L’alliance Google – AOL qui isole Microsoft

Difficile de savoir qui est le gagnant de la partie de poker menteur qui vient de se jouer aux Etats-Unis et qui se termine par l’acquisition par Google de 5% d’AOL pour… un milliard de dollars, au nez et à la barbe de… Microsoft. Mais il semble bien que ce soit Google. Rappelons qu’AOL est un pionnier de la télématique, ancêtre d’Internet, un mastodonte qui, en supprimant la facturation à la minute pour un forfait a, en 1995, fait exploser Internet en a pris le leadership. Jusqu’à l’arrivée d’ADSL, que l’entreprise mettra longtemps à accepter, un syndrome classique de l’innovateur, laissant ainsi la voie à de nouveaux entrants. Aujourd’hui, AOL est toujours un acteur important, mais a perdu son leadership dans l’accès tout en conservant une bonne position dans les contenus. Le modèle qu’il représentait, celui d’un portail fermé avec applications maison, a vécu et AOL essaie désormais de parier sur un portail ouvert. Aujourd’hui, l’entreprise représente 10% du chiffre d’affaire de Google, qui lui fournit son service de recherche; c’est dire s’il était important pour Google de ne pas laisser faire la fusion AOL-MSN qui se préparait et pour laquelle, apparemment, tout était prêt. Google garde donc son chiffre d’affaire, signe un énorme chèque et isole un peu plus Microsoft, qui se retrouve du coup dans une situation difficile: son moteur de recherche, sensé concurrencer Google, bien que correct, ne marche pas très fort, et son portail MSN non plus, malgré dix ans d’investissements massifs. En fait, les deux entreprises avaient des objectifs différents. Google souhaite rester dans l’univers des services (recherche, email, messagerie, etc.), sans apparemment avoir pour objectif de devenir un media, au contraire de Yahoo et AOL. Microsoft a toujours cette double ambition. C’est sans doute, paradoxalement, ce qui a pesé, in fine, dans la balance. Microsoft reste la bête noire d’un grand nombre d’acteurs, et AOL a sans doute préféré signer avec un partenaire qui ne le menacera pas sur son terrain, le contenu, plutôt qu’avec un autre qui a un longue habitude de manger ses partenaires tout cru. Microsoft touche sans doute là les limites de sa stratégie consistant à être actif dans tous les domaines. Un vieux routier du marketing m’avait dit, il y a longtemps: "Chaque fois que tu entres dans un nouveau marché, tu te fais dix ennemis nouveaux. Ce n’est pas une raison pour ne pas entrer, simplement, il faut en mesurer les conséquences."
Reste à savoir si posséder 5% d’AOL a un grand intérêt au-delà d’une garantie de chiffre d’affaire – un milliard de dollars, ce n’est pas une faible somme – et si cette prise de participation ne pose pas, elle aussi, des problèmes aux autres partenaires media de Google.
Voir l’article de Libé sur l’accord Google-AOL.

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