Quo vadis Quaero? L’erreur de l’agence pour l’innovation industrielle

On lira avec intérêt l‘analyse faite par Loic Le Meur du projet Quaero qui vient de récolter rien moins que 90 patates de l’agence pour l’innovation industrielle pour développer, semble-t-il, un moteur de recherche. Ou 260 patates, personne ne sait vraiment. Loïc donne dix raisons, qui toutes me semblent justes, pour lesquels selon lui le projet va échouer. Nous avons dit sur ce blog tout le mal que nous pensons de l’Agence pour l’Innovation Industrielle, qui nous semble viciée tant sur le fond, par l’idéologie qui la sous-tend, que sur la forme, par la manière dont elle fonctionne, et l’analyse de Loïc ne nous fait guère changer d’avis. On lira également l‘analyse de Daniel Kaplan, de la FING, qui rejoint lui aussi Loïc, en soulignant surtout les véritables risques de l’approche fermée et secrète du projet.

On nous reprochera naturellement, comme on l’a reproché à Loïc, de faire du mauvais esprit, d’être négatif… voir jaloux. N’est-ce pas en effet satisfaisant qu’un effort industriel français soit encouragé par l’Etat? Et moi et moi et moi… Bien sûr il faut se réjouir quand un projet innovant est soutenu par l’Etat. Mais parce qu’il s’agit de fonds publics, on a le droit de se demander pour quoi, sur quels critères et dans quelles conditions ces fonds ont été attribués. On a aussi le droit de faire connaître ses doutes quand à la pertinence de tels investissements, a fortiori lorsque la démarche est entourée d’un tel secret. En outre, il ne faut jamais oublier que l’argent investi dans un endroit ne l’est nécessairement pas dans un autre (ou comme le disait Frédéric Bastiat, il y a ce qu’on voit mais il ne faut pas ignorer ce qu’on ne voit pas). La question devient alors « Quitte à dépenser 90 patates, n’aurait-il pas été plus souhaitable de les dépenser ailleurs? » Et là, bien sûr, la réponse est évidemment oui. A côté du grand théâtre de l’AII se débattent des dizaines d’entreprises qui ne parviennent pas à trouver des fonds pour démarrer ou se développer en raison de l’indigence du système financier français; les crédits des diverses agence de développement (aide au commerce extérieur par exemple) sont asséchés, comme me le confiait il y a quelques jours un responsable du ministère. Il n’y a plus d’argent, car l’argent est employé pour des projets médiatiques comme ceux de l’AII. On aurait aimé que le débat sur le problème de l’innovation française, au lieu de se conclure avant même d’avoir commencé par une solution colbertiste absurde, soit l’occasion de se poser les vraies questions, celle notamment de l’émergence d’un véritable écosystème de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Mais ce sera visiblement pour une autre fois…

Voir mon billet sur la création de l’Agence pour l’Innovation industrielle.

4 réflexions au sujet de « Quo vadis Quaero? L’erreur de l’agence pour l’innovation industrielle »

  1. Je partage l’analyse précédente, en opposition avec le tout-critiquant, pour une démarche mesurée.
    Si les choix stratégiques surprennent et déçoivent, il en va comme de la sélection des joueurs pour le mondial : il faut maintenant les soutenir. Hem. Pardonnez le raccourci mais je considère que Quaero est l’occasion de se ranger derrière un projet d’envergure. Car on peut penser qu’il ne s’agit pas seulement de pondre un moteur de recherche en 5 ans..
    Quaero est aussi une histoire au parfum de réussite. La techno Exalead est innovante, et a été choisie pour s’étendre à un modèle à qui l’on octroie le label ‘européen’, et les crédits que cela engendre.
    L’UE qui porte toute sa confiance à une ex-startup, ou comment une entreprise innovante est appelée à une place et une reconnaissance internationale… n’est-ce pas le sujet de ce blog ?

  2. Si l’analyse de Loïc est une bonne analyse les mauvaises analyses n’existent pas. Il ne connait absolument pas le dossier et en parle comme j’en parlerais moi même ou en parlerais un chauffeur de taxi si je l’interrogeais sur le sujet.
    Ca ne veut pas dire que le fond est mauvais, mais bon nombre d’arguments sont stupides. Commencer par dire que la stratégie de marque est mauvaise alors qu’il n’en a pas et que cela n’a pas lieu d’être parce que il ne sait pas quel seront les produits qui sortiront de ce projet usine à gaz (si jamais il en sort un ce qui n’est pas gagné) et qui et comment ils seront commercialisés. Bien évidemment ils ne seront pas commercialisés sous la marque Quaero (et avec la mauvaise presse qu’a le projet c’est tant mieux).
    Là ou l’analyse se contredit c’est lorsque il déplore que l’état ne donne pas ces subventions à des petites boites tout en soulignant que l’argent des subvention est intrinsèquement mauvais alors que l’argent du capital risque est bon. Alors que les deux logiques ne sont pas contradictoires, elles s’adressent simplement à des stades de développement de la techno différents.
    Il manque un capital risque technologique stratégique en France sur le modèle d’In-Q-Tel. La CDC manque cruellement de compétences et de mission de developpement technologique pourquoi est ce que cela ne vient pas à l’esprit lorsque l’on critique l’interventionisme de l’état? Critiquer telle ou telle subvention, n’a pas vraiment de sens, l’argent pourrait être mieux utilisé ailleurs, bien sûr mais c’est les structures qui posent problème plus que tel ou tel projet.
    A force de tout confondre, plus rien n’a de sens. Plutôt que de tirer à boulet rouge sur les rares initiatives avec de faux arguments pourquoi ne pas défendre de vrais projets avec de vrais arguments?
    Quand à l’idée de faire une recherche en open source, pourquoi pas? cela ce fait ailleurs et il semble logique que du financement public aboutisse à des technologies libres. Mais ce n’est pas nécessairement la meilleure solution.
    L’émergence d’un véritable écosystème de l’innovation et de l’entrepreneuriat sera pour une autre fois donc mais sûrement avec d’autres parties prenantes.

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