Faut-il encourager la création d’entreprise?

Faut-il encourager la création d’entreprises? La question paraît saugrenue, en particulier sur un blog dédié à l’innovation et à l’entrepreneuriat. Et pourtant la réponse n’est pas aussi simple qu’il y paraît et Scott Shane, un des chercheurs en entrepreneuriat les plus réputés, répond en fait par la négative dans son livre « The illusions of entrepreneurship« , que l’on pourrait traduire par « Les mythes de l’entrepreneuriat ». L’importance de la création d’entreprise est devenue un dogme tellement prévalent qu’il n’est plus du tout discuté. Il faut créer des entreprises, et le plus possible, et les programmes nationaux et régionaux se succèdent et s’accumulent à cette fin.

Or Shane indique qu’aucune étude n’a jamais montré que créer plus d’entreprises contribue à la croissance, développe l’innovation ou crée plus d’emplois. Ce n’est pas tout. Il indique également que généralement, les programmes publics incitent à la création d’entreprises dans des industries à faible barrière d’entrée et fort taux d’échec. Cela s’explique assez facilement: si vous créez votre entreprise en raison d’une incitation gouvernementale, c’est que la motivation n’était pas très forte, vous aurez donc tendance à aller au plus facile. En outre, les entreprises créées en réponse à une incitation gouvernementale ne créent pas plus d’emploi et n’améliorent pas la productivité par rapport à d’autres créations. En fait, l’imagerie populaire véhiculée par les succès tels que Microsoft, Google, Facebook – qui ont indubitablement créé richesse et emplois – est l’arbre qui cache la forêt.

Assez directement, Shane conclut qu’investir un dollar dans la création d’une entreprise est moins efficace qu’investir ce dollar dans le développement d’une entreprise existante. Il rejoint en cela un de mes profs d’entrepreneuriat qui inaugurait ainsi son cours: « Il vaut beaucoup mieux racheter une entreprise qu’en créer une, mais puisque tout le monde ne pense qu’à créer, voici donc un cours sur la création d’entreprise. »

Sur le sujet, on lira avec intérêt l’excellent ouvrage de David Audretsch qui tire les mêmes conclusions: David Audretsch, The Entrepreneurial Society.

3 réflexions au sujet de « Faut-il encourager la création d’entreprise? »

  1. La chute est excellente (et juste, en terme de pure efficacité !), mais avant, ce sont tout de même quelques sophismes fastoches !
    – « créées en réponse » ? je n’ai jamais rencontré de créateur qui ait été motivé par des aides ! donc même si le raisonnement est vrai en théorie (sur le peu de barrières à l’entrée) je ne vois pas quel impact mesurable il peut avoir ?

    – créer une entreprise est infiniment plus complexe que le simple fait de créer une nouvelle unité de production ! les impacts sur « les valeurs », les croyances au sein de la société sont énormes mais, d’accord, peu mesurables avec les outils des économistes… Donc c’est naïf de réduire le raisonnement à « ça crée plus de marge globale oui ou non ? » = ça en crée de façons différentes, et voilà ! A la limite, le raisonnement symétrique du sien est aussi valable = personne n’a démontré qu’il soit plus efficace d’innover au sein d’entreprises existantes ! (limites = les innovations très techno, très couteuses, très lentes : je ne parlais que des innovations courantes)

    – l’argument de la densité est faible. Un système, disons un pays avec beaucoup ou très peu de turn over, de jeunes et nouvelles entreprises peut être, ou non, efficace ! voir les comparaisons Europe du Nord Europe du sud, par exemple. Donc l’auteur fait un grand classique « corrélation n’est pas causalité ». Voir la Corée années 80, le Viet Nam 90, la création, c’est super – multidimensionnel ! Alors que votre auteur, tel que vous le résumez, a l’air de s’en tenir à des corrélations simples –ou simplettes ?

    – bien sûr que Google et quelques autres cachent la forêt ! Mais seuls les ignorants et les politique ne la voient pas, la forêt ! On sait très bien que « la création », ça concerne à 90% de tous petits projets modestes, peu innovants et qui se développeront peu. Ok : so what ? Ca modifie radicalement une partie du marché de l’emploi salariés normé (de types moyennes – grandes entreprises). Ca modifie le « rapport au travail » de 10 à 30% d’une population active. Etc etc…

    Bref, j’ai fini par comprendre ce qui m’agaçait dans votre note : c’est « investir un dollar dans la création d’une entreprise est moins efficace qu’investir ce dollar dans le développement d’une entreprise existante » : voilà ! . C’est le point de vue univoque, bêbête de votre auteur, pour qui son dollar à investir est la mesure, l’unique mesure de toute chose… Evidemment, avec un tel point de départ, pourquoi chercher plus loin ? C’est moins rentable pour l’actionnaire privé ; point. Joli point de vue scientifique ! Car je suppose qu’il prétend à la science, cet auteur ?

    Bref, excusez mon agacement, mais c’était tentant !

  2. Point de vue très intéressant. Quel type et quelle taille d’entreprise ?
    Investir de plus en plus dans des entreprises existantes et créer des oligopoles ? Investir pour faire plus de la même chose ? Investir sans jamais changer les paradigmes ? Les « disruptives technologies » sortent rarement des entreprises établies…

    Toutefois, comme Shane je crois qu’on investi trop dans le startup. Surtout dans le startup sans envergure. Selon moi c’est dans la croissance de petites entreprises établies qu’il faut investir. Les segmentations de plus en plus étroites vont faire émerger les « small giants », ces petites entreprises à la portée mondiale.

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