Bienvenue au capitalisme français des copains de promo, Monsieur Hollande!

Ainsi donc s’il est élu, François Hollande veut rapidement réunir les patrons des entreprises du CAC 40 – les plus grosses entreprises françaises, en bref – et leur dire  “Vous êtes les fers de lance de l’économie française. Nous avons besoin de vous et vous avez besoin de l’État. Nous devons relever ensemble le défi du redressement de la France”. (source) Pour reprendre l’expression de l’économiste Frédéric Bastiat, ce qu’on voit derrière cette annonce martiale, c’est le volontarisme (« Retroussons nos manches ») et l’ouverture (« Vous voyez, je n’ai finalement rien contre les grands patrons »). Mais il faut aussi regarder ce qu’on ne voit pas…

Ce qu’on ne voit pas, ce sont trois choses: 1) Les conceptions économiques de François Hollande datant des années 60 (je parle des années 1660, Colbert). Il pense visiblement que l’économie est encore dirigée par quelques grandes entreprises qu’il suffit d’embrigader pour tout changer. A-t-il tiré la moindre leçon de 1981? La révolution entrepreneuriale lui a visiblement complètement échappé.

2) Le capitalisme de copinage qui ne manquera pas de se développer à l’occasion de ce grand « Embrassons-nous folleville »: prévoyez dès maintenant des grandes subventions, des projets de redressement stratégiques, avec millions coulant à flots pour les (forcément grandes) entreprises qui auront su montrer patte blanche et serrer les bonnes mains. On financera la création d’un Facebook français, d’un Google français (ah pardon, déjà tenté!!!), d’une navette spatiale française, d’un smartphone français, etc. Au pire, on aura même… une agence française de l’innovation industrielle avec tout plein d’énarques innovants!!!

3) Les entreprises du CAC 40, qui ne sont pas les fers de lance de l’économie française, mais son armure, au mieux. Elles ne déméritent certes pas, mais les vrais fers de lance, ce sont – ou plutôt ce devraient être – les entreprises nouvelles et les PME. C’est l’entrepreneuriat qui contribuera au redressement de la France. N’a-t-il rien appris de l’Allemagne? De la Silicon Valley? Mais l’entrepreneuriat ça n’intéresse pas vraiment Monsieur Hollande: c’est trop petit, trop compliqué, pas assez doré, pas assez policé, pas assez oligarchique ni jacobin, que des gueux. Ça ne se chiffre pas, au contraire d’une bonne subvention entre amis. Ça ne s’annonce pas, au contraire d’un bon gros programme stratégique. Ça ne se planifie pas, au contraire d’une filière. Et surtout, ça regarde vers l’avenir, celui qui n’a pas encore été inventé, pas vers le passé déjà joué. On ne se lasse pas, malheureusement, de citer Léon Blum: « Tandis que la règle du capitalisme américain est de permettre aux nouvelles entreprises de voir le jour, il semble que celle du capitalisme français soit ‘permettre aux vieilles entreprises de ne pas mourir. » Bienvenue au capitalisme français des copains de promo, Monsieur Hollande.

Voir mon billet sur le capitalisme de copinage. Voir également mon billet sur la défunte Agence de l’Innovation Industrielle.

2 réflexions au sujet de « Bienvenue au capitalisme français des copains de promo, Monsieur Hollande! »

  1. Quelle belle idée «permettre aux entreprises de voir le jour ». Positiver et agir, n’est-ce pas entreprendre tout simplement ? La logique de se concentrer sur les grandes entreprises et donc d’agir le plus largement possible n’est pas représentatif des entreprises en France. Louer l’importance des TPE et Pme et concentrer son attention sur les entreprises du Cac 40 ne favorise pas le nombre le plus important d’actions mais les actions les plus sures. La question est moins d’opposer les petits contre les grands, ni de faire du protectionnisme, mais de nourrir un ECOsystème. Le projet de la politique pourrait être la protection de cet écosystème, pour cela envisager des axes de développements nouveaux est essentiel. L’idée de « refonder l’entreprise » livre de Armand Hatchuel & Blanche Segrestin propose une conception nouvelle de l’entreprise, vise à bâtir les entreprises d’aujourd’hui de permettre d’exister dans l’ECOsytème. « Repenser les bases d’un « contrat d’entreprise » orienté vers une pluralité de buts : la création de richesses, le progrès social, la préservation de l’environnement. Il est urgent de réinventer l’entreprise, pour qu’elle redevienne ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une dynamique de solidarité et de création collective. »

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