Voiture électrique et création de valeur: article de Scott Anthony

Voici un article très intéressant de Scott Anthony sur la voiture électrique. L’article s’intitule « La véritable histoire de la voiture électrique? Pas la voiture!« . Scott Anthony est un spécialiste de l’innovation et co-auteur de Clayton Christensen de Seing what’s next.
En substance, Anthony prétend que l’important dans la question de l’émergence de la voiture électrique n’est pas la voiture elle-même, mais ses composants. Selon-lui, faire une voiture électrique est beaucoup plus facile que faire une voiture classique, ce qui abaisse la barrière à l’entrée pour de nouveaux concurrents. Les goulets d’étranglements, qui sont la source de valeur dans toute industrie, se trouvent plutôt dans certains des composants, notamment les batteries. Il se pourrait donc bien que les constructeurs ne soient plus à l’avenir que de simples assembleurs de technologies tierces, apportant une valeur ajoutée relativement faible.
Anthony cite l’exemple des fabricants d’ordinateurs comme Dell, et c’est là que son propos devient moins convaincant car Dell, de son point de vue, est l’exemple même d’un fabricant assemblant des technologies tierces, sans valeur ajoutée a priori. Sauf que Dell a connu une réussite extraordinaire malgré cela grâce à sa maîtrise de la chaîne de fabrication et de logistique (innovation de procédé), plus sa marque et plusieurs autres domaines d’excellence. Cela montre bien qu’on peut assembler des technologies tierces et créer malgré tout de la valeur…

Une réflexion au sujet de « Voiture électrique et création de valeur: article de Scott Anthony »

  1. L’argument de Anthony est un grand classique de l’industrie automobile, même en dehors du problème spécifique de l’électrique : comme dans l’informatique ou les télécoms, on anticipe une migration de la valeur vers les extrémités de la filière, qui risque de se faire aux dépens des constructeurs et à l’avantages d’opérateurs ou de ceux qui contrôleront certains maillons clés. C’est notamment ce qui a motivé l’incursion des constructeurs dans les services aval (réparation pour Fiat, assistance pour GM, location pour vW, etc.). Christensen en a effectivement parlé, tout comme Rifkin, Slywotzky ou encore l’étude classique de Womack, Jones et Roos.
    Il est exact qu’une automobile électrique est bien plus simple à fabriquer (pour le moteur et la transmission) et à entretenir (pas de vidange, pas de bougies, pas de filtres, etc.), mais les conclusions que j’en tire sont opposées à celles de Anthony.
    Pour moi, en cas (hypothétique) de substitution par l’électrique, ce sont les équipementiers qui vont souffrir (Bosch ou Valeo sont très présents dans l’injection et l’électronique moteur) et surtout les distributeurs (qui ne vivent pas de la vente des véhicules, mais de leur entretien et de leur réparation). En revanche, les compétences sur lesquelles les constructeurs ont le plus investi depuis deux décennies (conception, architecture, réputation) ne me semblent pas menacées par l’électrique. Il est vrai que les batteries peuvent constituer une zone de profit essentielle dans la filière (à l’image du processeur dans l’informatique), mais rien n’empêche les constructeurs de la contrôler (GM vient d’annoncer l’ouverture d’une usine de batteries). Si un nouveau modèle économique est indispensable à l’émergence de la voiture électrique (celui de Agassi est une piste, mais son équation financière est étrange), c’est au niveau des fournisseurs et des distributeurs que la transilience sera la plus architecturale.

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