Transformation organisationnelle: En finir avec la notion de résistance au changement

Tout le monde s’accorde à reconnaître que la plupart des programmes de transformation échouent à atteindre leurs objectifs. Ils ne respectent pas leurs délais. Ils ne vont pas assez loin. Les grandes organisations dépensent beaucoup d’énergie mais font du sur-place. Et pendant ce temps-là les barbares, entendez les startups, avancent. Est-ce une question de résistance au changement? Est-ce, d’ailleurs, la bonne question?

Zeus (Source: Wikipedia)

C’est logique, mais ça ne marche pas

Ces programmes, conçus par les plus grands cabinets de conseil et théorisés par les chercheurs des plus grandes écoles de commerce, sont d’une grande logique, découpant parfaitement le problème en une série de tâches cohérentes. Ils appliquent le dicton de Henry Ford: rien n’est particulièrement difficile si vous le découpez en petites tâches.

Ainsi, exemple parmi tant d’autres, le prestigieux cabinet de conseil McKinsey propose une approche de la transformation en cinq étapes: d’abord établir la trajectoire de changement, puis planifier des actions pour les haut-dirigeants; passer ensuite à la phase de mise en œuvre à l’échelle de l’organisation, agir pour changer l’état d’esprit puis enfin mettre en place les gens, les processus et les outils pour permettre une exécution sans faille. Ces plans sont parfaitement logiques: ils préconisent de bien définir l’objectif à atteindre avant de commencer, puis de planifier les actions avant de les mettre en œuvre. Ils sont logiques, mais ils ne marchent pas. Ils sont logiques mais rien ne se passe.

Les spécialistes du changement, et plus généralement “l’industrie de la transformation” qui depuis des années conçoivent ces programmes qui ne marchent pas se sont naturellement inquiétés. D’après eux, la principale raison pour laquelle le changement échoue est la résistance au changement. En d’autres termes: c’est la faute des gens, c’est à dire des collaborateurs de ces organisations. Oh les méchants!

Dans un article précédent je montrais que parler d’un problème d’exécution pour un plan stratégique traduisait une erreur de conception de ce qu’est un tel plan: un plan qui n’a pas anticipé un problème d’exécution est un mauvais plan car il est conçu sans tenir compte des spécificités de l’organisation qui le met en œuvre. Plus généralement, la distinction entre conception et mise en œuvre traduit une vision cartésienne du monde et du management dans laquelle il y a les penseurs, qui ont toutes les informations et savent où il faut aller, et les exécutants qui sont simplement là pour faire ce qu’on leur dit.

De la même façon, le plan qui n’a pas anticipé la « résistance au changement » est un mauvais plan car il est conçu sans tenir compte, et donc souvent sans comprendre voire sans même s’intéresser à ce que pensent les collaborateurs. Cette « résistance au changement », à supposer qu’elle existe, est souvent la traduction d’un problème plus profond.

Mal nommer les choses…

Comme souvent, les termes qu’on emploie pour qualifier un problème traduisent notre façon de voir le monde (nos modèles mentaux) et contraignent les solutions qu’on apporte au-dit problème. Ils peuvent même créer des problèmes qui n’existent pas. Par exemple, un policier verra la consommation de cannabis comme un crime, un médecin comme un problème de santé publique tandis qu’un libertaire la verra comme un non problème. Tous les trois auront une définition différente de la question et proposeront donc des solutions différentes.

Le terme même de “résistance au changement” traduit ainsi un modèle mental selon lequel il y aurait un groupe, la direction générale (Zeus sur le mont Olympe), qui aurait tout compris à ce qu’il faut faire, et le reste de l’organisation qui, pour des raisons inexpliquées, ou inavouables (sabotage!), s’opposerait à ce que le bon sens semble réclamer. On sépare le monde en deux, les intelligents et les imbéciles, nous et les autres, les cadres et les agents, les pro et les anti, comme on le sépare entre riches et pauvres oubliant que 80% de la population est dans un 3e groupe intermédiaire qui n’est plus pauvre mais pas encore riche. Souvent, la façon dont la transformation est présentée est elle-même source de blocage: Dans ce modèle, la direction explique généralement que la situation actuelle est insatisfaisante, mais que l’avenir peut-être radieux à condition de souffrir beaucoup pendant un certain temps. Ce modèle conçoit donc la transformation comme traumatique, un épisode bien identifié dans le temps, et partant d’un présent insatisfaisant dont il faudrait avoir honte (soyez comme Google!) pour aller vers un futur souhaitable.

Mais peut-être les collaborateurs ont, eux, un modèle différent: la direction leur impose un énième plan conçu en secret avec des consultants en vue sur la place de Paris. Ce plan est générique, on a vu le même dans toutes les entreprises du CAC 40. On sait ce qu’on va perdre avec la transformation mais pas ce qu’on va gagner. Le programme de transformation perturbe notre travail sur lequel nous sommes évalués à la fin de l’année. Quoiqu’il arrive, les grands dirigeants empocheront leur bonus, tandis que les échecs nous seront imputés. On ne nous a pas demandé notre avis (ou pire: on a fait semblant en nous envoyant des consultants juniors dont l’arrogance n’avait d’égal que la méconnaissance de notre métier). La direction générale ne comprend pas comment l’organisation fonctionne, car de toute façon ce sont des mercenaires qui viennent d’arriver et repartiront bien vite. Et ainsi de suite.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des collaborateurs hostiles au changement, naturellement (y compris au plus haut niveau c’est fréquent). Le changement dérange, il force à sortir du confort douillet du déclin. Il remet en question des situations acquises. Il nécessite un effort. Mais formuler le problème en termes de résistance au changement plaque un modèle de culpabilisation d’un groupe par un autre alors même que l’engagement du groupe culpabilisé est nécessaire au changement. C’est contre-productif.

Ce qu’on appelle “résistance au changement” peut en fait être reformulé avec un autre modèle mental dans lequel l’absence de progrès traduit un manque de confiance des collaborateurs envers la direction générale, le manque de légitimité interne des managers qui sont censés relayer la stratégie (autre modèle mental) ou peut-être le caractère inapplicable du plan car conçu sans tenir compte de la réalité quotidienne des collaborateurs.

Changer de modèle mental, clé du déblocage

La question n’est évidemment pas qui a raison avec son modèle: chacun un peu, bien-sûr, c’est que si chacun reste campé dans son modèle, rien ne changera. On continuera à travailler plus dur dans un système bloqué.

On aura donc intérêt à poser ces modèles mentaux de façon explicite pour les confronter et essayer de les accorder. La transformation est certainement indispensable, mais la façon de la concevoir doit faire l’objet d’un large accord. Le partage d’un diagnostic commun est essentiel. Il est surprenant de constater que dans beaucoup d’entreprises, lorsque je demande les véritables raisons pour lesquelles un plan de transformation a été engagé, tout le monde n’est pas capable de me répondre, y compris au plus haut niveau, et les réponses, quand il y en a, varient énormément. Souvent, j’obtiens le « Ah ben à cause du digital. » Mais si je presse en demandant « Comment le digital vous impacte-t-il », j’ai rarement une réponse.

La réussite ne tiendra pas nécessairement à un accord parfait sur tous les aspects du modèle mental, c’est impossible; le simple fait de rendre explicite les hypothèses et de les discuter sera déjà un énorme progrès. Chacun pourra comprendre que la direction, au cours de cet exercice, doive trancher en cas de désaccord. Les recherches sur la notion de fair process (processus équitable) ont montré que les gens sont souvent plus sensibles à l’équité dans le processus (la façon dont ils sont traités, le fait qu’ils soient réellement consultés, que leur avis soit pris en compte et même qu’ils soient co-créateurs de la décision) qu’à la décision elle-même, y compris si elle leur est défavorable.

Les grands programmes de transformation butent en effet sur une contradiction: d’une part, la transformation est rendue nécessaire par l’avènement d’une société plus entrepreneuriale dans laquelle la réussite et la performance futures reposeront sur la créativité et l’autonomie. Mais d’autre part, ils restent piégés dans des modèles mentaux anciens : un but fixé par la direction générale, un plan d’exécution, une méthode, des exécutants… des notions bien éloignées du monde entrepreneurial…

Un changement de modèle permettra de voir les choses différemment, de mieux identifier les problèmes et d’ouvrir des possibles inimaginables. Il ne peut advenir qu’en repensant complètement la façon-même de procéder. Si notre époque change radicalement, il ne faut pas juste changer ce qu’on fait, mais la façon dont on le fait et, surtout, la façon dont on conçoit ce qu’on fait. C’est donc la façon même de se transformer qu’il faut changer.

Pour aller plus loin sur les modèles mentaux, lire mon article Comment le modèle mental s’oppose au changement: la tragédie des colons du Groenland. Au sujet de l’exécution d’un plan, lire Transformation: Non, vous n’avez pas un problème d’exécution.

📬 Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à vous abonner pour être averti des prochains par mail (“Je m’abonne” en haut à droite sur la page d’accueil). Vous pouvez également me suivre sur linkedIn et sur Twitter/X. Mes articles récents sont également disponibles en version 🎧 Podcast ici.

26 réflexions au sujet de « Transformation organisationnelle: En finir avec la notion de résistance au changement »

  1. C’est une vision très intéressante mais un brin décalée de mon point de vue. Je suis d’accord que tirer un peu les traits aide certainement à comprendre ce qui n’a pas fonctionné dans le passé avec une vision du changement command and control to execute. Cependant les pratiques ont largement et heureusement beaucoup évoluées. Aujourd’hui beaucoup d’entreprises et certains partenaires qui les accompagnent ont à coeur de voir les choses différemment. L’équipe dirigeante donne des moyens et encourage les collaborateurs à penser le changement de manière permanente. Mis en position de définir au fil du temps les changements dont ils ont besoin, de les éprouver sur des cycles courts et de partager leurs expériences, les collaborateurs sont auteurs des évolutions dont ils sont les premiers destinataires et utilisateurs. Le changement n’est plus prescrit dans des organisations plus vivantes et moins mécaniques, des organisations qui ont renoncé à croire qu’un cerveau central a les capacités d’appréhender seul la complexité qui pèse sur l’entreprise. Au contraire, l’intelligence collective, à grande échelle – idéalement celle de l’entreprise – est mobilisée pour prendre des décisions plus pertinentes et prendre l’initiative de changement qui n’ont plus l’ampleur des transformations rupturistes du passé dont tant ont totalement ou partiellement échouées. Il semble donc intéressant, ce que vous suggérez en partie, de ne plus vaincre les résistances au changement mais d’offrir à chacun de penser et de ressentir le changement qu’elle ou il lui semble utile de concevoir et d’expérimenter. Une note plus optimiste donc !

  2. Je vois souvent des parties d’articles concernant le comportement des jeunes consultants qui font de l’aide au changement et n’ai jamais trouvé un post avec « la fierté que vous devriez ravaler et les trucs que vous devriez faire », j’aimerai beaucoup voir cela de votre avis + éclairé (vous avez clairement + de bouteille que moi). Ce serait intéressant pour éviter les « péchés d’orgueil » d’avoir un poste qui fasse office de douche froide et qui nous remette à notre place (oui, parce que parfois j’admets redevenir bête mais je me soigne… enfin, j’essaie) !

    Pour ma part, les tares que j’ai observé chez moi au cours des années avec quelques 10 conseils inhabituels dont certains paraissent légers mais ne le sont pas tellement. C’est toujours issu de vécu perso ou constaté :
    – Commençons par une analogie : le consultant est comme une clé USB bourrée de « méthodes » (logiciels) théoriquement + performants que ceux employés dans les entreprises. Théoriquement parce que la bécane (entreprise) sur laquelle on veut les mettre est trop vieille, pas adaptée, n’utilise pas le même système. C’est à qui de changer entre le support physique bien en dur et le logiciel pour que le truc marche ?
    – Vos cabinets s’en tapent de vous. Tout acte « corporate », tout investissement sera fait sur la marge qu’ils dégagent entre votre salaire et combien ils vous vendent. Tout arbre servant à marquer leurs différences sert à masquer la foret de similitudes. Bien sûr, ils seront à votre écoute, simplement parce que la fourmi qui bosse, c’est vous. L’arrosage de la jeune pousse que vous êtes dépendra de comment vous vous positionnez. Soyez incisif avec votre cabinet, coulant avec l’entreprise ou vous intervenez, pas l’inverse.
    – Ne négligez jamais le politique de l’entreprise ou vous intervenez. Intègre, oui. Intégré, mieux encore. Ne croyez pas que vous allez toujours être tout rose. Gardez bien les schémas de l’entreprise en tête. Gardez encore + le schéma officieux : chef d’atelier qui dirige, le vieux gars qui est un expert en machin chose, le mec qui donne l’impression de rien faire mais connait des législations/ codes/ logiciels etc. par cœur.
    – Apprenez à bricoler. Je ne déconne pas. Apprenez VRAIEMENT à vous servir d’un tournevis, marteau, scie, meuleuse parce que ça peut VRAIEMENT vous sauver (en + d’être pratique pour votre vie perso).
    – Corolaire : apprenez à être sale. Allez un peu touiller des résidus de tous les trucs dégueulasses que vous faites faire aux gens. D’une, ça aide à rester humble en connaissant vraiment ce que vous demandez, de deux ca améliore vos immunités, de 3 ça vous aidera pour quand vous devrez éventuellement aller au turbin. Poncez pendant 8 heures, vous apprendrez intuitivement l’ergonomie.
    – Demandez des cartes de visite à tout le monde, partout, tout le temps. Gardez les contacts et pas que des chefs. D’ailleurs privilégiez les bons ouvriers, notez leurs noms, numéros, adresses si besoin. Vous aurez + souvent besoin des gens du bas que des gens du haut.
    – La machine à café. Toujours avoir de la monnaie. Toujours une oreille qui traine. Identifiez les langues de vipère : si vous rigolez quand elles parlent sur tout le monde, n’oubliez pas qu’elles parlent sur vous.
    – N’oubliez pas qu’entre un magasin et une chaine, ce n’est pas la père noël qui fait la livraison.
    – La bouffe, c’est sacré. Mangez, soignez-vous. Le boulot, ce n’est pas le truc qui vous permet de vous payer une santé quand vous êtes malade. Ça vous parait évident ? Alors ne traitez pas vos potentiels subalternes comme des abrutis quand ils vont manger, aux toilettes ou pas bien. Accessoirement : ils ont une vie, souvent plus passionnante que la vôtre. Si vous êtes carriériste, c’est votre problème, n’emmenez pas tout le monde dans votre trip.
    – Les secrétaires, c’est les bibles d’une boite. Une vieille secrétaire en poste depuis 20-30 ans, c’est la maman. On ne fâche pas maman.. Encore une fois, je ne déconne pas. Y’a des promotions et des disparitions qui se font sur un simple avis, des marchés qui disparaissent sur une simple non retransmission de mails parce que vous avez été un arrogant imbécile.

    Voilà, au moins cela m’aura amusé de trouver 10 points, au plaisir de vous relire

    1. Il faudrait sans doute envoyer ces conseils a notre 1er de cordée: Ce matin, ils méprise le Gaulois « réfractaire au changement » justement.
      Le vernis craque et les résultats sont l’inverse de ceux promis, malgré les passages en force mais ce n’est pas sa faute… Peut-être que, tel un Elon Musk (qui lui a au moins réussi pas mal de choses, moins à en faire une affaire rentable), il devrait dormir un peu plus: La nuit porte conseil dit-on!
      La République En Marche… certes… Mais « avant » ou « arrière »? Sur pas mal de plans, y compris ceux qui voulaient nous faire regagner en compétitivité (mais comme toujours, en nivelant par le bas droit social/travail et salaires, effet productif garanti! Presque jamais en travaillant la valeur ajoutée de nos productions), la seconde option est de plus en plus évidente. Même sur des routes à 80 (bon pour l’efficacité et les échanges, également), la marche arrière va bientôt s’imposer pour ne pas s’endormir.
      Mettre un pays à l’arrêt dans tous les sens du terme et se plaindre du fumeux « Gaulois » qui ne veut pas avancer?! Il faut vraiment qu’il dorme!

  3. Juste pour savoir… Vous vous inspirez un peu de Senge (5th discipline) quand vous évoquez les modèles mentaux ? Ou de votre confrère PYG ? 😉

  4. Super article ! Très proche du réel et d’un éco-système assez malsain construit autour de la « transformation ». Le retour à des comportements vertueux prendra un peu de temps…

  5. Bonjour
    Je vis exactement, en ce moment, ce que vous décrivez en tant que consultant accompagnant le pilotage d’un changement managérial dans un petit établissement d’un très grand groupe français. Comment faire passer votre discours auprès de dirigeants – ingénieurs plus préoccupés de la qualité du processus que de l’implication des acteurs ? Peut on partager une supervision avec vous ?? Thierry HEURTEAUX

  6. La notion de changement me fait tjrs penser au livre de Spencer Johnson « Qui a piqué mon fromage »… Philippe, j’aime bien le contenu de vos articles que je lis régulièrement. Amicalement.

    1. Si le changement suscite la panique chez vos employés c’est que vous les avez traumatisés au point ou vous confier un poste de direction deviens même problématique: le niveau de confiance de vos employés est terriblement bas et ce dont vous avez besoin en priorité n’est pas de transformation, mais de dialogue et d’un management efficace d’entreprise.

      1. Où avez vous vu qu’il s’agissait d’employés ?
        prenons pour exemple la peur de la « révolte » des robots,,
        fantasme récurent de la population française en particulier y compris de certains patrons.
        L’être humain a peur de ce qu’il ne connait pas comme l’enfant du noir. au moment de se coucher.. . .

      2. @zelectron
        D’après moi, les peurs ne peuvent être assimilées à une résistance au changement.
        Les adeptes de Malthus, ce que sont les robophobes actuels, ne se sentent pas en sécurité, et c’est bien l’époque actuelle qui les terrorise, pas vraiment le futur. Sans robot, leur insécurité se serait portée sur d’autres éléments, et comme vous le soulignez, c’est un phénomène largement répandu. Ce sont exactement les mêmes mécanismes que l’on retrouve chez les xénophobes; ce sont leur peurs qui construisent et alimentent l’image du monde qu’ils imaginent. Leur peur étant le fondement et non la conséquence de ce qu’ils perçoivent, il n’y a pas d’état « pré-changement » dans lequel ils se sentent en sécurité: il n’a tout simplement jamais existé que dans leur tête.

        La résistance au changement (en entreprise) est radicalement différente: elle n’est pas préalable, mais postérieure au « changement » (en réalité souvent l’impulsion qui aurait dut l’amener): un nouvel outil qui débarque, une réorganisation, etc. Et là, selon les entreprises, ça se passe plus ou moins bien. Dans les organisation très pyramidales c’est souvent l’occasion de rire avant de pleurer en voyant la part du budget partie en fumée, dans d’autres ça peut être l’occasion d’aborder radicalement les choses.
        Dans tous les cas, on trouve des personnes qui défendent bec et ongle la nouveauté, et d’autres plus difficiles à convaincre, parce que le modèle n’est pas celui qui correspond à nos habitudes ont peut se sentir moins performant, ou dévalorisé. C’est un sentiment qui s’inscrit dans l’actualité du changement.
        Ça ne s’exprime pas par de la peur (je n’en ai jamais vu), mais de la colère ou du conflit.

  7. « Le changement dérange, il force à sortir du confort douillet du déclin. »

    Le problème, c’est que le changement imposé d’en haut n’est pas toujours motivé par un déclin quelconque! Par contre, mal conduit avec les travers quasi systématiques que vous citez, il peut l’amorcer…

    Il faut quand même voir que ce qui motive « le changement » n’est bien souvent qu’un comportement moutonnier des dirigeants, incité par des cabinets (anglo-saxons ou d’inspiration) dont c’est la vache à lait (ils vendront le conseil, puis les outils voir certifications)… de là à penser qu’ils ont intérêt à ce que l’actuel plan échoue pour pouvoir proposer plus tard son successeur?!

    La carotte n’est pas de faire de chaque employé un auto-entrepreneur, vu qu’en parallèle les processus de contrôle sont devenus rédhibitoires: Je l’étais bien plus au tout début de ma vie active ou chaque directeur (il suffisait alors d’aller s’entretenir avec lui) avait sa cagnotte sous le coude pour développer les bonnes idées de ses subordonnés que maintenant ou l’on se proclame agile alors que l’on est en réalité englué comme des mouettes après l’Amoco-Cadiz dans une organisation qui a vidé le manager de tout pouvoir (lui laissant l’administratif croissant, généré en partie par le changement), « promu » (sans le salaire!) des maîtres de scrum et autres product owner parmi ceux n’ayant, pour le coup, aucune résistance au changement (en espérant que cela paye un jour!) pas plus que la capacité de faire des vagues quand il le faut (ce qui finit rapidement par poser problème)…

    Quelques années plus tard, on se retrouve avec des tribes/squad… dont plus personne ne veut ne serait-ce qu’apprendre ce que ces termes ridicules signifient. Sans compter l’effet délétère du simple sens des mots selon les cultures dans une entreprise mondiale!

    Pendant ce temps, les mauvaises décisions nous mettent en péril pendant que les chinois avançent, eux…

    1. Merci. Ça résume pas mal… Toutefois « une organisation qui a vidé le manager de tout pouvoir » ne pas fait comme si le manager n’avait pas joué le jeu et ne s’était pas laissé faire: impuissance apprise… souffrir et se plaindre est toujours plus facile qu’agir. Ne pas tomber dans le modèle mental consistant à trouver un responsable (le PDG, le cabinet anglo-saxon…) mais reposer l’équation pour en sortir.

      1. J’ai pu voir le double jeu, ou la spirale du « c’est pas moi, c’est l’autre »: la complainte des directeurs qui regrettent le « manque de leadership » des managers(, et la complainte de managers qui regrettent l’absence de « pouvoir d’action » et de liberté laissé par la direction.

        Au final les ressources de l’entreprise sont en grande parties mobilisées pour esquiver les questions qui fâchent, éviter l’attention de la partie « adverse ». D’un côté comme de l’autre aborder des sujets en rupture est devenu impossible; les deux parties agissant exclusivement à travers la visions que les pairs et les supérieurs pourraient avoir de leur travail et leurs actions sans jamais aborder frontalement la question des attentes desdits pairs et supérieurs, abolissant toute approche originale ou faisant même fi d’échecs précédents pourvu que l’on se sente protégé.

        Du coup l’essentiel de la valeur est produite par la continuité routinière et automatique de l’activité précédente, sans espoir de voir une véritable innovation émerger, sans même aller à une transformation.

  8. Bonjour,
    Quel plaisir j’ai à lire vos écrits chargés d’une vision pragmatique de l’accompagnement au changement. Depuis plus de vingt ans que j’opère comme consultant en ce domaine, je me « bats » chaque jour que Dieu fait contre ces « big 5 ou 10… » qui ignorent tout de la réticence au changement (ou feignent de), la brandissant comme problématique aux projets de transformation, à coup de statistiques ineptes (35% des projets échouent par la résistance au changement des clients/utilisateurs et bla bla bla).
    Il n’est d’échec que le projet où la Direction (tout court ou de projet), les managers des personnels impactés, les RH… n’ont pas fait leur boulot, à savoir celui d’aller vers les gens, de leur parler, de mieux comprendre leurs outils, processus, postes de travail, en gros d’aller sur le terrain car c’est là, et seulement là que ce gagne la transformation et non pas en chambre, en CODIR, en séminaire corporate…
    Cette problématique que vous relatez, je la constate dans 100% des projets sur lequel j’interviens mais à différents degrés, et la part du budget relative à ces actions au plus proche du terrains sont toujours réduites à la part congrue, et si possible au dernier moment de la phase de déploiement, quand tout a été conçu et décidé.
    Je rêve en ce sens d’un monde où l’on clarifie les rôles et missions des divers conseils et accompagnateurs du changement (terme galvaudé s’il en est !), de ceux qui accompagnent les décideurs du changement en entreprise (certes forts utiles par la connaissance des modèles et expériences de transformation) et ceux qui accompagnent le déploiement aux côtés des metteurs en oeuvre du changement (le middle management, les utilisateurs des systèmes, les personnels au poste de travail…).
    Merci encore pour votre partage de connaissance sur le sujet.

  9. Une anecdote pour étayer vos propos : il y a quelques années, dans un grand groupe, la présidente annonce la création du « club des 100 », soit les 100 personnes les plus importantes de l’entreprise, qui vont réfléchir à la transformation de l’entreprise.
    Question dans l’auditoire : un « petit salarié » demande si, outre les « 100 », tous les autres (soit 800 personnes tout de même) seront aussi impliqués, peut-être d’une manière différente ?
    Réponse lapidaire de la présidente : « Non ! Ces 100 personnes sont les plus importantes, ils ont des gros salaires pour réfléchir, ce qui n’est pas le cas des autres ». J’en suis resté cloué sur place tellement c’était caricatural.

Laisser un commentaire