La grande rupture qui menace les écoles de commerce (et les autres)

Un spectre menace les écoles de commerce, le spectre du low cost. Victimes de leur succès, les écoles de commerce sont lancées sur une trajectoire de fuite en avant vers le haut de gamme qui conduit à leur mort, en tout cas dans leur forme actuelle. Pour comprendre le mécanisme infernal, il faut étudier plus en profondeur le modèle économique de ces écoles.

Pendant longtemps en France, les écoles de commerce ont fonctionné avec un modèle économique simple: très proches du service public, elles étaient financées par les chambres de commerce. Principalement consacrées à l’enseignement, les écoles fonctionnaient avec des budgets peu élevés et des frais de scolarité également faibles. Deux phénomènes se sont combinés pour bouleverser la donne: le premier est l’internationalisation des écoles, qui ont cherché à attirer des étudiants étrangers pour soutenir leur croissance. Il en est résulté une concurrence accrue des écoles au niveau mondial pour attirer les meilleurs étudiants. En France, cette concurrence a fait exploser au milieu des années 90 l’oligopole qui existait entre le petit groupe des écoles « Parisiennes » – HEC, ESSEC, ESCP et EM-LYON. Soudainement, HEC s’est rendue compte que son concurrent n’était pas ESSEC, mais INSEAD – qui bien que française n’avait jamais figuré dans un classement français – ou la London Business School, plus facile d’accès qu’HEC depuis Paris. Surprise stratégique de taille. Branle-bas de combat et cap sur l’internationalisation à marche forcée.

Le second phénomène est le développement des classements internationaux. Ces classements sont aujourd’hui essentiellement basés sur le nombre et la qualité des publications de la faculté dans les revues scientifiques. Obtenir un bon classement international étant indispensable pour attirer les meilleurs étudiants, les écoles ont du développer leur activité de recherche et surtout de publication. La publication devient de plus en plus, y compris dans les écoles de second voire troisième rang, le critère essentiel de performance des professeurs. Or ceci ne peut se faire qu’au dépend de la qualité d’enseignement. Bien sûr juré craché, toutes les écoles se défendent de compromettre cette dernière. Mais dès lors que le critère principal de progression de carrière devient la publication, l’enseignement nécessairement passe au second plan. Paradoxalement, le besoin d’attirer les « meilleurs » étudiants (notion qui d’ailleurs reste à définir) se traduit donc, toutes choses égales par ailleurs, par une baisse relative de la qualité de l’enseignement que ces « meilleurs étudiants » reçoivent une fois admis. En outre, la majeure partie de ces publications sont des exercices de style certes intéressantes mais rarement lus, et en particulier pas par les praticiens: Seule la production compte; c’est un peu comme si l’on payait Renault sur les voitures fabriquées, pas sur les voitures vendues, ou l’URSS réinventée. Qu’est-ce qui justifie l’existence d’une école qui ne sert ni son audience (les entreprises), ni ses élèves, mais seulement ses employés et qui ne « parle’ qu’à ses concurrents? Au-delà d’un problème propre aux écoles, il s’agit d’une question de société importante car ces écoles forment les cadres de demain. Qui financera la recherche si celle-ci n’a pas d’ancrage social ou sociétal?

Ces deux phénomènes se combinent pour modifier considérablement le modèle économique des écoles. D’abord en en augmentant leur budget. Le marketing, comme les programmes eux-mêmes et les locaux avenants, sont internationaux, ce qui coûte cher. La recherche coûte également cher, directement et indirectement: directement parce que les écoles sont en concurrence pour recruter les meilleurs chercheurs (ou plutôt les meilleurs publieurs), ce qui entraîne une augmentation des salaires (80% du budget d’une école). Indirectement parce qu’un publieur enseigne moins qu’un enseignant traditionnel. Là où un professeur non chercheur pouvait aligner 300 heures de cours par an, un publieur n’en effectuera que 150, voire beaucoup moins. Il faut donc au moins deux publieurs, payés plus, pour remplacer un enseignant simplement pour maintenir le plan de charge d’enseignement. On imagine l’impact sur les budgets. Confrontées à la fois à l’augmentation de leurs budgets et à la baisse de leur financement traditionnel, les écoles augmentent les frais de scolarité. Dit autrement, les étudiants paient plus pour une recherche qui ne leur sert à rien et un enseignement de moindre qualité. Deuxième impact, la modification de la composition du corps professoral. Là où l’ancien modèle privilégiait les profils divers, souvent doté d’une expérience professionnelle préalable, le nouveau modèle privilégie le spécialiste, hyper pointu sur une question théorique, très ignorant du reste, et sans la moindre expérience pratique de l’entreprise. A l’extrême se développe un mercato où les écoles « achètent » des chercheurs qui leur apportent un portefeuille de publication, donc de points. Cette approche extrême, de plus en plus en décalage avec la réalité économique et sociale, isole de plus en plus la faculté du reste du monde et fait courir un danger majeur à cette profession, celle de devenir une scolastique, tournée vers elle-même. On sait ce qu’il advint de la scolastique: elle disparut à la Renaissance lorsque les scientifiques, à la suite de Francis Bacon, décidèrent que la science devait à nouveau se faire au contact du monde réel, donnant ainsi naissance à la science moderne et fermant une parenthèse de presque 2.000 ans. Curieusement, la « science » de gestion fait le chemin inverse.

Quel effet a la modification de modèle économique? Une fuite vers le haut de gamme, essentiellement. Les études deviennent de plus en plus chères. Il faut compter 60.000€ pour un MBA d’un an dans un très bonne école, environ 35.000€ pour trois ans dans une école « MSc » française, à quoi il faut ajouter tous les frais (logement, etc.)  Poussées vers le haut, les écoles laissent donc le marché de masse à d’autres acteurs « low cost », au premier rang desquels se trouvent, et se trouveront de plus en plus, les acteurs d’enseignement à distance. Ce dernier a mis très longtemps à décoller mais les technologies Web permettent désormais de créer des expérience d’enseignement à distance d’une qualité remarquable. C’est ce que les américains appellent massive open online courses—MOOC, et ce n’est pas de la science fiction: un professeur de Stanford a récemment donné un cours d’intelligence artificielle suivi par… 160.000 personnes, la session étant réalisée en lien avec Facebook. Il a depuis décidé de quitter son enseignement traditionnel. Harvard et MIT s’y mettent aussi avec leur initiative EdX et la startup Coursera se développe rapidement. Conformément aux théories de la rupture du spécialiste de l’innovation Clayton Christensen, la réaction des acteurs en place est plutôt de dénigrer ce type d’offre (« rien ne remplace un professeur dans une salle ») ou alors d’ajouter une offre distancielle dans l’offre existante (« C’est bon, on est couvert sur ce point »), encastrant ainsi le modèle de rupture dans le modèle dominant, ce qui est le plus sûr moyen de l’étouffer.

Au-delà, d’un point de vue global, ce qui frappe c’est la myopie des stratégies employées. Il y a quelques années, le chercheur Theodore Levitt avait décrit la myopie des investisseurs: 200 investisseurs mettent chacun de l’argent dans une startup qui promet d’atteindre 20% du marché, ça ne colle pas. Pour les écoles de commerce c’est la même chose: toutes basent leur stratégie sur la publication dans de bonne revues. Interrogez-les, et elles vous répondent « On ne peut pas faire autrement, la concurrence est globale, il faut suivre le marché. » Or cette attitude est la négation même de la stratégie qui au contraire invite à inventer une position distincte. Plus la concurrence est féroce, et plus il faut se distinguer… ou alors faire de la niche ou du low cost. Or par définition le nombre des revues est limité, et donc tout le monde ne pourra pas réussir à y publier. Dit autrement, tout le monde ne peut pas être Harvard. Avant même que la course ne soit engagée, on sait donc que la plupart des écoles casseront en route. Ce sera sûrement le cas de la plupart des écoles petites ou moyennes, sans ressources. Résultat: elle n’auront pas réussi à se faire aussi grosses que le bœuf, et elles auront abandonné leur modèle économique « modeste » qui avait fait leur succès. Elles se retrouveront « coincées au milieu », pour reprendre l’expression du stratège Porter. Seules quelques écoles auront assez de ressources pour être compétitives dans ce jeu et se maintenir au plus haut. Pour les autres, le jeu est absurde. D’autant plus absurde que si tout le monde ne peut pas être Harvard, ce n’est pas grave: ça peut vraiment être très bien d’être une petite grenouille dynamique et performante dans l’univers des écoles de commerce actuelles. Il vaudrait donc beaucoup mieux réfléchir à un positionnement différencié – la base de la stratégie- en faisant jouer ses spécificités – thématiques, régionales, pédagogiques, tant qu’il en reste encore, et que ces écoles ne sont pas devenues des clones bas de gamme de Harvard. Sur la  base d’une telle différenciation, c’est ensuite la connexion à d’autres écoles elles aussi différenciées qu’il faut jouer.

Si toutefois on juge de la capacité des écoles à réagir pour inverser la tendance à l’aune des théories de Clayton Christensen (au passage, un auteur original et profond méprisé par la scolastique car il n’a jamais utilisé de droite de régression et que ses ouvrages sont agréables à lire et utiles), on est en droit d’être pessimiste. Compte tenu des pressions institutionnelles, il sera très difficiles, voire impossible, aux écoles, prisonnières de leur modèle économique, de revenir en arrière, même si des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour crier au loup (voir par exemple le communiqué récent de la Société Française de Management et les déclarations de son Président, Pierre-Yves Gomez). Il est à craindre que comme d’autres avant elle, l’industrie sera dévorée par une rupture qu’elle reconnaît mais se trouve incapable de gérer, et que de nouveaux entrants – notamment les acteurs low cost, les écoles spécialisées, ou les universités d’entreprise- viendront rapidement tirer avantage de cette rupture pour rebattre les cartes. Lorsque la rupture sera suffisamment avancée, les acteurs en place commenceront à fusionner, ce qui aura pour effet de retarder non la rupture, mais ses effets sur ces acteurs, et donc de retarder par là-même une réaction possible pendant qu’il en est encore temps. Car à moins de renouveler profondément leur modèle économique, et de le faire rapidement, la plupart des écoles de commerce, sauf peut-être les plus grandes, sont donc condamnées à rejoindre Kodak au panthéon des victimes de l’innovation de rupture.

Voir le billet plus récent sur le même sujet: La grande rupture qui menace (plus que jamais) les écoles de commerce. Sur l’aspect spécifique de la recherche, voir mon billet « Les grandes écoles de commerce et le dogme de la recherche: Ne pas se tromper de question« .

Sur la notion de rupture par le bas, voir mon billet sur la landwind, voiture low cost chinoise ou encore celui sur Nespresso, victime d’une rupture par le bas? Voir également mon billet sur Kodak, qui a inventé la photo numérique et en est mort.

Note: Je parle ici d’écoles de commerce, parce que c’est le domaine que je connais, mais chacun aura compris que l’enseignement en ligne concerne plus généralement le modèle de toutes les écoles.

41 réflexions au sujet de « La grande rupture qui menace les écoles de commerce (et les autres) »

  1. Cher auteur,
    Ne sont-ce point ces écoles qui enseignent l’art de plumer les pigeons en les anesthésiant avec quelques hallucinogènes choisis pour procurer une sensation de bien-être, afin qu’ils ne souffrent pas ?

  2. Philippe, je vais faire un lien avec votre dernier article : Innovation: Ce silence qui tue votre entreprise.

    Je ne conteste pas votre analyse du business model (qui à mon avis ne touche pas que les ESC) mais plus fondamentalement l’essence d’une école de commerce.

    Pensez vous que l’entreprise de demain va encore avoir besoin des flopées de contrôleurs pas toujours très créatifs car souvent sélectionnés et formés sur leur profil gestionnaire dans la certitude qui sortent des instituts de gestion et des écoles de commerce ?

    Je ne dis pas que les élèves de ces écoles sont moins géniaux que les ingénieurs et les designers mais bien que ceux à quoi ont les destinent et la manière dont on les forme n’est plus d’actualité (sauf pour faire cracher les 15% de rendement vers les actionnaires).

  3. Je suis pas mal impressionné par votre papier, et il est tellement réel !

    Les MOOC ont de l’avenir, et certaines écoles d’ingénieurs demandent explicitement à leurs étudiant d’y prendre le complément à leur cours (c’est surtout le cas en cours d’info où le site du zéro est particulièrement nommé).
    Résultats, les enseignements sont surtout tourné le fait « d’apprendre à apprendre », ce qui fait que nombre d’anciens élèves (pas si anciens en soit hein, les cours internet ne sont pas si vieux) deviennent multitâche car ayant les bases d’un grand nombre de discipline. Les spécifications pouvant s’apprendre vite et bien avec les recherches pertinentes en y intégrant les bons mots clés. La qualité pédagogique s’en trouve ainsi renforcé. L’enseignant offre des bases solides, l’étudiant étudie les spécificités en fonction de ses besoins.
    Les MOOC sont ainsi une sacré opportunité pour accroitre son savoir et de changer de postes assez aisément. Il est même à mon sens indispensable d’en étudier une complémentarité avec les cours classiques dès le collège.

    Ainsi aujourd’hui en thèse, j’ai besoin, du fait de la transversalité de mon sujet, d’étudier des sujets aussi divers que l’instrumentation, l’automatique et la mécanique. Et seuls ces cours en ligne me permettent d’avoir les bases nécessaire pour la suite !

  4. Je partage à 100% votre analyse en qualité d’enseignant depuis 30 ans dans des écoles de commerce et je me suis fait les mêmes réflexions depuis quelques années. Ces écoles sous prétextes d’accréditations pour des raisons commerciales ont perdu leur âme, se font phagocyter par les universitaires qui détiennent un quasi monopole sur les doctorats en France et ont imposé un poids anormalement élevé aux travaux dits de « recherche » académique (qu’a t on trouvé ??) au détriment de la qualité pédagogique . On peut sérieusement s’interroger sur leur valeur ajoutée à la fois pour les organisations et la société. Il est clair que leur légitimation est essentiellement corporatiste et se limite aux carrières et aux classements des journalistes dont les critères restent parfaitement discutables…

    1. Je découvre ce blog un peu par hasard et la discussion me parait intéressante. A la question amusante (et perfide?) de Daniel Belet « qu’a t-on trouvé?? », je crois avoir une réponse. Thomas Piketty a trouvé…Le Veau d’Or. D’abord en droits d’auteurs pour sa poche. Ensuite pour tous les fortunés de la terre en 950 pages et avalanche de chiffres et tableaux: la rente et l’immobilier, vous dis-je ! C’est la seule manière de faire fortune.
      Ainsi, B.Gates, S.Jobs, B.Arnault, X.Niel, P.Bellon et bien d’autres se sont enrichis par la rente. Moi qui croyais que ces gens là avaient créé des entreprises, de l’activité, réinvesti les profits dans la croissance de leur affaire…
      Trève de plaisanterie sarcastique. Cet exemple illustre la dérive de la mode
      académique (« enseignants-chercheurs ») des business schools françaises.
      A force de « chercher », on finit par trouver pas grand chose ou le genre d’imbécilités que je dénonce. C’est que l’on a décollé du réel, le l’économie qui se fait, des gens qui mettent les mains dans le cambouis pour générer des activités profitables.

      Je précise que je ne suis pas enseignant dans ces écoles (pas encore), mais qu’après 25 ans de conseil en stratégie de développement, je déplore que leurs diplômés que je côtoie soient aussi formatés et finalement peu efficaces.
      Pour info: j’ai quelques sorties sur le sujet de ces écoles dans « Les Moutons Noirs du Management » (ed. EMS).

  5. Le film est en effet passionnant, et merci d’en présenter les enjeux avec talent. Pour dire un mot de plus, on peut dire qu’il en est des MOOC, comme du Big Data. Ces outils impliquent une exigence accrue de réflexion sur le sens et la stratégie, au moment où le « prêt à penser » règne encore en maître. Concernant les MOOC, on peut dire que tous les savoirs du monde, ou presque sont sur internet. Ce qui n’y figurera JAMAIS, est SA stratégie, où l’art d’utiliser ces savoirs pour SON objectif particulier, unique. Les plus grandes bibliothèques n’ont jamais remplacer le « bon maître », porteur d’une vision cohérente du monde, bien au contraire. Les enseignants qui font profession d’éduquer, devraient être les premiers à s’interroger sur le sens de leur métier, et imaginer comment tirer parti des dernière avancées technologiques sans craindre qu’elles mettent en péril leur rôle, dès lors qu’ils en ont compris et maîtrisé le sens de leur mission.

  6. Les Ecoles de gestion en France se trouvent dans une situation particulièrement complexe à gérer, et ce pour au moins quatre raisons :
    1- Le modèle Classes préparatoires/Grandes Ecole devient de plus en plus difficile à faire coexister avec le modèle international LMD. La première brèche a été ouverte avec les Mastères, la seconde plus récentes avec les Bachelors.
    2- Les règles d’accréditations (EFMD, ACCSB, AMBA) imposent le doctorat pour le corps professoral, et survalorisent les publications au détriment de l’expérience, et la production pédagogique.
    3- Le clivage Universités/Grandes Ecoles conduit d’une part à des écoles trop petites pour une compétition équitable, et d’autre-part les enseignants à devoir obtenir un doctorat longtemps privilège exclusif des universités, avec une propension à un académisme souvent trop théorique.
    4- L’émergence des MOOC, qui n’est autre que l’impact d’internet dans l’éducation comme dans tout autre domaine d’activité bouleverse la donne.
    Je ne crois pas que les MOOC soient une forme de low-cost de l’éducation. L’aspect hautement bénéfique est qu’ils vont remettre la production pédagogique au niveau d’exigence, qui ne transparaissait pas dans les critères d’accréditation. Les écoles de gestion doivent saisir l’occasion de refondre leur modèle pédagogique, comme a su le faire HEC et l’INSEAD dans les années 70 en adaptant les cas d’Harvard puis en recréant une pédagogie propre. Ce qui fonde cette analyse est qu’un MOOC, pas plus que jadis un cas, ne constitue en soi une formation. Il faut, en plus et pour l’essentiel le « bon maître » qui fort de son expérience apporte une vision du monde, il faut une confrontation et une dynamique compétition-coopération entre les élèves. Les écoles de gestion sont au pied du mur, pour démontrer par l’exemple, le talent de stratège qu’elles se font fort de transmettre à leurs élèves.

  7. Analyse intéressante mais qui ,je pense, néglige trois points importants:

    1. Comme tous les marchés concurrentiels, celui de l’enseignement supérieur en est un et est soumis aux mêmes lois. En l’occurrence quand la compétition entre les acteurs devient trop forte, certains font le choix de soit disparaitre ou de se rassembler pour atteindre une masse critique. Et c’est exactement ce qui se passe depuis déjà quelques années en France avec les fusions de l’ESC Lille et du CERAM en SKEMA, BEM et Euromed en Kedge, RMS et RBS en NEOMA mais aussi l’apparition de FBS et sûrement de nouvelles fusions sont déjà dans les cartons du côté des ESC traditionnelles comme par exemple Audencia, GEM ou l’ESC Toulouse qui ne devraient pas pouvoir se maintenir face aux offres de formations de celles qui se son regroupées. Ainsi la course au toujours « plus » (de moyens, profs, publications, élèves,…) entrainera une restructuration du marché et retournera à un équilibre n’obligeant pas une course effrénée vers l’avant.

    2. Les ESC en France gardent en tête d’affiche le Programme Grande École et la plupart des classements se basent sur cette offre spécifique afin de les départager.
    Le marché de l’éducation en Europe n’est pas du tout le même qu’aux Etats Unis.
    Aux Etats Unis, Le diplôme type est le Bachelor of Science/Arts délivré en 4 ans post bac, l’offre de master de type bac+5 qui correspond à un Master of Science/Arts dans le monde Anglo saxon n’est peu voir pas du tout présente. Le master reconnu la bas est le MBA à un prix beaucoup plus élevé.
    Ainsi faire des comparaisons entre les écoles en France et celles aux Etats Unis n’a pas de sens. Comment pouvez vous établir une comparaison alors que les ESC en France et les Business Schools aux Etats Unis ne proposent pas les mêmes offres ? Aucun programme Bachelor n’est proposé par HEC par exemple….Aucun programme « bac+5 » de type MSc n’est proposé à Harvard…

    3. Dernier point: L’influence des écoles Françaises, Américaines, Anglaises, Espagnoles,…. ne dépassent pour 90% d’entre elles jamais les frontières de leur pays d’origine. Seules les premières peuvent réellement exercer une force d’attraction spécifique qui attirera les étudiants et les enseignants étrangers, cela ne veut pas dire que les étrangers ne seront pas attirés mais simplement que d’autres critères interviendront avant la renommée de l’école lors du choix.
    Pour info il y a environ 200 écoles de gestion en France mais seulement 17 ont pu être classé par le FT et encore moins pas d’autres classements.

  8. Vous oubliez de parler des IAE (Institut d’Administration des Entreprises) qui concurrencent très fortement les ESC… Coût d’inscription classique, concours d’entrée, Maîtres de conférences et vacataires professionnels…Stage à l’étranger…
    J’y ai fait mes études en Sciences de gestion (promotion IAE Poitiers en 2000)…et je n’ai jamais eu de problème pour trouver du travail.
    Bien à vous.
    Sylvain DRAUX

  9. Hi Maba.
    Peut-on vraiment dire que l’éventuelle incompétence des élèves à la sortie de l’école soit due aux enseignements – de bonne ou mauvaise qualité – reçus pendant leur cursus? Il me semble que les enseignements ne sont qu’une partie du processus d’apprentissage et qu’ils doivent être confrontés à la réalité sur le terrain (lors des stages, par exemple), confrontés à d’autres manières de penser lors des rencontres interculturelles, complétés par le travail en équipe et par la lecture. Bref, la compétence des élèves est le fruit de leur capacité d’intégrer « les bons enseignements » en cours, en stage, et dans la vie. Non?

  10. Bonjour,

    Je suis assez d’accord avec votre raisonnement. Je suis pour ma part à l’ESCP et j’aimerais attirer l’attention sur un point que vous développez : la faible qualité des enseignements reçus.

    Cette faiblesse de qualité a deux effets : la non satisfaction des élèves, et leur incompétence (structurelle) à la sortie de l’école.

    Je dirais donc que le modèle de l’école de commerce peut être pensé comme une impasse pour deux raisons supplémentaires : la non compétitivité des étudiants sur le marché du travail, et, à terme, par rétroaction, la non attractivité des écoles qui les ont formé (une fois que le verni communicationnel se sera écaillé), et deuxièmement l’irresponsabilité, du fait de leur incompétence, de ces mêmes étudiants.

    Pour le deuxième point en effet, s’il est vrai que le monde économique évolue plus vite que le contenu pédagogique d’écoles qui se caractérisent par une inertie stratégique ou une fuite en avant (ce qui revient au même), très vite les enjeux avenirs auront raison de la formation creuse et superficielle proposée, et des étudiants qui souffrent d’un manque cruel de compétence.

    Autrement dit, l’affaiblissement tendanciel de la qualité des enseignements crée des étudiants de plus en plus incompétents et inadaptés à la compétition internationale sur les marchés de l’emploi, ainsi qu’inaptes à saisir les enjeux de renouvellement imposés par l’évolution des pratiques économiques.

  11. Merci pour le lien, Fadi, et à tous pour vos idées stimulantes.
    Je fais partie de ceux qui pensent que pour être durable, l’apprentissage (learning) doit être une co-construction entre les apprenants et un facilitateur-expert. Je peux concevoir que cette co-construction se fasse en-ligne, pourvu qu’on ne traite pas le cours comme un paquet à livrer en bloc. Le cas de la « online-line revolution » en Californie (voir le lien de Fadi) est intéressant, car les animateurs sont des professeurs prestigieux et les critères pour la certification sont exigeants. Si en plus, les étudiants ont la possibilité d’interagir avec les experts, je pense qu’il faudra prendre très au sérieux cette évolution.

  12. Bonjour,

    super article !

    Vous semblez indiquer que la seule rupture se situe vers le bas, vers le low cost. N’est ce pas à la fois limitant et pessimiste ?

    Si l’on considère que le rôle des écoles est d’améliorer la capacité des étudiants à « bien penser », n’ont elles pas comme alternative de tramer plus intimement recherche et enseignement ?

    Didier Bernard

    1. « tramer plus intimement recherche et enseignement »: en effet, ce qui pose la question de la recherche qu’il faut faire.
      Par ailleurs je vois pas en quoi le low-cost est pessimiste. Est-il pessimiste d’imaginer des millions d’étudiants ayant accès aux meilleurs professeurs pour trois fois rien?

  13. Sans mettre en question le fond de votre raisonnement, je veux juste vous rappeler que la recherche ne sert qu’à obtenir des points, qu’elle est souvent effectuée sur le terrain – gage de contact avec la réalité – et permet aux professeurs de rester à la pointe de leur discipline, critère d’excellence dans l’enseignement.

    Sur un autre point que vous soulevez, vous seriez peut-être surpris de savoir à quel point les chercheurs des « petites » écoles sont publiés dans les revues classées. Certes, ils ont moins de moyens pour faire de la recherche en argent et en temps, mais ce sont des problèmes matériels, pas intellectuels.

    Mais je suis d’accord avec vous: L’accent sur la recherche a éliminé les profils divers des enseignants et gonflé les budgets. J’ajouterais la barrrière de la langue internationale utilisée en recherche qui n’est pas le français, qui alourdit l’échange entre les bons chercheurs français et le reste du monde.

    1. Bonjour

      Merci de votre message; vous avez naturellement raison sur ces trois points, merci de les évoquer! La recherche est très importante, peut-être faut-il mettre en question un certain impératif de publication qui formate trop. Débat à poursuivre!

      Ph S.

  14. Excellent article qui rejoint certaines de mes observations.

    « Tout le monde ne peut pas être Harvard » Tour le monde ne peut pas entrer à Harvard non plus. Pourtant, Harvard s’adresse aussi aux praticiens, ils savent communiquer le résultat de leur recherche. Leur revue est facile à lire, ainsi que les livres publiés. Par conséquent, recherche et pragmatisme ne sont pas incompatibles.

  15. Bravo Philippe pour ce billet dense et incisif. Je crois également que a) le modèle actuel ne tient pas debout b) qu’il ne possède pas de capacité d’autorenouvellement. Il serait intéressant de distinguer la possibilité de stratégie individuelle d’école face à la stratégie collective (effet de troupeau) et l’éco-système qui s’est constitué. La SFM s’efforce effectivement de faire bouger les lignes et ses propositions sur les pratiques d’évaluation vont en ce sens. bien cordialement Olivier Basso

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