Transformation: votre entreprise ne sera pas sauvée par le corporate hacking

Face aux nombreuses ruptures de leur environnement, la nécessité de se transformer en profondeur est devenue une évidence pour de nombreuses grandes entreprises. Et pourtant les résultats de nombre de programmes de transformation sont décevants. Ce n’est ni faute de moyens (les sommes dépensées se comptent souvent en millions), ni faute de volonté (l’impératif de la direction générale est clair). Face à ces échecs, produits d’une conception mécaniste et planifiée du changement, une approche plus émergente fait l’objet d’un intérêt croissant, le corporate hacking. Derrière se trouve l’idée que le salut de l’entreprise réside dans l’initiative de quelques uns pour la transformer en quelque sorte contre son gré.

Dans une organisation bien gérée, les innovateurs et intrapreneurs ont normalement été méticuleusement filtrés et soigneusement éliminés de l’organisation au cours de ces années de gestion des ‘talents’ et d’amélioration de la performance. Tous? Non! Un petit groupe résiste et prétend la transformer. Malgré elle! Ce sont les corporate hackers.

D’après le site des Hacktivateurs, le corporate hacking est « le fait d’utiliser les moyens mis à disposition par l’entreprise dans le cadre d’une fonction, pour faire bouger les lignes au-delà cette simple mission. » Par « bouger les lignes », il faut entendre faire avancer l’organisation sur des terrains et avec des pratiques qu’elle n’attend pas, mais dont on estime cependant qu’elle bénéficiera.

Au contraire des hackers, qui sont hostiles aux organisations, les corporate hackers prétendent faire preuve de bienveillance à leur endroit. Selon eux, il ne faut pas désespérer de la grande entreprise; tout le monde ne peut pas finir dans une startup; il faut bien créer de l’emploi, et ceux qui voient l’avenir uniquement composé de petites startups travaillant en réseau avec une myriade de travailleurs indépendants sont des utopistes. En cela ils n’ont certainement pas tort.

Le corporate hacking, une idée neuve assez ancienne

L’idée n’est pas nouvelle. Il y a vingt ans, on les appelait des intrapreneurs. Gary Hamel, alors un gourou en vue dans le monde du management, voulait « amener la Silicon Valley à l’intérieur de l’organisation » dans un livre ambitieux au titre sans équivoque: La révolution en tête. L’enthousiasme pour ses idées est rapidement retombé dans la mesure où l’entreprise-phare qu’il prenait pour exemple d’une telle approche était… Enron. Et de fait, malgré en très fort engouement dans les années 90, et encore dans les années 2000, l’intrapreneuriat ou quel que soit le nom qu’on lui donne, n’a jamais réussi à vraiment faire son trou. Qu’est-ce qui est différent aujourd’hui d’il y a vingt ans? Mystère.

Bien-sûr, personne ne nie l’intérêt d’avoir une culture un peu plus entrepreneuriale, ni encore moins celui d’avoir en son sein des individus plus entreprenants que d’autres pour permettre à l’organisation d’être plus innovante. La question est de savoir si « être plus entrepreneurial » permet la transformation de l’organisation; on peut en douter fortement.

Transformation en cours, je suis presque arrivée

Je vois quatre raisons à cela.

1) Conception du super-héros: Les approches intrapreneuriales restent dans le paradigme du sauveur. Face à l’inertie supposée de la masse des collaborateurs, quelques élus auto-désignés se lèvent et sauvent l’organisation. Bien-sûr nombre de corporate hackers ne se voient pas du tout comme des super-héros, mais de par le choix-même du nom hacker, ils se vivent et se voient néanmoins comme différents. Cette vision du super héros renvoie d’ailleurs à une question posée par la notion-même de hacker: au nom de quoi celui-ci peut-il prétendre faire le bien de l’organisation malgré elle? Au nom de quoi prétend-il savoir ce qu’il faut faire? Comment se fait-il que les autres ne le sachent pas? Comme je l’ai écrit depuis longtemps, nous souffrons de cette conception de l’entrepreneur comme d’un super-héros prométhéen seul contre tous. S’il s’agit de remplacer un super-héros de l’ancien monde (méchant bureaucrate) par un super-héros du nouveau monde (gentil hacker), nous n’aurons rien gagné parce que le paradigme « jupiterien » restera le même. Au contraire, toutes les études montrent que les entrepreneurs sont des gens normaux, qui font des choses normales à partir de quelques principes simples (l’effectuation) en agissant au sein de leur environnement considéré non pas comme hostile (hacking) mais fertile.

2) Mise en dehors de l’équation: Ce point est très lié au point précédent. J’entendais récemment une responsable RH d’une grande entreprise parler en termes élogieux de « rebelles constructifs » (ou un terme approchant). Mon premier réflexe a été de me féliciter de son éloge en me disant « c’est bien; s’ils sont reconnus, ils auront plus d’impact ». Mais aussitôt je me suis dit que ça ne pouvait que perpétuer le problème. Que cet oxymore volontairement provocateur est peut-être même le problème! En définissant ceux qui essaient de changer leur entreprise comme des rebelles, on les place nécessairement en dehors de l’équation. Or ils en font partie, et ils sont responsables, au même titre que les autres, de la situation actuelle. Pourquoi les voir comme « contre » l’organisation? Il y aurait les bons et les méchants? Ceux qui ne sont pas « rebelles constructifs », ils sont quoi: « soumis destructifs? » alors qu’ils font tourner l’organisation aujourd’hui en attendant que les « rebelles » la fassent – peut-être- tourner demain? Le fait que ceux qui essaient de la changer soient vus comme des rebelles en dit plus sur l’organisation, et la façon dont elle voit le changement, que sur eux. Au final, ce vocabulaire guerrier/macho/héroïque est contre-productif. L’attitude transformative devrait être la normalité. C’est de ceux qui ne l’ont pas qu’il faudrait s’occuper.

3) Croyance en la vertu transformatrice du projet: c’est évidemment la grosse hypothèse de la démarche, celle selon laquelle l’initiative sur des projets amènera progressivement l’organisation à changer. Cette approche du projet transformant a été formalisée en recherche mais elle reste dans l’ensemble peu convaincante parce que l’expérience montre que dès que le projet commence à vraiment toucher le cœur identitaire de la structure existante, les mécanismes immunitaires de cette dernière se déclenchent. Plus on s’en approche, plus ces mécanismes sont puissants. Le risque est que le projet ne transforme l’organisation qu’à la marge, c’est à dire sur des aspects tactiques (un peu d’agilité par-ci, un peu d’innovation par-là). Ce n’est pas en soi inutile, mais c’est largement insuffisant.

4) Pas de prise en compte de la dimension politique: le point précédent montre que la transformation ne peut avoir lieu sans une prise en compte de la dimension identitaire de l’organisation et donc de la politique. Transformer, c’est remettre en question les croyances et hypothèses sur lesquelles reposent le modèle actuel de l’organisation. Cela signifie qu’on va mettre le doigt sur des conflits durs entre valeurs de l’ancien monde et du nouveau monde. Dès lors, la question fondamentale devient: comment surmonter l’immunité au changement générée par la remise en question du cœur identitaire? Tant qu’il n’aura pas une théorie sur cette question, le corporate hacking ne pourra pas être autre chose qu’une approche tactique. Utile et nécessaire, certainement. Suffisante, probablement pas.

Et ce n’est pas leur reconnaissance officielle en cours qui améliorera les choses. Si en effet les hackers deviennent officiellement reconnus, de quoi parle-t-on? On nage alors en plein paradoxe: un rebelle salarié par celui qu’il combat, mandaté pour être hors mandat, détournant des moyens mis à sa disposition pour être détournés, changeant l’organisation à l’insu de son plein gré… que reste-il de la notion de hacking?

On pourra dire « Oui mais c’est mieux que rien. » Mais rien n’est moins sûr. Pour avoir connu plusieurs cas directs, je sais d’expérience qu’attaquer l’organisation par la face Nord n’est pas sans danger personnel: ce qui guette malheureusement mes amis hacktivateurs, c’est l’épuisement, la frustration et le ressentiment. Combien de temps en effet peut-on rester bienveillant en prenant des coups au nom d’une cause qui n’est pas la vôtre, tandis que vos copains s’éclatent dans des startups à 200m de vos bureaux? Le risque est grand que cet échec soit alors mis sur le compte de l’incapacité des grandes organisations à changer alors que dans ce cas précis il tiendra d’une méthode inadéquate.

Voir mon article précédent Innovation et transformation: la méthode, c’est vous.

30 réflexions au sujet de « Transformation: votre entreprise ne sera pas sauvée par le corporate hacking »

  1. Bonjour,
    Un « corporate hacker », c’est avant tout un individu qui n’a pas à justifier chaque heure de son temps dans le cadre de projets figés au sein d’un ordinateur. C’est quelqu’un qui, s’il trouve son PDG agonisant dans un couloir, peut se permettre de prendre le temps de le secourir sans se retrouver en difficulté à la fin du mois devant une grille de saisie « conviviale » qui lui renvoie en boucle le message convivial « code manquant ou non valide – saisie refusée ».
    C’est à dire, dans une grande entreprise, 95% des gens. C’est peut-être pour cela que les PDG ne quittent jamais leur étage-à-moquette? Ou du moins pas sans escorte…

    1. Je voulais dire, bien entendu, que 95% des gens sont d’emblée exclus des « corporate hackers » potentiel par ce « minuscule détail » qui ne saurait être digne de l’intérêt d’un Grand Penseur.

  2. Bonjour.
    Article et site (que je découvre) très intéressants.
    La nécessité d’une organisation autonome pour développer une invention de rupture est assez ancienne, je pense. N’est-ce pas ce que recouvre le concept de « skunk work  » ?
    Bien sûr, je ne parle pas ici d’imaginer une invention ni de décider de la tester mais de la tester/développer, ce qui laisse de côté tous ce qui se passe entre imaginer une invention de rupture || (pré)évaluer son potentiel d’innovation || décider son développement.

  3. Vous opposez dans votre article les DG et les collaborateurs qui leur sont hiérarchiquement rattachés. Or une transformation est avant tout un travail de l’équipe « entreprise » dans son ensemble! Si la DG a l’initiative de l’impulsion et de la direction, elle ne peut imposer l’engagement des autres parties prenantes. Elle a besoin de relais à différents niveaux pour réussir toute transformation, c’est là que les intrapreneurs peuvent intervenir parmi d’autres. Avec le soutien de leur DG et idéalement de leurs managers, ils sont en mesure de progressivement déclencher par effet domino la transformation. Raphael TROBIES, ex intrapreneur de Thalès devenu entrepreneur, l’explique dans un post Linkedin:
     » ⚠️[ATTENTION ATTENTION] ⚠️
    Je commence à lire que l’intrapreneuriat ne fonctionne pas parce que c’est dur, qu’on ne laisse pas la place, qu’on demande du ROI direct, qu’on doit en faire plus que son job…

    L’intrapreneuriat est une notion assez ancienne mais prend une nouvelle forme comme le fait l’entrepreneuriat grâce à l’évolution du numérique et des changements sociétaux associés.

    Mais ce n’est pas parce que l’on en parle + que c’est facile !
    Comme le disait le philosophe Fabe : « jamais dans la tendance, toujours dans la bonne direction »
    Si vous voulez être intrapreneur parce que c’est à la mode, je vous conseille de passer votre chemin, parce qu’il va vous falloir bcp, bcp de conviction et de résilience pour changer votre entreprise « qui a toujours fait comme ça » et lancer votre projet « qui ne sera pas rentable dès Q1 de l’année n+1 ».

    Seulement si vous tenez bon, vous ouvrez la voie à ce qui me semble être le vrai futur de l’entreprise : un écosysteme entrepreneurial interne vertueux qui ne rendra pas plus facile d’intraprendre mais qui le favorisera largement car cela deviendra le moyen principal de création et de production, où tout le monde aura sa place, porteurs de projets ou non.

    En attendant, y’a du boulot, donc petit rappel : https://www.slideshare.net/humanaa/wannabe-intrapreneur-vs-intrapreneur-77060713?trk=v-feed&lipi=urn%3Ali%3Apage%3Ad_flagship3_profile_view_base_recent_activity_details_all%3BSB9A7PXHSWKzb7gAPJNAuw%3D%3D« 

  4. Je vous cite: « Deux échanges m’ont donné récemment matière à penser sur la capacité presqu’infinie que peut avoir un dirigeant à se mentir à lui-même, et donc aux autres, pour ignorer une réalité désagréable. » https://philippesilberzahn.com/2017/01/23/innovation-de-rupture-tout-va-tres-bien-madame-la-marquise/
    Un exemple de transformation menacée dans un secteur disrupté par des concurrents étrangers audacieux et agiles, les lanceurs spatiaux: https://www.cfecgc-arianegroup.org/newsletter/newsletter.php?id=245 Eu égard à la source et au décalage entre le contenu de l’article et la communication officielle de la direction de ce groupe, il apparait que la base est en désaccord avec au moins une part de la chaine hiérarchique (dont sa DG) qui doit selon vous transformer une organisation dans un monde qu’elle ne semble pas vraiment comprendre. Ce cas est loin d’être unique.

  5. Votre article est excellent.
    Seule remarque, il n’y a pas vraiment de volonté de transformation surtout de la part de la direction générale. L’impression de volonté vient de la communication et du jeu politique qui se déroule à ce niveau.

  6. … pour continuer à l’alimenter les fondations du concept de Corporate Hacking, on peut aller creuser du côté de la thèse d’Olivier Babeau sur le thème de la transgression ordinaire (on retrouve un peu la patte de Norbert Alter qui est dans son jury):
    Le manager et la transgression ordinaire des règles : le cas de sociétés de conseil en management (2005) – https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00145852/document

    Résumé : La littérature en sciences de gestion montre que les pratiques transgressives sont présentes dans toutes les organisations. Un type d’écart à la règle a été insuffisamment traité toutefois : les transgressions quotidiennes, connues de tous et accomplies par tous, qui sont d’une gravité limitée mais jouent un rôle à part entière dans le fonctionnement de l’organisation. Notre enquête de terrain cherche à mettre en évidence l’existence de cette transgression que nous nommons  » ordinaire  » à travers le cas des métiers du conseil en management. Nous constatons qu’il existe dans ces métiers une forme de transgression qui se présente comme une sorte de mise en scène convenue de la réalité qui permet aux consultants de concilier les exigences contradictoires imposées par son environnement. Ce décalage présente les caractéristiques de la transgression ordinaire : une pratique permanente, quotidienne et répandue, d’une gravité limitée, qui joue un rôle dans le fonctionnement de l’organisation.

    1. Là encore très bonne référence mais je réfute l’idée de poser qu’il faut transgresser pour transformer. Je dirais même le contraire. On ne peut transformer que si on aime. L’idée de transgression repose sur l’opposition à l’autre, au système. On se pose en contre. Il ne faut pas se poser en contre, il faut se sentir dedans.

  7. … pour tenter de prendre des références moins martialo-jupiterriennes, j’ai découvert récemment le concept de « Slack », non pas l’application qui fait un tabac dans les entreprises à la tête de la dernière mode numérique, mais le concept introduit par Cyert et March dans années 60 (R.M. Cyert, J.G. March (1963), A behavioral theory of the firm, Prentice Hall.) dont une définition est : « Organizational slack is that cushion of actual or potential resources which allows an organization to adapt successfully to internal pressures for adjustment or to external pressures for change in policy, as well as to initiate changes in strategy with respects to the external environment ».
    Je retrouve très bien la définition « bienveillante » du « Corporate Hackers » derrière cette notion de Slack, et on pourrait imaginer d’inventer un autre nom « Corporate Slacker » 🙂
    Quelques articles qui illustrent ce concept:
    http://www.strategie-aims.com/events/conferences/15-viiieme-conference-de-l-aims/communications/2348-slack-organisationnel-et-innovation-application-au-secteur-hospitalier-public/download (source qui donne la définition du slack)
    https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2012-2-page-59.
    Depuis les travaux de R. Cyert et J. March (1963), le concept de slack organisationnel (le mou ou le superflu dans une organisation) influence de nombreuses recherches dans plusieurs disciplines. Source de performances pour certains et excédent illégitime pour d’autres, ses rôles peuvent s’avérer contradictoires voire inattendus. D’une part, il favoriserait l’innovation en donnant des espaces de liberté aux créateurs (L. J. Bourgeois 1981 ; J. O’Brien 2003 ; R. Martinez et K. Artz 2006). D’autre part, il correspondrait à des marges de manœuvre de coalitions allant à l’encontre d’une rentabilité optimale (K. Merchant 1985 ; C. Chow et al. 1991 ; A. Dunk et H. Nouri 1998). Enfin, il permettrait de réagir à des évolutions imprévisibles de l’environnement (K. Merchant 1985 ; B. Mascarenhas et D. Aaker 1989 ; J. Pearce et S. Michael 2006).

    Finalement est-ce que les corporates Hackers ne seraient pas un nouveau nom d’un concept très ancien remis au goût du jour par la culture digitale?

    1. très bonnes références, vous avez des lettres! le slack est un espace de possibilités, certes mais je ne crois pas que le concept apporte grand-chose en ce qui concerne la transformation des organisations; c’est au contraire à ce qu’elles font, et non à ce qu’elles ne font pas (slack) qu’il faut s’intéresser et d’où il faut partir.

  8. Bonjour Philippe,

    Voici un article qui complète en quelque sorte le votre: https://www.linkedin.com/pulse/les-dirigeants-dentreprise-face-aux-d%C3%A9fis-de-la-lamirault-fabrice/?trackingId=vMD8uslSvj8b2wpKO7aIXQ%3D%3D&lipi=urn%3Ali%3Apage%3Ad_flagship3_feed%3B3avGqX%2BdR9CLcLI0UFvkjg%3D%3D&licu=urn%3Ali%3Acontrol%3Ad_flagship3_feed-object

    Le digital entraine le renforcement de la circulation de l’information via les réseaux humains, via des outils comme les RSE, sans prise en compte de la hiérarchie, ainsi qu’une accélération du business dans un monde de plus en plus incertain. Les intrapreneurs, que je dissocie des corporates hackers dans le sens où ils sont capables d’imaginer et de monter de nouvelles activités qui représentent le futur de leur entreprise par opposition aux seconds qui vont améliorer les process et offres existantes, sont des talents qui ne peuvent être qu’intéressants pour les entreprises. Ils cumulent une excellente connaissance des secteurs de leurs entreprises, leurs organisations, avec une capacité naturelle à prendre des risques calculés pour concrétiser avec des moyens limités une « vision » qu’ils ont eut. Cette vision s’inscrit dans le cadre de la stratégie générale de leur organisation, définie par exemple par leur hiérarchie ou collectivement. Ils aiment apprendre des autres (cf. les hacktivateurs) du fait du risque que leurs activités font très souvent peser sur eux (cf. le système immunitaire de l’organisation) et de leur quête de création de valeur individuelle, collective, organisationnelle qui remet en cause de multiples intérêts. Seuls, ils ne sont rien. Ils n’ont d’ailleurs jamais affirmé œuvrer seuls. En revanche, ils savent de façon intuitive ré-inspirer, créer l’adhésion, organiser et trouver des moyens pour créer de nouvelles choses dans l’intérêt de leur entreprise, avec les soutiens qu’ils ont obtenus. Cela en fait par contrecoup des éléments intéressants si l’on veut transformer une organisation (management par point de bascule) ou améliorer performances, agilité et innovation (management sans budget, à l’image de Space X). Alors que le mot « innovation » est parfois aujourd’hui mis à toutes les sauces pour servir la communication et le marketing des organisations, gageons que les concepts de corporate hacker et d’intrapreneurs ne subiront pas le même sort. Les sauveurs super héros n’existent pas, de même que la méthode unique permettant de transformer, avec un résultat défini par avance et un coût fixe, une organisation par essence imparfaite du fait de son humanité.

  9. Merci Philippe pour ce post au titre accrocheur.
    Certaines entreprises en grandissant passent de Risk taker à Risk manager, et le terme même d’entreprise (vous avez dit « entreprendre » ?) évoque plus la baleine perdant peu à peu sa capacité motrice « prise entre » des filets. Alors viennent en tête les mots inertie, immunité, 1000-coupures… et on ne compte plus les métaphores sur le sujet à base de barbarie, laiterie, yogi ou d’ichtyologie.
    Les barbares alors passent détruisant les villages corporate. Un business model c’est comme un yaourt, ça a une date de péremption. Des années de musculation quand aujourd’hui la mode est au yoga ça pique. Le temps où les poissons les plus gros mangeaient les plus petits à laissé place à celui où les poissons les plus rapides croquent les plus lents….

    Certes une opposition frontale sera rarement fertile comme le décrit si bien Bernard Werber dans Le Livre du voyage (https://goo.gl/fNrurJ).

    Mais une fois le constat fait et armé de sa métaphore préférée, on fait quoi ?

    On comprendra que c’est à chaque structure, chaque culture, de trouver sa recette. En ça le partage d’expérience est plutôt constructif et d’ailleurs essayer n’est-ce pas déjà se mettre en action et taquiner la centrale inertielle, vu qu’il n’y a pas de solution toute faite sur les étagères ?

    Faut-il réformer de la traditionnelle R&D au profit de l’E&S (Experiment & Scale), glissant de l’extension de portefeuille produits à la mise en place darwinienne d’un portefeuille de business models (cf. 3M, Amazon, Alibaba) ?
    Faut-il se faire accompagner par des barbares bienveillants comme le propose Whyers ?
    Ou alors appliquer les 13 règles du Corsaires de Sieur Méda (https://goo.gl/ugSnU4)
    (Ré)Animer l’intelligence collective en capitalisant sur les bonnes volontés locales ?
    Recruter à la caméra thermique pour réinjecter dans l’entrepr… la firme de la capacité motrice et favoriser une restoration de la cinématique ?

    En terme de métaphore en « navigologie » en évitant le canot j’ai adopté la posture du remorqueur rattaché au porte container par un élastique qui va explorer et revient rapporter les apprentissages pour influer sur la structure et la direction https://goo.gl/Qjujtu

    P.S. en en routine quotidienne, boire un verre de jus de proton au petit-déjeuner :o)

  10. Le canot peut-il grossir suffisamment pour récupérer un majorité de « assets » du bateau qui coule ? ou alors le bateau qui coule va vers un destruction créatrice comme le suggère Alain ?

  11. Le « hacking » n’a rien d’hostile, et être un « hacker » n’est pas être hostile.
    Le mot a été déformé dans certains usages, mais un « hacker », c’est un bidouilleur, pas quelqu’un qui fait du mal.

    1. Certes mais quand-même, cf Larousse: Personne qui, par jeu, goût du défi ou souci de notoriété, cherche à contourner les protections d’un logiciel, à s’introduire frauduleusement dans un système ou un réseau informatique.

      1. Je ne suis pas sûr que le Larousse intègre la définition la plus générique du terme Hacking.

        Voir à ce sujet l’histoire du Hacking au MIT : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Hacking
        Aux environs de 1960, les termes hacking et hacker sont introduits par le MIT. Ils désignent le fait de bidouiller et d’expérimenter pour le plaisir.

        Le MIT fait d’ailleurs une distinction entre « hacker » et « cracker » sur le site du musée des hacks, tradition du MIT depuis des dizaines d’annees:
        http://hacks.mit.edu/Hacks/misc/faq.html
        Aren’t hackers the people that break into computer networks?
        Maybe to the rest of the world.
        Many of us at MIT call those who break into (crack) computer systems « crackers. » At MIT, a « hacker » is someone who does some sort of interesting and creative work at a high intensity level. This applies to anything from writing computer programs to pulling a clever prank that amuses and delights everyone on campus.

        https://www.wired.com/2013/03/mit-hacks/

      2. Certes Edouard mais on ne va pas se lancer dans une discussion sémantique, non? Je suis reparti de l’acception actuelle dans le contexte de transformation des entreprises.

  12. Juste pour vous signaler de petits problèmes de forme :
    1) Conception du super-héro: ==> héros
    3) Mise en dehors de l’équation: ==> 2)
    4) Croyance en la vertu transformatrice du projet: ==> 3)
    Merci pour vos articles.

  13. Vu d’une boite qui cherche à pas se Kodakiser, quelle serait une meilleure direction?
    visiblement pour l’employé ce serait le départ ? et pour la boite, attendre la mort en exploitant son modèle moribond jusqu’à la lie?

    pourquoi pas, ce serait logique dans l’esprit « destruction créatrice ».

    les faits récents me rappellent le thème de Fondation et Empire.
    Un système qui coule, non seulement va dans le mur, mais si un héro surhumain arrive à changer la donne et changer la direction du vaisseau historique hors du crash, le système lui même qui a mis le vaisseau droit dans le mur, va consciencieusement le remettre dans l’axe du mur, et neutraliser le héro.

    Si on va dans le mur ce n’est pas par hazard mais parce que sa centrale gyroscopique nous impose d’y aller.
    Ce qui a construit une société dans l’ancien monde y à installé cette centrale gyroscopique qui est installé dans chaque employé, chaque modèle économique.

    pour s’en sortir il faut détruire en partie le vaisseau, détruire sa centrale inertielle (attaque externe ou terrorisme interne), avec des pertes humaines, territoriales et matérielles, ou alors comme Fujitsu l’exploiter pour passer au raz du trou noir sans la violer, et éviter la disruption.

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