Le grand méchant MOOC ou la rupture en marche dans l’éducation supérieure

J’ai eu l’occasion d’exprimer dans deux articles précédents pourquoi je pensais que les grandes écoles de commerce étaient en train de subir une rupture profonde de leur environnement. La raison est que leur modèle économique est à bout de souffle et qu’elles se font attaquer de toutes parts, et en particulier par le développement de solutions lignes dites « MOOC » ce qui signifie massive online open courses. En fait il serait plus exact que les MOOC n’attaquent pas directement les grandes écoles, du moins pas encore, et c’est là tout la difficulté. Pour comprendre pourquoi, un petit détour historique s’impose…

En janvier 2000, j’eu une conversation instructive avec un ingénieur d’un opérateur télécom français à propos de la téléphonie sur Internet. Selon lui, ça ne fonctionnait pas. Or que je lui faisais remarquer que je m’en servais tous les jours, il maintenait son jugement que la voix sur Internet, ça ne marche pas. Il m’a fallu un moment pour comprendre que ce qu’il voulait dire, c’était en fait « ça ne marche pas aussi bien que la téléphonie circuit (la techno de l’époque) ». Et c’est vrai qu’il avait raison : utiliser Internet pour téléphoner signifiait coupures, temps de latence, mauvaise qualité, etc. C’était souvent très frustrant.  Mais c’était gratuit. Et pour moi, gratuit c’était fondamental car je n’avais pas les moyens de dépenser 1€/minute pour parler tous les jours à ma future femme à l’autre bout du monde.

Et nous commettons souvent la même erreur que le technicien télécom : nous jugeons la nouvelle technologie à l’aune de l’ancienne, avec les mêmes critères. La téléphonie sur Internet est-elle d’aussi bonne qualité que la téléphonie circuit en 2000? Certainement pas, et de loin ! Mais ce n’est pas en termes de technologie contre technologie qu’il faut raisonner, mais en termes de consommation. La téléphonie internet s’adresse à cette époque à ce qu’on appelle des non-consommateurs, c’est à dire ceux qui ne peuvent pas se payer les appels internationaux. Pour eux, la téléphonie sur Internet est largement suffisante, je peux en témoigner, car c’est ça, ou rien.

Rapporté à notre débat sur les MOOC, ça donne ceci : On me dit que jamais les MOOC ne remplaceront le contact privilégié entre l’élève et le professeur, qui seul permet le véritable apprentissage. A cela je réponds qu’on se moque du monde: j’ai un neveu en première année de médecine. Il y a dans son université environ 1.000 étudiants comme lui, répartis dans trois amphis. Dans le premier, un professeur débite son cours devant 300 étudiants-on me parlera du contact « privilégié » dans ces conditions. Dans les deux autres amphis, son cours est retransmis… sur écran. Cette idée de contact privilégié entre enseignant et étudiant est largement mythique.

Je réponds ensuite que l’enseignement est de facto désormais devenu une corvée dont tout universitaire un tant soit peu raisonnable et qui veut faire carrière souhaite se débarrasser à meilleur compte possible pour se consacrer à ce véritablement sur quoi il est évalué, la publication d’articles scientifiques. Les larmes versées sur la possible disparition de contact « privilégié » sont bel et bien des larmes de crocodiles: et si le plus douloureux, au fond, n’était pas que les MOOC venaient piquer aux grandes écoles quelque chose dont, au fond, elles ne veulent plus?

On me dit aussi « Ah mais les MOOC c’est un mode passif d’apprentissage ». Je réponds à cela que quiconque a passé seulement une heure sur un MOOC n’aura pas manqué de noter qu’il sont certainement beaucoup plus actifs et beaucoup plus sociaux que la salle de classe moyenne somnolente, cachée derrière une forêt d’ordinateurs furieusement connectés à Facebook, que beaucoup d’enseignants côtoient régulièrement. 

Mais malgré cela, les MOOC sont-ils aussi bon qu’un enseignement en salle avec un professeur prêt à répondre à nos questions ? Pas aussi bons que les meilleurs professeurs, sans aucun doute. Mais que les professeurs médiocres ou non motivés par l’enseignement? Ou encore que ceux qui doivent faire face à 300 élèves? Pas si sûr… Dit autrement, on compare les MOOC à une version idéalisée d’un enseignement qui, s’il a jamais existé, a largement disparu.

De toute façon là n’est pas le vrai débat. Car combien d’enfants peuvent se payer un prof dans une salle ? Combien d’adultes peuvent se permettre d’aller en cours à 8h du matin et dépenser 12.000€ par an dans une école de commerce ? 3% de la population cible ? 4% ? C’est aux autres que les MOOC s’adressent. À ceux qui, de toute façon, ne pourront JAMAIS aller dans cette salle de classe tant vénérée, lieu d’un contact « privilégié ». À ceux pour qui les MOOC, ce sera mieux que rien, car aujourd’hui ils n’ont rien. Lisez Mohammed Yunus, le fondateur de Grameen Bank, expliquer que quelques heures d’éducation même mal faite transforment des vies dans un pays sous-développé. Ce serait ne rien avoir compris ni à l’innovation en général ni aux MOOC en particulier que de ne pas avoir compris cela. Avec les MOOC, nous visons ce que le chercheur en innovation Clayton Christensen appelle les « non consommateurs », les exclus de fait du système. Exclus pour cause de ressources (augmentation continue des frais de scolarité qui rendent les études de moins en moins accessibles), exclus pour cause de modalités (pas de cours en soirée, la nuit, pendant les vacances) ou exclus pour cause de particularités (apprendre à son rythme, à sa manière, sans le regard des autres, etc.) Les MOOC visent avant tout ces non-consommateurs, exclus du système. Se focaliser sur le contact privilégié, à supposer qu’il existe, c’est ignorer qu’il existe d’autres dimensions dans le processus d’enseignement, et que celles-ci sont tout aussi importantes.

J’entends également souvent l’argument culturel – Ah les MOOC c’est un truc d’Américains naïfs et obsédés par la technologie. Alors que nous, français, nous ne nous en laissons pas compter et attendons de voir si tout cela est bien sérieux. Une fois ces niaiseries gauloises débitées, il nous appartient plus sérieusement de décider si nous resterons dans nos écoles de riches pour les riches, ou si nous voulons offrir au reste du monde une possibilité d’apprendre et de progresser dans la vie. Les américains sont peut-être naïfs, mais je préfère cent fois leur naïveté à notre scepticisme destructeur. Poudre aux yeux que les MOOC ? Tout ce qui s’écrit en France aujourd’hui sur les MOOC aurait pu s’écrire sur les différentes innovations technologiques qui ont jalonné ces dernières années et qui ont transformé, et continueront à transformer, notre monde. Qu’on se rappelle l’évaluation condescendante d’Internet par nos bureaucrates dans le fameux rapport Thery, par exemple (voir mon billet à ce sujet ici). Les réactions aux MOOC en France sont caractéristiques d’un pays que le progrès a fini par dégoûter.

Naturellement, il reste beaucoup à faire pour que les MOOC soient un vrai moyen d’éducation. C’est ce que rappelait Daphne Koller, fondatrice de Coursera, dans commentaire hélas passé inaperçu: Très consciente des limites actuelles, elle conçoit le développement de sa solution Coursera comme un processus d’apprentissage pour améliorer sans cesse son offre. Il faut regarder les MOOC non pour ce qu’ils sont aujourd’hui – une technologie en émergence, déjà fascinante et qui marche bien, mais pour ce qu’ils deviendront. Il faut donc éviter cette erreur classique de juger une innovation de rupture à l’aune de la technologie dominante aujourd’hui, sans se demander ce qu’elle peut devenir demain, un peu comme si on avait décidé de l’avenir de l’automobile en comparant le fardier de Cugnot au cheval en 1765.

En conclusion, les MOOC – sous une forme ou sous une autre – sont amenés à être un mode plein et entier d’enseignement. On peut comprendre l’inquiétude de certains à l’idée que ceux-ci remettent en question l’existence-même des écoles en tant qu’institutions. Ce ne serait pas la première fois qu’une innovation de rupture reconfigure une industrie en faisant disparaître certains acteurs et en en faisant émerger d’autres. Les éditeurs de musique, devenus inutiles, en savent quelque chose. Du point de vue de ces écoles, c’est évidemment embêtant, mais du point de vue des utilisateurs, c’est sans intérêt. Seul compte, et seul doit compter, la capacité nouvelle à enseigner plus, mieux, et surtout à plus de gens. Et c’est ce que les MOOC permettent.

Note: voir mon article précédent sur la question ici: « La grande rupture qui menace les écoles de commerce. » Voir également « la sous-estimation initiale des innovations de ruptures. » Note: le lecteur avisé aura bien noté que les MOOC ne représentent pas la seule rupture en marche dans l’éducation supérieure: 42, l’école d’informatique créée par Xavier Niel (ici), est un autre exemple dans un domaine différent, mais non moins important.

Mise à jour janvier 2014: Voir mon retour d’expérience sur mon MOOC consacré à l’entrepreneuriat ici.

51 réflexions au sujet de « Le grand méchant MOOC ou la rupture en marche dans l’éducation supérieure »

  1. Bonjour,

    Merci pour cet intéressant article dont je partage une partie des vues.

    Quelques remarques sur les points les plus importants. Pour le reste, j’aurais beaucoup encore à dire, je vous renvoie à mon blog sur Educpros, slideshare et éventuellement au livre que j’ai écrit avec un collègue, J-C Pomerol.

    1 – Coût d’un MOOC
    J’ai évalué le coût d’un MOOC de 6 semaines environ à 50 k€ environ en frais de personnel uniquement. Bien sûr il y a une grosse différence entre un MOOC qui correspond à une transmission orale (je pense au droit par exemple) et un autre qui demande des schémas, des animations en sciences et dans la réalité on peut avoir des variations entre 25 k€ et 100 k€. Si, maintenant on tient compte du fait qu’on ne crée pas en permanence toute la journée, le prix de revient réel est plutôt le double soit 100 k€. Ces évaluations sont du même ordre de grandeur que se que trouvent un certain nombre de collègues américains.
    J’ai publié plus récemment une comparaison de coût MOOC, enseignement mixte et enseignement classique sur la base d’une séance de TD en face à face pour 50 étudiants toutes les semaines en classique, toutes les deux semaines en enseignement mixte. On s’aperçoit alors que l’enseignement mixte devient plus économique à partir de 400 étudiants environ. Encore une fois il faut le prendre comme une approximation : le croisement, selon les cas, peut être entre 200 et 600. A cela s’ajoute le coût des bâtiments pour lesquels je n’ai encore pas d’information pour l’intégrer.

    Dans tous les cas on aboutit au fait que l’enseignement mixte est « rentable » pour les grandes sections mais cela est plus douteux au niveau des masters.

    Quand au MOOC il est immédiatement rentable car les coûts de profs sont quasiment fixes.

    Daphne Koller, dans son interview de la Wharton Scholl, précise qu’elle s’attaque aux community colleges et petits colleges privés, c’est à dire justement au niveau licence. Et elle ajoute qu’il vaut mieux un bon MOOC qu’un mauvais college et qu’elle ne prétend pas entrer en compétition avec les universités quelque soit le niveau. Elle affirme donc qu’elle peut fournir la même chose à coût réduit. On le comprend dans ce contexte.

    Il faut également savoir que dans l’idéologie américaine les études sont envisagées pour former à un métier et, donc, les étudiants et leur famille font le calcul du coût de l’investissement par rapport aux gains (de carrière). A 25 000 $, la dette moyenne, un total de 12000 milliards de dettes on comprend le calcul.

    2. Il est maintenant prouvé que l’enseignement mixte (partie en ligne, partie en face à face) est le plus efficace. Les étudiants réussissent mieux mais cela ne modifie pas de façon sensible le taux d’échec. Le face à face conserve donc ses vertus et il ne faut pas caricaturer l’amphithéâtre. Outre qu’on peut améliorer les interactions (boitiers cliqueurs, séquences de réflexion en commun…) il ne représente qu’une partie de l’enseignement. Il existe également des TDs. Dans les domaines scientifiques et médical les étudiants échangent en petits groupes, souvent de moins de 30 personnes, à raison d’une heure de TD pour une heure d’amphi. C’est plus problématique en droit et en sciences humaines et sociales.

    3 . Les MOOC ne s’adressent pas aux laissés pour compte : l’âge moyen est 25 – 45 ans et le niveau des apprenants au minimum la licence.

    1. Bonjour et merci pour ces précisions extrêmement intéressantes. N’oubliez pas une chose cependant: la majorité des MOOC seront à l’avenir créés par des amateurs. Ka-boum.

  2. Bonjour Philippe,
    nous discutions des MOOC lors d’un diner qui de fait réunissait des anciens de « grandes écoles ». Qu’avions nous vraiment appris pendant nos études (certes cela se passait dans les 80’s) sinon les joies et postures de la vie de campus? A quoi nous avaient elles vraiment servi, ces études prestigieuses, sinon de nous avoir sélectionnés via les concours et rendu appétissants aux recruteurs ?
    L’essor des MOOC est certainement le marqueur de nouvelles moeurs sociales. L’est il, le sera t il sur les modes de recrutement ?!
    d.

  3. « Les MOOC visent avant tout ces non-consommateurs, exclus du système ». Tout à fait d’accord Philippe. Cela permet de diffuser l’enseignement là où il n’allait pas jusque là, et peut au passage avec deux objectifs :
    1. Diffuser un modèle de culture managériale et économique nord-américain, à un moment de l’histoire où la suprématie des Etats unis est discutée par l’Asie (cela rappelle la démarche des business schools américaines après 1945 … dans un autre contexte, en l’occurrence celui de la Guerre froide).
    2. Cela permet de détecter des talents, qui, financés par des scholarships, pourront ensuite rejoindre les business schools nord-américaines et contribuer ensuite au développement de l’économie des Etats Unis.

    1. Merci Stephan: Je ne comprends pas: Les MOOC sont un contenant. Rien n’interdit à des approches alternatives de proposer des contenus différents, y compris au plan de la philosophie. Quant à la capacité à attirer des talents, balayons devant notre porte: à nous d’être attractifs, mais vous en conviendrez, c’est mal parti. A qui la faute?
      Bien à vous

  4. Merci Philippe pour ce nouveau post très intéressant et pertinent 🙂
    Je vous rejoins totalement sur ces propos – il est clair que nous n’en sommes qu’au début, avec les MOOC, d’une nouvelle manière d’aborder l’apprentissage. Ceux-ci ne sont d’ailleurs eux-mêmes qu’une version plus évoluée (dans leur structure) et plus « socialisante » que des initiatives précédentes vues sur YouTube, iTunesU, etc. (et qui essaient de disposer de leur propre business model, cette fois-ci, à la différence des précédents qui sous couvert de la formation existaient avant tout à des fins de com institutionnelle / promotion).
    Je me permettrai d’ajouter deux choses à votre billet:

    1°) Pour les USA, il me semble primordial de prendre en compte l’état de la bulle des prêts étudiants (plus de 950 milliards de dollars début 2013). C’est cette bulle, qui découle de l’accroissement très fort des frais de scolarité (eux-mêmes liés à une bulle sur les salaires dans les écoles, du fait de l’hyper-prépondérance de la recherche au détriment de l’enseignement, et de la pénurie d’EC au niveau mondial), qui explique majoritairement l’essor très marqué des MOOC outre-Atlantique, et les évolutions positives de la réglementation à leur égard (cf ce qui s’est passé en Californie).

    2°) La pression mise par les MOOC oblige les écoles à revoir leur modèle et à apporter une vraie valeur ajoutée, qui semble passer par les échanges en plus petits comités. Donc plus coûteux. Autrement dit : n’y-a-t-il pas un double problème avec les MOOC, puisque la réponse qui pourrait leur être apportée serait encore plus coûteuse (réduisant encore la taille de la cible potentielle)? C’est une vraie interrogation que j’ai depuis quelque temps… Qu’en pensez-vous ?

    1. Merci pour ces éléments éclairants. Il est indéniable que les MOOC, avec leurs défauts et insuffisances, vont obliger les écoles à revoir leur modèle. Le plus grand risque est une poussée vers le haut, que seuls pourront se permettre quelques grands établissements. Or il y a énormément de façons de se différencier en complément avec l’offre MOOC: ancrage régional, spécialisation thématique, abandon de la recherche ésotérique, etc. C’est véritablement de créativité stratégique dont on besoin les écoles. Qu’elles s’inspirent donc du cinéma et de la musique qui ont également vécu une rupture numérique…
      Bien à vous

      1. Merci pour votre réponse 🙂 je partage avec vous cette idée selon laquelle les MOOC peuvent être une occasion intéressante pour les établissements qui le comprendront de se différencier sur un marché marqué par un mimétisme stratégique assez fort. Cependant, reste posée la question des accréditations : comment les organismes du type AACSB ou EFMD vont-ils se positionner par rapport à ce phénomène émergent? Quelle sera la latitude laissée aux écoles et universités? Cela doit aussi être pris en compte… Intégrer les MOOC dans un dispositif pédagogique peut avoir un effet négatif sur le taux d’encadrement des étudiants, par exemple, lequel joue dans l’obtention d’une accréditation. L’évolution des critères d’AACSB annoncée voila quelques semaines semble augurer d’une position d’ouverture. Quant à l’EFMD, j’avoue ignorer sa position sur le sujet…

      2. Votre mention du taux d’encadrement des étudiants est tout à fait pertinente: elle explique pourquoi les écoles traditionnelles seront réticentes à adopter les MOOC et risquent de laisser le champ libre aux entrants. Par ailleurs, l’accréditation est le type même de mécanisme utilisé par les acteurs en place pour lutter contre de nouveaux entrants disruptifs. Les MOOC se battront certainement pour mettre en place une forme d’accréditation par certificats (badges) probablement en partenariat avec des écoles traditionnelles qui « passeront à l’ennemi ». J’imagine volontiers un organisme tiers tel Kaplan organisant des examens « physiques » par exemple.

      3. D’accord à 100% avec vous. D’ailleurs, quand on regarde le business model de Coursera (un document officiel circule sur le net, qui reprend les modalités de génération de revenus par l’entreprise), on voit que parmi les 8 possibilités de génération de CA figure le paiement de frais (minimes) pour passer une certification (un examen) suite à un MOOC. Quant au système de badges, il s’inscrit pleinement dans une logique de gamification qui se développer, et là encore, certains MOOC les ont mis en place avec la fondation Mozilla, par exemple, dans le cadre des Open Badges.
        Bref, tout cela est passionnant – et je suis curieux de voir comment ça va évoluer dans les mois à venir. En particulier, comment les francophones vont réagir. On note des différences de format entre les MOOC US et les MOOC francophones déjà existants, et une certaine typologie pourrait se faire jour très rapidement…
        Encore merci pour vos réponses !

      4. Passionnant en effet, et comme tout secteur émergent, ça évolue dans tous les sens en essayant plein de possibilités avant de se caler sur un modèle qui marche.

      5. Je vois qu’ici, comme dans un MOOC, les discussions entre participants sont aussi (sinon plus) intéressantes que le cours en lui-même (en l’occurrence l’article de Philippe qui était déjà de très bonne qualité).
        Je me permets d’ajouter mon point de vue sur 1) l’encadrement dans les MOOC et 2) les badges.

        1) Pour répondre à Loïc, pas sûr que le « taux d’encadrement » dans un MOOC soit beaucoup plus faible qu’en présentiel. Si vous prenez le cas d’un MOOC au format blended learning (ce que seront amener à faire les universités pour conserver la valeur ajoutée qu’elles confèrent à leurs étudiants), et bien les étudiants resteront accompagnés par des professeurs tuteurs qui les aideront dans leurs travaux / compréhension du cours en ligne. En outre, pour être dans le factuel, les premiers résultats du MOOC Gestion de Projet réalisé par Central Lille, auquel j’ai participé en tant qu’organisateur, montre que les apprenants considèrent à 93% (!!) que les encadrants du MOOC ont été disponibles (64% des répondants) ou très disponibles (27% des répondants) pour répondre aux questions et besoins des participants durant le MOOC. Des stats à faire pâlir d’envie tous les profs d’université / grandes écoles n’est-ce pas ?!

        2) Concernant les badges que vous décrivez, ceux-ci sont déjà intégrés directement sur la plateforme de MOOC espagnole Open MOOC ainsi que sur Coursera (https://class.coursera.org/ml-003/wiki/view?page=CourseBadges) . Dans le cours de Machine Learning de Andew Ng, les contributeurs aux forums de discussion sont ainsi récompensé par des silver ou encore diamond badges. Enfin, des startups foncent sur le créneau du e-portfolio dédié aux MOOC, commen Accredible par exemple (https://www.accredible.com/1328). Bientôt il sera plus facile de justifier de connaissances ou de compétences via les badges et les e-portfolio que par son diplôme d’université (bon on en est loin en France, vu le poids accordé au diplôme, mais aux US ça va aller vite !).

  5. Je finirai bientôt ma première expérience de MOOC – un cours sur le Moderne et le Post-Moderne assuré par un prof adulé par les étudiants du monde entier. Pourquoi adulé? Dans leurs mails les participants louent la clarté des explications sur les concepts, l’humour du prof, l’intérêt pour tel ou tel auteur que la passion du prof leur inspirait, leur gratitude envers Coursera pour l’expérience. Paradoxalement, même si le prof reste le centre du dispositif et on reçoit ses communications toutes les semaines, la valeur ajoutée d’un MOOC se situe ailleurs: Il offre une communauté d’esprit, l’occasion de réagir et interagir avec des personnes qu’on n’aurait jamais abordées, et voir ses questions traitées par la communauté à travers les « threads » (le prof y fait de rares interventions). Au fur et à mesure que les semaines passent, certains posteurs de commentaires et d’explications prennent les allures de star eux-mêmes, car leurs posts sont « applaudis » par les participants. Coursera affiche sur le plateforme du cours son ranking de ces stars comme E-Bay les vendeurs. Bref, ces cours imitent les méthodes des réseaux sociaux dans lesquels les étudiants se reconnaissent, à la différence près que l’étudiant qui n’a pas lu les chapitres des auteurs (dans le cas de ce cours: Marx, Rousseau, Baudelaire, Virginia Woolf, etc.) ni visionné les films du prof n’a rien à dire dans les essais corrigés par les participants, et rien à contribuer dans les forums du cours. C’est peut-être cela le premier défi lancé par les MOOCs aux Ecoles et Universités en France: Rendre l’étudiant enfin responsable de son propre apprentissage, même ceux qui ne font pas partie des élites.

  6. Bonjour,

    Je pense que votre vision des pratiques d’enseignement est très réductrice. Certains filières ont un nombre d’étudiants leur permettant de faire des cours-TD, donc bien plus interactifs que les amphi de médecine.

    Par ailleurs, les MOOC ne résoudront pas le problème de l’engagement des enseignants-chercheurs (EC) vis-à-vis de l’enseignement. En effet, comme vous le dîtes, ils ne sont évalués que par rapport à leur recherche via des indicateurs basés sur leurs publications. La partie enseignement des EC n’est pas valorisée, voire même méprisée, comme on méprise depuis plusieurs années les professeurs des cycles précédents. Beaucoup d’EC ne sont pas satisfaits de cette situation.

    Par ailleurs, un mauvais enseignant, du genre qui débite un polycopié, ne produira pas un « MOOC » apportant une quelconque valeur ajoutée.

    Enfin, que sont les MOOC si ce n’est des vidéos de cours ? J’ai du mal à comprendre cet engouement, si ce n’est qu’elle va permettre à des entreprises de vendre des prestations MOOC au lieu de permettre aux universités de filmer et monter elles-mêmes leurs cours pour les mettre en ligne pour sans doute moins cher.

    Un peu de nuance de nuirait pas.

  7. Dans l’enseignement universitaire, il y a un effet chapelle des plus calamiteux, les MOOC ouvriront forcément les horizons. L’accès à une multitude de points de vue, d’approches sera un avantage considérable pour qui voudra bien se donner la peine d’explorer ces possibilités.

    Les introvertis qui ne sont pas dans leur élément dans ce bouillon de culture universitaire classique s’en trouveront remis à égalité avec leurs petits copains bien plus sociaux ; qui nous impose cette promiscuité qui est loin d’être bienfaisante pour tous ? Eux aussi sont des exclus du système.

    Surtout, il existe actuellement une forte concentration des pôles universitaires sur quelques grandes cités avec des effets économiques non négligeables. Les villes qui en sont plus ou moins dépourvues financent contre leur grès les grands centres, les MOOC devraient autoriser un rééquilibrage territorial et certaines villes pourraient y perdre beaucoup.

  8. Merci Mr. Silberzhan pour cet article bien argumenté (notamment sur la partie rupture technologique qui est votre domaine d’expertise !).

    Tout d’abord une rectification à apporter vis-à-vis du post de Rémi Bachelet : le MOOC GdP n’a pas coûté 400€ si on prend en compte le temps de travail du professeur (payé par Centrale Lille) ainsi que le temps passé par les bénévoles. En effet, nous en sommes à environ 1000 heures de travail, ce qui devrait être pris en compte pour estimer le coût d’un MOOC, même si une certaine marge d’efficacité est possible. Sur ces bases, le coût “normal” d’un MOOC s’approche davantage des 20-40K€ (Andrew Erlichson estime lui à $260K le coût total pour la réalisation de 3 MOOC). Les données qui seront publiées au terme de ce premier MOOC certifiant (ABC de la Gestion de Projet, ou #MOOCGdP) permettront de mieux appréhender l’étendue du travail et le coût réel de la réalisation d’un MOOC.

    Sur votre article : je suis d’accord sur l’essentiel des propos. Peut-être à un point près : il est un peu idéaliste de considérer que les MOOC s’adressent à ceux qui n’ont pas accès à l’éducation, aux “Outsiders” comme dirait Gary Becker. Les MOOC ne s’adressent pas (encore ?) aux “exclus du système”, tout comme le jazz s’adressait aux minorités qualifiées de déviantes au temps du fameux papier de Becker. En tout cas c’est faux pour le moment : ceux qui suivent des MOOC sont majoritairement des diplômés du supérieur, ou encore des cadres en poste. Encore une fois, les données tirées du #MOOCGdP permettront de mettre en exergue cet aspect légèrement contre-intuitif des MOOC : ils connaissent pour l’instant le succès auprès d’une audience qui en a paradoxalement le moins besoin. Si une grosse proportion des personnes qui ont suivi le MOOC Gestion de Projet est originaire du continent africain, ces derniers sont pour la plupart diplômés du supérieur. Le mythe de la petite africaine (pour faire honneur aux dames) qui majore une promotion d’un MOOC de Harvard n’est encore qu’un rêve lointain.

    Rendez-vous dans quelques semaines, après la publication des données démographiques et d’apprentissage du #MOOCGdP, pour tirer toutes les leçons de ce premier MOOC certifiant français !

    1. Merci Jérémie de ces précisions. Rien n’est gratuit (c’est comme l’open source, souvent quelqu’un paie les salaires de ceux qui travaillent « gratuitement »).
      Sur l’autre point, quand je dis que les MOOC s’adressent aux « exclus », ça ne veut pas seulement ou nécessairement dire, pour simplifier, les « pauvres ». Je donne toujours l’exemple du cadre en activité qui veut acquérir une formation en comptabilité: il n’a pas la possibilité d’aller en cours classique, il ne peut étudier que le soir, voire la nuit, ou très tôt le matin. D’une manière générale, les innovations de rupture tendent à séduire ce que nous appelons les « non-consommateurs », ceux qui ne peuvent pas, pour diverses raisons et pas forcément financières, accéder à la technologie actuelle.
      Alors suivons en effet le #MOOCGdP…
      Merci

  9. Bravo Philippe pour cette excellente démonstration. Mon fils est en 1ère année de fac de biologie et je suis effrayé de ce qu’il me raconte : pour étudier un cours, il est plus facile de le télécharger sur le web que d’écouter un prof réciter son polycopié. La raison ? Parce que l’étudiant peut l’étudier à son propre rythme et s’il veut approfondir un point, il peut interrompre la lecture pour faire une recherche pointue sur Internet. Comme tu le signales, ce qui est intéressant c’est le fait que le MOOC n’attaque pas les Grandes Ecoles et Universités de face : il s’adresse aux non-consommateurs, ceux qui n’ont pas accès facilement aux enseignements de ces dernières. C’est pour cela que les établissements d’enseignement traditionnels doivent le prendre très au sérieux. En servant les non-consommateurs, le MOOC va s’améliorer et pourra plus tard devenir une alternative très puissante pour les étudiants traditionnels. A moins que les Grandes Ecoles et Universités participent activement au MOOC et s’y adaptent…

  10. Bonjour et bravo, il faut ajouter qu’il est en fait tout à fait possible aujourd’hui de lancer un MOOC avec peu de moyens financiers (nous venons d’en finir un à Centrale avec .. 400€ de cash, et beaucoup de travail)

    => Rien à ajouter donc, à part une remarque : au début de votre article vous suivez le même raisonnement que Clay Shriky sur « les MOOC et le mp3 ».

    Voir par exemple mon post là-dessus lié à partir de http://goo.gl/FXyS3

  11. Bonjour
    Merci à vous pour votre analyse. Effectivement le but n’est pas d’opposer tel ou tel type de MOOCs ou monde physique et numérique, mais d’articuler l’ensemble pour une plus grande efficacité pédagogique. L’important est l’usage des outils. Tout comme vous je pense que nous n’en sommes qu’au tout début et il est passionnant d’analyser ces évolutions, mutations. Venant du secondaire, il me semble essentiel de préparer les citoyens de demain à ces mutations, et d’apprendre à utiliser ces outils progressivement dès le plus jeune âge.
    Cordialement
    Lucas Gruez
    http://www.scoop.it/t/easy-mooc

  12. Merci pour votre article que je trouve très intéressant. J’ai juste une petite remarque à faire au sujet de votre premier exemple que je ne trouve pas du tout réprésentatif d’un cours interactif en face à face avec des étudiants car comme vous le dites, il n’y a pas de « contacts privilégiés ». J’enseigne moi-même en première année de médecine depuis 20 ans : ce genre de cours peut tout à fait être mis en ligne (MOOC ou pas, d’ailleurs). Idem pour certains cours de droit où les enseignants lisent texto le code civil en restant assis sur leur chaise. Je pense que les MOOCs sont une très bonne chose car cela va enfin bouger le monde de l’enseignement supérieur. Par contre, je doute que l’on puisse remplacer un bon échange en cours avec des étudiants (autour de soi) par du pur « on line » (ce qui n’est pas le but des MOOCs d’ailleurs). Enfin, j’ai eu l’occasion en mars d’être reçu chez Khan Academy, COURSERA et BerkeleyX. Beaucoup d’applications différentes des MOOCs sont maintenant disponibles, des cMOOCs aux xMOOCs… ce qui donne une belle opportunité à nos écoles et facultes de faire évoluer leur pratiques pédagogiques. Cordialement, JC2

    1. Bonjour
      Merci de votre message. Il me semble effectivement évident que nous allons vers une diversité des modes d’enseignement, plutôt que d’un remplacement d’un mode par l’autre. Il en va souvent ainsi en matière d’innovation: le four à micro-ondes n’a pas supprimé le four traditionnel, mais l’a complété pour certains usages.

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