3 / QUALIPREST V4… et tout va bien.
    Officiellement c’est en bonne voie. Je n’en doute pas.

    « L’mardi matin le canard était toujours vivant….. » comme chantait si bien Robert LAMOUREUX pour celles et ceux qui connaissent la chanson.

      1. Un mot de positif pour conclure: Il ne faut jamais désespérer.
        L’entreprise est arrivée. Elle travaille bien.
        La cliente a pris sur elle; elle est restée, et comme il y a 6 mois qu’elle attend… Finalement elle est contente.

  40. Bonjour,
    que dire de plus après de tels constats généralisés…que cela soit au niveau des entreprises privées ou publiques concernées et ce dans bien des pays.
    j’aurais envie de simplifier à l’extrême pour justifier ce déclin…
    Ne serait ce pas tout simplement le résultat de l’abandon de « la règle ».
    L’exemple du retard du train, ne représente qu’une infime partie du problème…si un retard de cinq minutes ne représente pas un problème…pourquoi dix devrait l’être.
    La descente vers la « médiocrité » est enclenchée. Cela s’applique à bien d’autres cas de figures, regardons dans le secteur de l’Enseignement.
    Difficile pour un dirigeant quel qu’il soit, de définir mais surtout de maintenir le respect des règles, si même certaines doivent parfois être repensées, mais jamais abandonnées.
    Le renoncement aux règles est synonyme d’anarchie et nous conduit lentement, mais inexorablement vers le cahot.

  41. Analyse claire. Oui, partir des constats du reel, cad se liberer des certitudes théoriques ou idéologique.
    Le mème tableau peut s’appliquer à l’individu, comme à l’organisation socio-politique (ville, région, nation)

  42. Bonjour et merci pour cet article tellement vrai et pertinent, Je travaille dans le milieu médical et l’approche est la même avec ces notions d’indicateurs de performance…. Et le sens alors ? Pourquoi on fait ce travail ? Pourquoi on vend ce produit ? Pourquoi un train doit arriver à l’heure ? Je suis persuadée que les entreprises, quelle qu’elles soient, qui se posent des questions, sont dans l’échange, à l’écoute peuvent progresser. Je me suis battue pour ces idées, beaucoup, et aujourd’hui je suis en burn out. Mais quand je lis votre article je me dis que je ne suis pas complétement « à côté de mes pompes ». Pour l’instant je me soigne, je n’ai pas le choix mais après j’espère que je pourrai transmettre ces notions… Si chacun en a conscience on peut faire de grandes choses… L’effet papillon 🦋 j’y crois !

  43. Bravo pour cette analyse lucide qui s’applique à toutes les organisations et en premier lieu à nos organes administratifs.

  44. Le problème est que les entreprises privées sont parfois (souvent) victimes des mêmes syndromes …. pour le compenser… elles rachètent des concurrents… expérience perso d’une carrière… signé un cadre ingénieur ECP…juste a la retraite et bien content d’avoir quitté ces  » petits  » gestionnaires issus d’école de commerce dirigeant les entreprises et ne sachant que travailler avec un petit tableau Excel…

  45. J’ai vécu cette marche vers la médiocrité lors des mes 22 ans de carrière en tant que petit cadre commercial idéaliste au sein d’une grande entreprise de transport et je saurais mettre des noms sur chaque profil type qui apparaît dans votre article.
    Une seule remarque complémentaire à ce qui a été déjà dit : je suis née et j’ai grandi en Roumanie, quittée lors de la chute du mur de Berlin. Je trouve une similitude troublante entre cette médiocrité qui s’installe insidieusement dans nos entreprises et celle qui régnait en maître dans la société et l’économie communiste. D’ailleurs, quand nous comparions à l’époque notre modèle au monde occidental, l’image la plus parlante était la ponctualité des trains!
    Le lien de causalité entre ce phénomène et la confiance est aussi un des traits les plus significatifs du modèle communiste, au delà de son aspect économique !

  46. Le dysfonctionnement est « calculé ». Gagner 5mn sur un décompte de retard a une énorme incidence lorsque c’est entre 26mn et 31mn…55mn et 63mn….car à compter de 30mn c’est la garantie G30 qui s’applique et un droit à indemnisation qui s’ouvre. Pour être usager SNCF je peux témoigner que les retards affichés sont discordants avec les retards réels.

  47. Travaillant dans un grand groupe de la santé, je constate que votre analyse est juste et que cela se vérifie, malheureusement à mon goût, au quotidien.
    Difficile de voir le bout du tunnel…

  48. Bravo et merci pour cette excellente analyse que tant de PDG devraient lire avant de retourner dans leur tour d’ivoire.

    Durant ma carrière, j’ai connu de très nombreuses situations identiques à celles décrites dans l’article
    Joël

  49. Bravo et merci pour cette excellente analyse que tant de PDG devraient lire avant de retourner dans leur tour d’ivoire – Joël

  50. Bonjour, je ne suis pas seule à penser que ce n’est que le reflet du déclin de la société française. Depuis la COVID, j’ai le sentiment que les fauves sont lâchés. Augmentation de la violence, des incivilités… Je ferais aussi le parallèle avec ce qu’on appelle « la grande démission ». Alors quoi ? Ayant goûté au confinement et au télétravail, les jeunes travailleurs ne veulent plus retourner au bureau ? C’est bien plus profond que cela. Il y a comme une déception, un goût de rdv manqué. Comme si le goût du travail était inversement proportionnel à l’inflation. Si j’en crois mon humble expérience, je dirais l’écoeurement de décisions directionnelles prises à l’emporte-pièce, le salaire loin d’être à la hauteur (je suis dans la fonction publique hospitalière), on nous demande des initiatives mais il ne faut prendre les initiatives que si elles sont dictées par un supérieur et j’en passe… L’absence de méritocratie (au contraire ……..). La solution ? C’est une remise en cause en grande profondeur de ce qu’on souhaite pour l’avenir de notre société. Mais là encore, personne pour endosser le scaphandre …
    Merci de m’avoir lue, j’espère être claire.

  51. En lisant ces lignes, je n’ai pas pu m’empêcher de faire le rapprochement avec la théorie de la vitre brisée (Broken Windows paru en 1982, écrit par James Wilson et George Kelling). Un regard complaisant sur des dysfonctionnements mineurs et il y aura inévitablement une prolifération du désengagement individuel. L’exigence individuelle et collective est une des clefs pour redresser la barre, mais faire évoluer le modèle mental d’un collectif ne se fait pas en décrétant un plan marshall de six mois. De la parole aux actes, l’exemplarité d’une direction générale aura un impact plus significatif qu’une présentation partagée lors d’une grand-messe. Ici il est moins question de stratégie ou de tableau de bord que d’actions concrètes ancrées dans le quotidien ! Si la dérive est lente, le retour à “la normale” s’inscrit dans un temps encore plus long.

      1. Je pourrais te raconter aussi comment dans un métier comme le journalisme, on se « déleste » de gens qui font la qualité de l’information et de la transmission du savoir (réviseurs, correcteurs, fact-checkeurs, iconographes…) On en reparlera.
        Pourquoi existe-t-il une prime à la médiocrité ? Je ne comprends pas.

      2. Pour la prime à la médiocrité c est simple: l INCERTITUDES
        Si tu dois faire monter en grade une personne qui tu prend?
        N1**** ou N2** ?
        Si tu prend N1 tu aura:
        Chef N1? + N2** + remplacent N1?
        Tu à la garantie d avoir un moyen, impossible de savoir si le nouveau rôle de chef convient à N1 et inconnu du nouveau
        Si tu prend N2 tu aura:
        Chef N2? + N1**** + remplacent N2?
        Tu as la garantie d avoir un excellent qui va former le nouveau et le nouveau poste du chef à N2 peux aussi le faire devenir exellent

        À cour terme faire évoluer les médiocres permet de concentré les talents/écarté les gèneurs et augmente la probabilité d obtenir de l exellent personnel.
        Bien sûr à long terme les bon comprennent que pour évolué il faut être mauvais ce qui abaisse leurs implications dans l entreprise
        Le climat interne et les compétences diminution lentement

        J’espère mettre fait comprendre

  52. belle démonstration descriptive ou j’aurais aimé trouver des exemples réussis de changement d’habitudes pour positiver le discours.
    L’exemple cité pose la question du niveau d’imperfection acceptable plutôt que d’habitude de médiocrité. Cette exigence de perfection (moins de 5 minutes sur un trajet de 2h) a un coût pour la société que peut être vous n’êtes pas prêt à payer. C’est cette injonction contradictoire du consommateur qui incite les entreprises à tirer partout sur la sécurité, les rendements et les gens … Le consommateur que vous êtes à peut être sa part de responsabilité en exigeant la perfection et le moindre coût en même temps ?

    1. Certes mais ce qui m’intéresse c’est qu’il fut une époque où l’horaire était strictement respecté, et il ne l’est plus. C’est cette dégradation qui m’intéresse. Evidemment pas une recherche de perfection

      1. Bien vu, car la question est celle des renoncements au progrès et aux idéaux que traduisent les objectifs visés.
        Cette année, la France est classée 28e au niveau de l’indice de développement humain… Une perte de 16 place par rapport à l’an 2000…
        D’où l’importance des visions stratégiques globales des indicateurs qui sont les signaux faibles des écarts par rapport au but poursuivi.
        https://foppro.wordpress.com/2022/09/16/developpement-humain/

    2. Mais l’exemple donné n’est pas tant la question d’une exigence de perfection que celle d’une exigence de vérité : effectivement un retard de 5 min pourrait être acceptable, mais pourquoi annoncer que le train est à l’heure contre toute évidence ?

  53. Je ne peux m’empêcher de rapprocher votre article de l’augmentation des incivilités dans la société qui renvoit au problème de l’individualisme exacerbé. Je m’intéresse de plus en plus à mon confort au mépris de l’impact que cela peut créer pour le collectif. Il y a également ici un manque de prise de conscience du système dans lequel nous vivons et une absence totale d’interdépendance. Finalement ce que vivent les entreprises n’est-il pas le reflet de ce que nous vivons dans la société ?
    Je constate également une forme d’acceptation de cet état de fait qui peut s’assimiler à une forme d’acceptation de la médiocrité dont vous parlez.

  54. Entre l’excellence et la médiocrité, il existe des degrés intermédiaires. De petits écarts à la norme (qualité, ponctualité…) sont tolérés, jusqu’à être considérés comme normaux. Des écarts plus importants sont alors tolérés à leur tour, et ainsi de suite, jusqu’à la médiocrité… voire la catastrophe.
    C’est ainsi que les problèmes constatés sur les joints toriques des lanceurs à poudre des navettes spatiales ont cessé d’être considérés comme des défauts critiques, ce qui a contribué à l’explosion en vol de la navette Challenger.
    Les organisations qui suivent cette pente pourraient se demander : quels sont nos « joints toriques » ? Quelle est notre « navette Challenger » ? Mais, déjà que l’on a du mal à apprendre de nos propres erreurs, que dire des erreurs des autres…

  55. Tout à fait d’accord avec votre analyse.
    Si chacun se limite à faire ce qu’il faut afin d’obtenir un bon indicateur pour lui-même, sans prendre en compte l’intérêt général (que l’on pourrait appeler patriotisme y compris pour les entreprises), il y a de grandes chances pour que l’organisation aille dans un mur. La maximisation d’un indice pour l’un a toutes les chances de minimiser l’indice pour un autre (un commercial qui essaie d’augmenter ses ventes en quantité en faisant trop de remises dégrade la rentabilité, un acheteur qui achète le composants le moins cher dégrade la qualité, etc…).
    Au lieu de s’attacher à maximiser tous les indices, y compris ceux qui sont déjà bons, il serait préférable d’améliorer ceux qui sont mauvais.
    Si l’on imagine un concours pour lequel une note au-dessous de 10 est éliminatoire, il ne sert à rien aux candidats de travailler encore plus la matière pour laquelle ils excellent, ils feraient mieux de travailler leurs points faibles. Il en est de même pour les organisations qui devraient se concentrer sur leurs points faibles qui risquent de les envoyer dans le mur.

  56. Je reconnais bien des situations que j’ai connues par le passé en tant que commercial. En particulier, je me souviens d’une entreprise en déclin parce qu’elle vendait des produits en mode saas que ses clients avaient du mal à utiliser et surtout dont le contenu n’était jamais renouvelé. Un de mes n+1 m’avait parlé du recrutement du VP vente (diplôme d’un MBA de Harvard): “Ah lui, il va arranger les choses; il ne tolère pas que les commerciaux n’aient pas fait le prorate de leur objectif annuel chaque semaine!”.
    D’un autre côté je vois un paradoxe à l’idée de la vérité comme début de la solution: l’entreprise n’est elle pas justement l’opposé du lieu de la vérité?

    1. Merci. Je ne crois pas que l’entreprise soit à l’opposé du lieu de la vérité, je crois au contraire que celles sui sont performantes (au sens large) sont celles qui ont conscience de leur situation et où il est attendu que la vérité soit dite (même si rien n’est jamais parfait dans une société humaine naturellement).

      1. Très bon article et nombreux sont ceux qui s’y reconnaissent. Le constat est la. La « gouvernance par les nombres « d Alain supiot apporte une analyse très approfondie du phénomène .

    2. Entièrement d’accord avec vous. La maitrise du mensonge et de l’hypocrisie est devenu indispensable pour survivre en entreprise. Dans notre époque du politiquement correct les décideurs sont nommés en fonction de leur capacité à flatter l’égo de leur supérieurs et absolument pas de faire avancer l’entreprise.
      Aujourd’hui le lanceur d’alerte est vu comme la cause du problème….

      1. C’est exactement cela. Tout le monde se flatte, se félicite, se congratule pendant que le bateau coule et comme ce n’est pas leur argent, ni leur entreprise ils se versent des primes en plus des supers salaires…

    3. La ponctualité des trains est un sujet complexe : horaire mal calculé, incident en cours de route, conducteur « trop prudent » (craignant d’être sanctionné par une hiérarchie « garde-chiourme » en cas de léger dépassement de vitesse qui n’a pourtant aucun impact sécuritaire…), infrastructure dégradée imposant ex abrupto un ralentissement localisé non prévu dans le calcul de l’horaire… A minima, c’est un sujet partagé SNCF / Etat : quand le financement du simple renouvellement du réseau est à ce point insuffisant (France 2,8 Mds €/an, Allemagne 6,5 pour un réseau 20 % plus grand), il ne faut pas s’étonner… En revanche, quand un SI (Système d’Information, ici l’affichage des arrivées des trains ) dit n’importe quoi par rapport à la réalité, là c’est 100 % une responsabilité SNCF, et c’est probablement quelque chose qui n’aurait pas été toléré il y a quelques décennies…

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