La rationalisation des achats, un obstacle à l’innovation des grandes entreprises

Le médiateur des relations interentreprises industrielles et de la sous-traitance (!) Jean-Claude Vollot vient de dénoncer dans un entretien aux Echos le pillage des PMI par les grandes entreprises. On sait depuis longtemps que l’attitude des grandes entreprises françaises vis-à-vis des petites est l’une des causes de la faiblesse du tissu industriel français en PME/PMI, et le constat du médiateur ne fait que renforcer ce diagnostic.

Sans même aborder des pratiques prédatrices, il est important que mentionner la rationalisation des achats des grandes entreprises comme un exemple typique des effets pervers que peut avoir une « bonne » gestion sur la capacité d’une entreprise à innover. En période de crise, il est  normal qu’une entreprise cherche à optimiser ses achats pour réduire ses coûts. On observe donc une implication plus forte des services achats, une pression plus forte sur les prix, et très souvent une diminution du nombre de fournisseurs, car il est bien évidemment plus efficace de gérer quelques fournisseurs de niveau 1 qu’une myriade de petits fournisseurs. Or si son seul mandat est d’écraser les fournisseurs pour avoir le meilleur prix, et si elle tend à diminuer le nombre de ceux-ci pour optimiser les achats, l’entreprise se coupe d’une source potentielle d’innovation très importante. En effet, ces petits fournisseurs sont souvent les plus innovants, ce sont ceux dont l’entreprise peut le plus avoir besoin pour être innovante elle-même. Malheureusement, et presque obligatoirement, leur offre, parce qu’elle est innovante, rentre mal dans le cadre des produits habituellement achetés, des appels d’offres standardisés, et parfois pas même dans SAP. Combien de petites PME ont ainsi désespéré d’avoir à remplir un tableau descriptif générique de leur offre qui effaçait complètement l’originalité de celle-ci? Sans parler de la pratique des acheteurs qui consiste à considérer une offre sous son seul angle de prix en pensant que toutes les offres se valent. Obligés de passer par un fournisseur de niveau 1, ces petites entreprises disparaissent de la vue des grandes entreprises et sont étouffées au passage.

Les directions générales doivent donc prendre conscience que tous leurs fournisseurs ne doivent pas être gérés selon un moule conçu pour acheter des ramettes de papier et des heures de consultant au meilleur prix. Elles doivent travailler avec leur fonction achat pour mettre au point, en relation avec les unités d’affaire, des mécanismes pour gérer des achats « de rupture », pour lesquels le prix n’est pas une variable à optimiser, même si celui-ci reste important.

Une réflexion au sujet de « La rationalisation des achats, un obstacle à l’innovation des grandes entreprises »

  1. Sur les coûts fixes qu’auraient à subir les petites entreprises, justement. Assez récemment, un entrepreneur, Fred Buzzeo a publié un article instructif, et qui pourrait bien vous intéresser, j’ai pensé :
    http://mises.org/daily/5416/Small-Business-and-the-Jobless-Recovery

    La solution de sortie de crise, c’est d’enlever les réglementations inutiles qui augmentent les coûts fixes des petites entreprises, car toute réglementation n’a pas le même impact sur les entreprises, variant en fonction de la taille.
    En outre, le salaire minimum est un coût fixe pour les petites entreprises, depuis que l’on sait qu’elles paient des salaires moindres que les grandes entreprises. Les grandes entreprises licencient à cause des gains de productivité, et c’est d’autant plus vrai durant les crises. C’est aux petites entreprises d’absorber cette main d’œuvre mise à pied, et créer des emplois.
    Mais pour cela, elles doivent pouvoir se financer, notamment via le crédit, ce qui n’est pas franchement possible.

    http://blogs.wsj.com/in-charge/2011/04/20/start-ups-small-firms-tap-savings/

    Among all small firms surveyed – defined as businesses with fewer than 500 employees – 80% hadn’t even applied for a business loan in the past five years, Duke said. Of those that did, about 12% were turned down, while nearly every business whose loan was approved received all the credit they needed.

    “Many small business owners were so convinced that their requests would be denied that they did not even apply for credit,” Duke said.

    http://www.sba.gov/advocacy/7495/8420
    On peut y lire notamment que les petites entreprises embauchent plus de la moitié des salariés du privé, représentent 44% de la masse salariale privée totale, US. Elles ont généré 64% des nouveaux emplois nets au cours des 15 dernières années, créé plus de la moitié du PIB privé non agricole. Etc.

    http://www.american.com/archive/2011/january/small-business-big-regulatory-burden

    The regulatory burden is particularly heavy on small business. Crain and Crain calculated that adhering to federal rules cost $10,585 per worker for businesses with 19 or fewer workers, but only 78 percent of that amount for businesses with 500-plus workers.

    For some types of regulation, the gap between big and small firms in the compliance burden is even larger. Crain and Crain’s analysis shows that the per-employee cost of compliance with tax laws is $1,584 for businesses with 19 or fewer workers, but only $517 per worker for companies with 500-plus workers. For compliance with environmental regulations, the difference is a massive $4,101 for businesses with 19 or fewer workers and $883 per worker for companies with 500-plus workers.

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