Intelligence artificielle: Votre prochain concurrent est un Centaure

Alors que beaucoup pensent que le développement rapide de l’intelligence artificielle et de l’automatisation mettra fin au travail, la réalité sera probablement beaucoup plus nuancée. C’est ce que montre l’expérience de Garry Kasparov, premier champion du monde d’échecs battu par un ordinateur. Les expériences qu’il a menées depuis dans le monde des échecs suggèrent que le grand enjeu de l’intelligence artificielle est la collaboration intelligente entre l’homme et la machine. Cela vaut également pour l’entreprise.

Le 11 mai 1997, Garry Kasparov est battu par Deep Blue. Pour la première fois, un champion du monde d’échecs est défait par une machine. Kasparov dira plus tard qu’il a été battu par un réveil matin sophistiqué, utilisant la force brute, mais il n’empêche, le coup est rude et le champion est sonné. Depuis, les ordinateurs ont fait des progrès et battu les champions humains de Go, un jeu nettement plus complexe où la force brute n’est pas opérante car le nombre de combinaisons est simplement trop grand pour être calculable.

Kasparov n’en est pas resté là. Piqué au vif par la défaite, il s’est intéressé aux ordinateurs et a développé toute une nouvelle branche d’échecs, qu’on appelle les tournois hybrides. Dans ces tournois, plutôt que d’avoir des humains luttant contre des machines, ce qui n’a plus d’intérêt, ce sont des équipes d’hommes utilisant des ordinateurs qui luttent les unes contre les autres. Chacun est libre d’utiliser l’ordinateur comme bon lui semble. Là où ça devient intéressant, c’est quand on regarde ce que Kasparov a tiré comme leçon des tournois qu’il a organisés en regardant qui gagne ces tournois. Voici ce qu’il observe:

un humain expert + une machine + un mauvais processus.

est inférieur à

un super ordinateur

qui lui-même est inférieur à

Un humain moyen + une machine moyenne + un bon processus

Ce n’est donc pas le super ordinateur qui gagne. Ce n’est pas non plus l’expert. Au contraire, ce qui fait la différence, c’est le processus, c’est à dire la façon dont l’humain moyen doté d’une machine moyenne utilise cette dernière. Ce qui fait la différence, c’est donc la façon d’utiliser l’informatique, pas l’informatique elle-même, si puissante soit-elle.

Avec cette observation, qui relativise la croyance en la toute puissance de l’ordinateur, Kasparov conclut que l’avenir va faire émerger ce qu’il appelle des Centaures, créature mi-homme, mi-cheval de la mythologie grecque. Un Centaure est un couple homme-machine constitué et fonctionnant de façon à ce que chacun tire le meilleur parti de ses spécificités.

En soi cela n’a rien de nouveau: depuis l’aube des temps, l’homme utilise la technologie pour faire plus et mieux, mais cela a principalement concerné la force brute jusqu’ici. Avec l’ordinateur, et plus encore avec l’intelligence artificielle, cela concerne maintenant l’intelligence. Steve Jobs considérait ainsi que les ordinateurs sont des « bicyclettes de l’esprit ». Le résultat de Kasparov sert à rappeler que la puissance technologique en elle-même n’est rien. C’est rarement ceux qui ont les meilleurs outils qui gagnent, mais ceux qui savent le mieux s’en servir. A l’heure d’une phobie généralisée d’un monde de machines, le résultat vaut d’être rappelé.

Il se pourrait donc bien, si l’on transpose ce résultat à l’entreprise en général, que la répartition des tâches entre l’homme et la machine, et plus généralement la capacité à créer des processus mêlant efficacement l’un et l’autre, devienne un avantage concurrentiel-clé dans les années à venir. L’entreprise qui gagnera sera celle qui saura créer la bonne association homme-machine, pas celle qui aura les machines les plus puissantes. La création de cette association a évidemment des implications stratégiques et humaines: elle pose la question du rôle des RH et de leur capacité à recruter et former des collaborateurs centaures dès maintenant. A ma connaissance, très peu de DRH ont même commencé à se poser la question.

Votre prochain concurrent sera sans doute un Centaure, ou une entreprise composée de Centaures. Êtes-vous prêts?

➕Plus sur l’IA: Évaluer le potentiel de ChatGPT: Sept leçons d’histoire de l’innovation; Faut-il avoir peur du plan chinois d’intelligence artificielle?

🇬🇧 L’article en anglais ici.

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33 réflexions au sujet de « Intelligence artificielle: Votre prochain concurrent est un Centaure »

  1. À AlainCo : Pourquoi tant de haine ? Un chauffeur de bus, c’est un peu comme un être humain, non ? Bon, je serai moins affirmatif dans le cas du technocrate qui a décidé de mélanger autobus et vélo sur la même voie « réservée ». Et je connais moultes pistes cyclables incluant des passages périodiques dans l’hyper-espace 😉 Par exemple croisement de voies, poteaux EDF/FT ou panneaux d’affichage municipaux coupant la voie « juste sur 1 m », voiture de « tartineurs de pare-brise » et j’en passe.
    Quant à ce Monsieur Forrester, ne serait-il pas légèrement américain ? Ce pays où, m’a-t-on dit, c’est la guerre ouverte entre vélos et autos (jusque là, normal…) mais aussi entre vélos et piétons, avec des cyclistes un peu trop arrogants quant à leurs « droits », réels ou supposés ? Au fond peu importe…

    Mais foin de tout cela. Ce qui est infiniment plus gênant, ce sont les allusions voilées à un génocide de tous les humains qui ne seraient pas « robot-compatibles »… Un génocide gentil et sur la base du volontariat bien sur (avec un petit coup de main de Darwin tout de même)… Mais avec des humains qui « disparaissent » pour faire croire que les robots sont satisfaisant.
    Quant à concevoir des robots qui « lisent » les signaux non verbaux des humains, il n’y a pas d’obstacle insurmontable, mais au prix (à vue de nez) d’un triplement du nombre de capteurs et d’un doublement des capacités cognitives, par rapport aux meilleures performances actuelles. Des robots qui émettent ce genre de signaux sous une forme utilisable par des humains, avec la même vitesse de décision ? C’est plus dur, déjà… Certes, une voiture robot peut apprendre à « tortiller du cul » pour négocier « à l’amiable » un changement de file. Au delà… Et puis les fabricants préfèreront réduire leurs coûts en demandant aux états d’éliminer les non-clients (coup double pour eux) plutôt que de résoudre le problème.

    Quant au respect « strict » du code de la route, c’est un puissant générateur de bouchons dans certains cas. Un stop, une entrée d’autoroute, un rond point cessent totalement de fonctionner quand la circulation est « chargée » si les conducteurs ne prennent pas (un peu) leurs aises avec la loi. Un conducteur (humain ou robot) qui, coincé à un stop, attendrait que « la voie soit totalement libre » avant de passer finirait lynché par la file des conducteurs qui le suivent ! En pratique, après 2 ou 3 voitures, un coup d’œil interrogateur au conducteur prioritaire auquel répond un minuscule signe de tête et un léger ralentissement, et on passe ! Hors la loi ? Oui, et après ? Les policiers évitent d’ailleurs de se montrer dans certains endroits à certaines heures, sous peine de se retrouver à « faire la circulation » pour décongestionner les bouchons qu’ils auront créé par leur simple présence…
    Je vois mal un robot faire ça… Non que ce soit techniquement impossible, mais qui oserait programmer ce genre de chose dans un robot ? Et si ça se savait ?

    Ou alors il faut une évolution fondamentale du transport : site propre (sans humain ni chien ni hérisson ni pneu en feu), absence totale d’aléas (pas de nid de poule, pas de rétrécissement, pas de carrefour « pas classiques »…). D’un certain point de vue ça existe : ça s’appelle le train… Jusque dans les zones résidentielles ou industrielles ? C’est pas gagné.
    Le problème du robot-conducteur c’est qu’il fonctionne « presque ». Et que les conditions pour un fonctionnement correct sont quasi rédhibitoires (ou en limitent bigrement l’intérêt). et que, si ces conditions sont remplies, la complexité des robots-conducteurs ne se justifie plus.

    1. Je n’ai rien contre les humains, mais un humain qui a un service juridique pour le couvrir, une mission pour justifier qu’il s’estime au dessus des autres, et qui est formé pour faire des queues de poisson à un vélo avec remorque bébé (c’est le jeu as t’il dit, expliquant qu’il était formé à ce genre de comportement et d’éthique).
      LEs cycliste moderne ne valent pas mieux qui font dégager les gamins de 5 ans sur leur piste trottoir coincée derrière une arrêt de bus.
      Maitre Eolas expliquait bien comment les gens normaux deviennet de scriminels : l’impunité et une justification morale contre la victime.

      je ne parle pas de génocide, mais comme pour les compilateur de disparition des humains d’une tâche complexe et risquées où ils sont mauvais, et collaborent mal avec les autres composant.
      J’ai encore connu l’époque ou on compilait à la main, où on repassait derrière le compilateur. et puis les processeurs se sont complexifiés, pipelinés , spéculatifs, superscalaires… le génie aujourd’hui est de concevoir des compilateurs et des compilateurs de silicieums et peut être même de concevoir l’architecture du processeur et de son compilateur de silicium pour communiquer avec les compilateurs logiciels. Un elogique de centaure.

      la conduite est l’une des activité les plus complexe et des pilotes d’avion ‘on expliqué que leur job était plus technique, plus engageant coté vie et matériel, mais que la route en ville c’est bien plus compliqué (et heureusement qu’on de plante pas 250 passagers à chaque tôle froissée, ou refus de priorité).
      L’une des raison de la complexité, spécialement en france, est dans la théorie de l’autre sous contrainte d’optimalité. Du poker en gros, et si les robots conducteurs arrivent à jouer cartes ouvertes , à pré-négocier leurs actions en communiquant mieux (on communique très mal en autor, ni mersi, ni désolé, ni s’il vout plait, ni au secours, just Droite, gauche, pouette et flash) alors on peut accélerer tout, prévoir mieux, rendre juste et équilibré, voir donner priorité à celuis qui en a le plus besoin, le plus les moyens (genre payer pour prendre la priorité).

      un humains dans ce jeu de carte ouverte entre gentlemen, serait comme l’arrivée d’un pirate dans une réunion du rotary club.

  2. Plus besoin de migrants, les robots s’en chargent ! 3 exemples parmi des milliers (hélas pour la France la portion congrue :
    http://sciencepost.fr/2018/01/robots-constructeurs-revolutionnent-lindustrie-batiment/
    https://www.youtube.com/watch?v=5bW1vuCgEaA Fastbrick Robotics: Hadrian X Digital Construction System
    https://www.youtube.com/watch?v=sCU_iArepAU Comment la robotique mobile rend possible la construction d’une maison en impression 3D

    1. Migrant ou pas, je ne pense pas que le distinguo soit pertinent… quant au robot-constructeur, il faut d’abord des humains pour dégager le site du chantier, marquer les limites de construction, terrasser pas mal (et poser des canalisation et des fourreaux), manutentionner les matériaux, descendre le robot du camion et le positionner à son point de référence. Puis, à partir de là, ça va effectivement très vite (encore que… l’insertion des linteaux, des planchers, des escaliers etc. ne m’a pas paru très claire). Ce qui (déjà) est la règle en matière de gros œuvre. Bon, on saurait faire mieux, mais en l’état c’est un peu survendu.

      Et le manutentionnaire de parpaings deviendra manutentionnaire de toupie de béton. Migrant ou pas, pas mieux payé, mais avec un emploi.

      Plus généralement, il y aura toujours (ou du moins longtemps) besoin d’humains pour les besognes mal payées dans des domaines non structurées. Notamment ce que l’on nomme hypocritement le « service à la personne » (ça existe, des vieux qui accepteraient de gaité de cœur de se faire retourner dans leur lit par un tracto-pelle, fut-il fonctionnel ? Ou pire ? Évidemment, on pourrait « faire disparaitre » les vieux qui, pas assez modernes, ne seraient pas robot-compatible… mais discrètement alors…

      Par contre, on peut s’attendre à ce que la caste des architectes souffre quelque peu… Respect des règles et règlements de résistance mécanique ou thermiques, d’urbanisme, écologiques, etc. etc. : quelques (dizaines de) milliers de règles plus ou moins contradictoires, tout à fait à la portée d’un système expert, avec une AI pour l’interface. Pas de chance : c’était l’argument « rationnel » pour « justifier » l’obligation de passer par un architecte pour tout bâtiment plus grand que la « cabane au fond du jardin ». Et je ne crois pas qu’il s’agisse d’un métier « riche en migrants ».

      Pour voir les choses de plus haut, les « futurologues » des années 60-70 nous avaient promis la « civilisation des loisir ». Nous sommes sur le point de l’avoir, mais nous la nommons « chômage de masse ». Cherchez l’erreur…

  3. C’est encore et toujours de l’effectuation, ça, non ? Ce ne sont pas les moyens (argent, Idée, force de calcul ou intelligence) qui déterminent l’éventuel succès d’un entrepreneur, mais sa façon d’agencer le peu qu’il a.

    J’aime bien le contre-pied avec la mythologie de ‘la boîte noire’ (que j’attribue d’expérience à un tropisme américano-américain), chère aux partisans absolus de l’IA : comment ça marche on ne sait pas, mais ça fait tout vous pouvez en être sûr ! Qu’on m’explique, un jour, le Watson d’IBM…

    Merci pour l’article comme d’habitude, et longue vie aux Centaures.

    NB: attention aux citations hors contexte : ‘C’est rarement ceux qui ont les meilleurs outils qui gagnent, mais ceux qui savent le mieux s’en servir. ‘ Ou bien vous êtes allé jusqu’à mettre un piège à chatbot dans le texte pour tester leur IA ? 😉

  4. c’est plus facile de faire baisser le coût du travail rapidement avec un immigrant que de se casser la tête à fabriquer des robots . . . mais il est probablement trop tard !

  5. À Gilles Fabre : « Les centaures existent, ce sont les informaticiens »
    Quand on y pense, ça fout les jetons, hein ?

    Et à tous: Quand on voit les brillants ratage de (presque ?) tous les grands logiciels qui nous imposent leur loi, qui s’auto-proclament « conviviaux » et « ergonomiques » comment certaines dictatures se disent « démocratiques » et « populaires », franchement, ça ne donne pas envie. Des « centaures », cette bande de bras cassés qui suivent un cahier des charges stupides sous les ordre de chefs pour qui seul compte son Planning majuscule ?

    Ce qu’on nous prépare, ça risque de ressembler à de la stupidité artificielle… Les symptômes sont là, par milliers, pour qui sort un peu de sa bulle : le robot de la poste qui propose d’acheter des timbres, mais est ensuite incapable, tant que l’on n’a pas cliqué sur « je paye avec des pièces », d’établir le lien avec le fait que si on lui met des pièces, c’est avec l’intention de payer : non seulement le concepteur-crétin pense comme un automate séquentiel, mais il veut nous contaminer ! Le distributeur de café qui, une fois le café choisi dans 3 niveaux de menus et les sous mis dans la fente, demande si on le veux, ce café (pour afficher un « veuillez patientez » que personne ne peut corriger). Le robot téléphonique qui dit (avec un peu plus de lubrifiant oratoire) ‘Bienvenue à la banque Machin, personne ne vous répondra, allez vous faire f… ».
    Le supplice des mille coupures… Mais certaines tournent à l’hémorragie : demandez aux militaires, aux auto-écoles, aux vendeurs de voitures, aux bacheliers (il parait que « demain on rase gratis »).

    Demain, ces applications vont rester aussi stupides. Parce qu’elles sont « logiques » dans la tête de celui qui les a conçues ou spécifiées (une expérience « extrême » ? entendre un informaticien expliquer pourquoi il a eu raison de se tromper : « bon, d’accord, ça ne marche pas, mais c’était logique de faire comme ça » ; un des cas les plus ancien que je connaisse date des débuts du microsoft PC : « clavier absent, appuyez sur la touche F1 ». Vu de l’intérieur du code, c’est parfaitement logique. Vu de l’utilisateur, les softeux se sont couverts de ridicule…

    Le sens du ridicule : voila ce qui risque de disparaitre avec l’émergence de l’AI. Une décision d’AI pourra être ostensiblement crétine, il n’y aura pas de solution pour s’en dépêtrer. Certes, il y a des cas intéressants chez les « décideurs » humains, et la « tactique de la grosse colère » (usuelle chez les fisqueux ou les juges pris « la main dans le sac ») est une valeur sure : le fisqueux du Morbihan qui envoyait lettre de menace sur lettre de menace à une dame décédée depuis des années a eu beau évoquer ses « soupçons de fraude fiscale » indéfinis, il ne s’en est pas moins ridiculisé devant la France entière. À sa place, un robot aurait continué. Pour cause de décision « logique » de son moteur d’inférence.

    Sur un mode plus léger, combien de gens ont reçu des réclames de Google sur le sujet sur lequel ils viennent de finir de se renseigner, et par conséquent sur lequel ils n’ont plus besoin de rien ? J’en viens même à me demander si Google ne fait pas payer le fait de _ne pas_ envoyer de réclame intrusive, de nature provoquer le rejet de la marque concernée… Mais c’est peu probable : les logiciels de stupidité artificielle ne sont pas « tordus » pour y « penser »…
    C’est une question de temps : dans les métiers du Digital, le proctologue a de l’avenir (il fallait bien que je le case ;-))

    Alors, condamnées les applications d’IA ? Le pire est que non : il y a partout des chefs (peu importe le niveau, de toutes façons récursif) qui ont besoin, pour leur carrière, que « ça marche ». Donc, « ça marche ». Et en cas de petits problèmes, ce sera la faute de l’utilisateur. Ou d’un autre service. En cas de vraie catastrophe, on « déclenchera un audit » pour « fiabiliser », des ministres gesticuleront un peu, et il sera « trop tard pour revenir en arrière ».

    Un dernier point avant d’en finir (ou, je sais, c’est long ; mais les grandes envolées théoriciennes ont parfois besoin d’être confrontées aux « misérables petits faits » qui, parfois, les tuent ; du moins si le processus de décision est juste et rationnel, ce qui n’est pas le cas ici) : l’AI (comme, plus généralement, la modélisation numérique) a un fort potentiel de sclérose, car des décideurs soucieux d’organiser leur irresponsabilité risque de refuser toute solution (technique, organisationnelle, etc.) qui ne pourrait être « validée par la machine » pour cause d’innovation (les moteurs d’inférence des AI se bornent à « accumuler du passé » pour leurs décisions).
    Par exemple, un architecte Suisse, pionnier du ciment armé (fin XIXème début XXème) avait trouvé des solutions (évider les zones à faible effort, faire « travailler » le parapet…) permettant d’alléger la structure des ponts, qu’il proposait donc à un prix défiant toute concurrence (alléger un pont, c’est gagnant-gagnant…). Ses « chers collègues » ont voulu l’éliminer des marchés publics (c’est fréquent pour bâtir un pont…) parce que ses ponts n’étaient pas « calculables » selon les méthodes de l’époque (il utilisait la strioscopie sur maquettes, ce qui donne de jolies images… encore qu’à l’époque la photo était N&B). Transposé à maintenant, ça donnerait : « l’AI dit qu’on ne peut rien conclure quant à la tenue de ce pont donc on refuse pour ne pas être responsable ».
    Le même phénomène de manquera d’ailleurs pas de se produire dans des tas de domaines (octroi de prêts, témoignage judiciaires, embauches…). L’union mortelle de l’incompétence et de l’irresponsabilité…

  6. À AlainCo : on pourrait tout aussi bien comparer les approches françaises et allemandes durant les « 30 glorieuses » et leurs besoins en capacité de travail : immigration massive et main d’œuvre à faible coût en France, vs automatisation, hauts salaires et immigration limitée en Allemagne.
    Avec des conséquences à long terme que n’importe qui pouvait prévoir à condition de voir plus loin qu’une carrière de « chef ».

    1. effectivement.
      Le japon aussi, qui culturellement refuse l’immigration.
      A noter que l’immigration n’est pas un problème, mais c’est celle dont le seul but est de baisser le coût du travail, d’éviter de transformer le travail en capital.
      A mon avis, si on éduquait efficacement nos immigrants (augmenter leur capital savoir, et donc leurs salaires), vu leur motivation, on aurait presque une croissance chinoise, mais on préfère leur faire porter des parpaing, cueillir des cerises ou servir des sandwich…

      1. On s’écarte un peu du sujet mais promis après j’arrête…
        Un autre élément c’est la politique de de Gaulle qui, pour des raisons gauliiennes, a toujours privilégié les « grands projets », inaugurables par un ministre. Nucléaire, aviation (militaire), fusées : toutes choses interdites aux deux grands vaincus de la guerre, Allemagne et Japon, qui se sont « limités » à des « petites choses d’importances secondaire ». L’apothéose aura été l’humiliation du premier ministre japonais : « je ne mange pas avec un marchand de transistor ».
        Or, l’ingénieur ou le technicien sont des ressources critiques : coûteux à former, même à partir d’un « socle » technique diffus dans la population (un pays a-technique formera plus facilement des physiciens que des ingénieurs), ayant besoin de « tuteurs » et d’un environnement « riche en opportunités techniques » pour passer de « diplômé » à « expert » (la meilleure formation ne saurait produire que des « suiveurs », le savoir « de pointe » des « leaders » n’étant pas assez formalisé pour être enseigné). Aussi méprisés soient-ils dans les faits (un ingénieur dont la belle-mère dit qu’il a « réussi », c’est qu’il a changé de métier, devenu manager, commercial ou financier…), il s’agit d’un petit nombre de gens, qui ne saurait être partout.

        Et voila comment la France a eu d’incontestable succès de politique industrielle, fabriqués avec des machines outils allemandes et fonctionnant grâce à des composants Japonais (quand ils acceptent de nous les vendre car ils ont quelques principes…).

        Former des immigrés ? cela aurait été contraire à la doxa universelle de l’immigration : « les immigrés ne volent pas le travail des nationaux, car ils font les travaux mal payés que les nationaux refusent ». Règle supposée intériorisée par les principaux concernés…
        La situation est différente avec les réfugiés, car on a affaire à des pays qui se vident de leurs élites techniques et intellectuelles pour cause de persécutions. L’effort de formation est donc beaucoup plus faible.

  7. Que donnerait une partie entre le meilleur ingénieur de deep-blue, sans doute un peu amateur d’échecs, aux commandes de ‘son’ logiciel, contre la dernière génération d’IA non tutorée ?…. Les centaures existent, ce sont les informaticiens, et ils travaillent à produire des meta-centaures, les IA, qui produiront et piloteront des machines dotées d’algorithmes ‘conventionnels’. La question n’est donc pas de savoir qd le travail disparaîtra, mais à quel rythme et comment la société s’adaptera.

  8. Je suis d’accord avec la vision Centaure. Elle parait la plus juste pour le moment, comme pour l’avenir, sauf à rêver d’un « transhumanisme », idéologie qui tient plus de la foi/croyance que de la réalité technique présente comme future.

    Reprenons les faits:
    – La machine mécanique (jusqu’à nos jours) est une augmentation-extrapolation de la force physique humaine. Elle augme la capacité de production des individus et l’on ne s’en plait pas (ou plus).
    – La machine informatique ou automate informatique augmente-extrapole la capacité cognitive, essentiellement mémorielle de l’esprit humain. Elle ne supplante en rien l’intelligence des individus. Car l’intelligence est d’une autre nature que la mémoire.

    On peut fantasmer sur la puissance des algoritmes, mais un algoritme qui fait fonctionner un logiciel est le produit de l’esprit humain. Dans cet algorithme, son concepteur y met sa culture, ses attentes, ses passions, ses aversions. Il est donc la représentation de notre intelligence que l’automate
    informatique exécute sans autre forme d’intention.
    Reste que si l’automate informatique et l’algorithme peuvent exécuter des tâches répétitives (par ex, correction de fautes de frappe), il me soulage de faire appel à ma mémoire (qui n’est pas fiable ni rigoureuse).
    C’est à nous de bien nous servir de ce prolongement d’une partie de notre outil cognitif.
    Cela ne me dérange pas d’être un centaure à la tête bien faite. Pour la tête bien pleine, je laisse ça à la soi-disant « Intelligence Artificielle ». Qui n’a rien d’intelligente puisqu’elle se borne à répéter ce qu’on lui a appris.

    1. Merci. Cela étant dit l’IA est bien plus que simplement de la mémoire. Un véhicule autonome est un bon exemple: le système peut prendre des millions de décisions non triviales tout seul. Il s’agit bien d’un complément de notre intelligence à plein de niveaux.

      1. Mais justement, la conduite automobile est une activité parfaitement robotisée pour les individus. L’IA ne fait que dupliquer ce que nous exécutons par routine, par ce que nous avons appris à conduire.
        Ceci dit, concernant le véhicule autonome, pour avoir échangé récemment avec le CTO d’un grand groupe automobile sur ce sujet, on est encore loin du compte concernant les performances de ce type de véhicule par rapport à l’humain. Mieux vaut parler pour le moment de « conduite assistée ».

      2. Pas facile d’implémenter en IA la communication non verbale entre conducteurs (comportements, contact visuels…). Ça fait bien longtemps que je n’ai pas mis les pneus sur le périf’ ou Place de l’Étoile mais j’ai conservé quelques souvenirs… Rien que les insertions sur une autoroute font l’objet de négociations aussi inconsciente qu’intense (la « courtoisie » des campagnes de « prévention routière » d’antan). Faute d’effecteurs adéquats, une IA ne saurait accomplir ce genre de tâche qu’environnée exclusivement d’autres IA. Et encore, à condition de faire accepter aux autorités que, parfois, l’application stricte du code est dangereuse et nuisible à la fluidité du trafic (les règles internes d’une IA sont auditables, contrairement à celles d’un conducteur).
        Le « coup du Centaure » revient à expliquer au conducteur humain « réveille toi, on arrive sur le périf’, donc dem… toi tout seul ». On sent que les gens seront heureux de payer très cher un objet qui les « lâche » au pire moment. Et puis, être « expert » n’est pas un état mais le produit volatile d’une dynamique. Pour un « expert » lâché brutalement dans les ennuis, sans avoir pu exercer son expertise pour la maintenir à niveau ni avoir pu voir venir la situation, c’est la catastrophe assurée. D’autant que les marchands d’IA feront tout pour n’avoir aucune responsabilité : le « coup du Centaure » sera, en vrai, un procédé pour se défausser de toutes responsabilité sur le conducteur et son assurance.

        Tout ceci n’a rien de théorique. Pour ceux qui l’auraient oublié, c’est une technique éprouvée pour envoyer un Airbus faire un trou dans l’eau de l’atlantique sud quand sa sonde de Pitot se met à geler…

      3. Effectivement la négociation est la base, et j’ai appris la base de la sécurité cycliste avec le livre Efficient Cycling et les articles de John Forester http://www.johnforester.com/articles.htm

        sur le changement de direction il explique bien que la bonne manière de tourner à gauche, n’est pas de mettre le bras aveuglément, mais de regarder derrière à gauche pour échanger un regard et confirmer l’accord réciproque…
        Une IA peut faire ca, et l’accident de google car avec un bus est un de ces accidents de négociation, et viciblement l’IA de la GC supposait pouvoir négocier une coopération douce avec un bus, ce qui est une généralisation de ce qui se fait avec les auto. mais , et ils ont du ajouter cela dans le code, on ne négocie pas avec un moi-je-travaille, chose que j’ai appris à vélo (à la première et 3e personne).

        sinon je ne suis pas pessimiste sur la capacité des IA à conduire, si on leslaisse un peu libre et par exemple qu’on ne les rends pas responsable de la stupidité des autres.
        C’est un peu comme avec les trains, les gens (sous l’exception du Darwin Awatd) se sont adapté à l’indiscutable priorité du train. Pour le moment les crétins s’ammusent à bondir devant les avoiture auto pour vérifier qu’elles freinent. si elles arrêtent de freiner, ils arrêteront de bondir.
        Le fait que les bus n’aient pas plus d’accident malgré leur comportement dominateur et antisocial, montre qu’on s’adapte à tout.

        Forester expliquait bien que le code de la route de base (sans équipement cycliste ni bus) est assez équilibré et marche bien; et propose d’utiliser les règles de ce système pour conduire un vélo (j’ai testé ca marche).

        Un point fort des IA de conduite c’est que
        1- tout sera filmé et les boites noire réduisent de >90% les accidents (test en allemagne lors d’expériences où les boites ont éliminé les 10 accident prévisibles, alors qu’elle n’avaient pas possibilité d’être utilisé en justice). les crétins savent qu’on ne gagnera jamais à tord contre une IA en justice.
        2- toute étant filmé on pourra améliorer le comportement des IA, faire des campagnes pour améliore les humains,
        3- au pire si les IA ont trop d’accident du fait des humains, on pourra dénoncer les humains dangereux et les sortir de la route

        la transition va être brutale a mon avis car rapidement les humains vont être aussi gênantes pour les IA que les charettes à cheval sur les nationales.

  9. Bravo
    C’est limpide, éclairant et inspirant
    Je vous fais suivre sur mon réseau et vous invite à venir regarder et liker nis propositions sur la french road (modèle x-road estonien de la carte à tout faire, sur le socle de l’identité numérique et la confiance digitale)
    Bien à vous
    Emmanuel

  10. Je suis surpris par la deuxième place du super ordinateur.
    En fait, on est en train de dire que les IA ne sont pas parfaites, et tant que l’IA n’est pas complète, il vaut mieux avoir un bon partenariat humain/IA.

    Un jour viendra (mais pas tout de suite) où les IA n’auront plus besoin de nous pour des problèmes fermés comme les échecs.

    1. effectivement c’est là qu’est la surprise; la leçon qu’on peut en tirer est que tout n’est pas affaire de calcul brut, si sophistiqué soit-il. Peut-être la créativité humaine jouera-t-elle encore longtemps un rôle. Mais surtout la capacité à organiser la division des tâches entre l’homme et la machine…

    2. À la base, un « super ordinateur » n’est jamais qu’un ordi à processeur vectoriel (conçu pour travailler sur un vecteur « d’un seul coup »). Par extension, c’est une machine regroupant de nombreux processeurs, eux mêmes multicœurs. Ces machines sont très bien adaptées à des calculs complexes, intrinsèquement parallèles ou dans un espace maillé (et avec un code qui tire parti de ce parallélisme, ce qui n’est pas toujours implicite). Outre que les calculs ne rentrent pas tous de ce schéma (d’ou l’existence du « mode turbo », où l’un éteint tous les cœurs sauf un, ce qui permet de le lancer à pleine vitesse, avec toute la capacité de refroidissement pour lui tout seul), Pour faire tourner un programme d’IA c’est « trop et pas assez à la fois » : pas assez de cœurs trop complexes (et avec des fonctions « basiques » qu’on est obligé de réaliser par programme, donc lentes).
      C’est pourquoi les leaders du domaine que sont Apple et Google ont conçu des processeurs spécifiques (je crois que pour l’instant c’est implémenté en FPGA, tant pour des raisons de coûts fixes que parce qu’il s’agit de machine d’étude, à la conception non stabilisé). Un peu comme cela s’était fait dans les années 80 (beaucoup de promesses, quelques démos « médiatiques », et peu de résultats commercialisables), mais avec un gain de plusieurs ordres de grandeur en matière de performances (nombre d’inférence par secondes).

      Désolé (?) de cette irruption brutale du monde physique dans cette analyse conceptuelle, mais ce genre de comparaison me parait un peu surréaliste, en mode « qui est le plus rapide, entre Fangio et une Porsche 911 ? »

    3. Tout à fait d’accord dans le cas d’un problème fermé. Mais dans le monde réel, aucun problème n’est fermé.

      Que je sache, la démarche consistant à utiliser une partie de son temps de jeu à tirer quelques roquettes antichar (RPG7, que l’on trouve pour une somme modique dans les souks du moyen orient) dans la tripaille de Deep Blue puis appuyer sur le bouton de la minuterie et déclarer la machine perdante une fois son temps de « réflexion » écoulé n’est pas formellement interdite par une quelconque des règles du jeu d’échec, que je sache.

      Disons qu’il s’agit d’une modernisation du nœud Gordien…

      Un système « fermé » ne l’est que parce qu’on lui a fourni une « bulle » l’isolant au sein d’un monde plus grand. Mais une bulle, ça explose !
      Autrement dit, « lâcher » un système d’IA dans le Vrai Monde où l’imprévu est certain, c’est s’exposer à des ennuis.

  11. Je ne suis pas certain de comprendre la notion de ‘processus’ dans l’exemple de kasparov ?
    Fait-il reference à l’algorithme ou à autre chose ?

  12. Intelligence artificielle : ce n’est pas tant une question de puissance de machine mais d’algorithmes permettant à la machine d’apprendre de ses erreurs et de faire évoluer son code interne en quelque sorte (cf. algorithmes neuronaux). A partir de là, plus besoin de l’homme !

  13. juste du bon sens, ca a toujours été comme ca.
    Le premier centaure c’est moi et ma mule.

    Sur Arte (chaine que je hais pour certains docu-p0rn-fear), il y a eu un docu sur les grande ville dont Londre.
    Comment londre est devenue capitale de la finance ?

    tout a commencé par un moyen age où les gens travaillaient dur la terre, rare, pour se nourrir.
    Puis est arrivé la peste noire qui à divisé la population par 2, et donc à doublé le capital foncier par tête.
    manque de bras, il a falu automatiser , et on exploité des robots biotechnologie, les boutons.
    Au lieu de détruire les emplois, les moutons, robots qui s’alimenten tout seuls et entretiennent leur capital foncier,ont créé de nouveaux emplois liés à la laine… et l’industrie textile s’est développée à Londre, tirant la technologie, puis la finance.

    Comment sortir les gens de la famine :
    – augmenter le capital par tête
    – automatiser

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