Appartenant à la race des français ayant rencontré le succès à l’étranger, Charles Gave (Ici Hong Kong, les français parlent aux français) était de passage à Paris la semaine dernière pour présenter son nouveau livre «C’est une Révolte ? – Non, Sire, c’est une Révolution!». Le titre, un brin provoquant, prend tout son sens quand on lit le sous-titre : « l’intelligence prend le pouvoir. »
Dressant dans le registre de l’économie politique un portrait du monde où les frontières ne sont plus étanches à la circulation accélérée de la matière grise, Charles Gave nous aide à reprendre espoir : oui, des contrées favorables aux entrepreneurs existent bien (je sais, c’est un peu cliché mais on l’avait presque oublié).
Ce qui est moins banal, c’est comment cet ouvrage nous aide à réfléchir simplement sur des sujets actuels que tant d’experts aiment à analyser avec un langage compliqué afin de satisfaire leur propre envie de paraître intelligent. On sent que ce vieux briscard de la finance qu’est Charles Gave a surtout une idée en tête : rester factuel et nous renvoyer une image du monde des affaires tel qu’il se dessine.
Implacable dans ses propos, on sent bien que l’auteur jubile à nous expliquer le rôle essentiel des acteurs financiers dans l’allocation des ressources aux entrepreneurs. Les financements vont toujours vers les meilleurs projets, et même si les mauvais investissements sont possibles (l’erreur est humaine), globalement ça marche : le cycle de l’innovation – gains de productivité – investissement s’entretient grâce à une petite poignée d’individus qui acceptent de prendre un risque (les entrepreneurs, vous l’aviez déjà compris).
Evidemment, ces règles universelles rencontrent sur la surface terrestre des agents perturbateurs : les Etats. Dans ce registre, la « sociale-démocratie » à l’européenne (épicentre : Paris, France) en prend plein pour son grade, et M. Gave en profite pour nous faire réfléchir sur les mythes sur lesquels cette idée politique généreuse s’appuie pour prendre des mesures autoritaires et souvent électoralistes. Par exemple l’illusion qu’une balance commerciale positive est une bonne chose et qu’en conséquence les importations massives un handicap. Ce sophisme, largement détourné dans notre pays pour railler la politique américaine, est dans l’ouvrage brillamment illustré avec le modèle économique de Dell : pour son marché US, Dell achète un ordinateur à un fabriquant basé à Taiwan, ce même fabricant y intégrant des logiciels Microsoft et de puces Intel (moins chers, naturellement que le prix de revente du PC fini) : il y a donc plus de dollars US que de monnaies asiatiques qui changent de mains. Mais dans ces échanges, les US vendent leurs puces et logiciels avec des marges supérieures à 80% tandis que les constructeurs asiatiques, dans un rôle d’intégrateur et de fabricant de claviers, peinent à dépasser les 5% : vendre des gains de productivité est un luxe que l’on peut se payer quand on innove. Les statistiques nationales et les manipulations publiques de ces chiffres dont les décideurs font gorges chaudes ne mesurent donc pas l’efficacité sous-jacente de ces modèles de développement sous forme de plates-formes industrielles mondiales. Innovation über alles, donc.
Vous me direz : pourquoi faire un lien entre les problèmes quotidiens de l’entrepreneur et la macro-économie ? Réponse d’après Charles Gave : les Etats qui ignorent la véritable place de l’entrepreneur et qui, au dessus de nos têtes, manipulent la monnaie pour tenter de pérenniser, dans notre hexagone en particulier, un modèle social séculaire inadapté au monde d’aujourd’hui. Je crois me souvenir que Jacques Rueff disait : « tant que l’on me prête de l’argent, je continuerai de commander à mon tailleur un costume par semaine ! ». Aussi, avec un mauvais usage de la monnaie par une allocation publique consacrée à trop de dépenses de structure (consommation ou remboursement des intérêts de la dette par le crédit) tout en menant une politique fiscale décourageant l’investissement nécessaire aux gains de productivité (combien de Business Angels en France ?), nos armées de bureaucrates français et européens ont créé un gouffre qu’il va bien falloir reboucher, et l’on risque de devoir jeter le bébé (l’entrepreneur !) avec l’eau du bain.
Le livre de Charles Gave est un vrai plaidoyer pour un usage du monde comme il est. A lire pour savoir si l’on est prêt à prendre un aller simple pour Bengalore. Sauve qui peut !
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