Les marchés bilatéraux

Un article très intéressant de The Economist mentionnait récemment les travaux récents dans le domaine que les économistes appellent les marchés bilatéraux (two-sided markets). Un marché est dit bilatéral quand l’offre et la demande sont interdépendants pour créer le marché. Par exemple, si vous décidez de lancer une nouvelle carte de crédit, les clients ne la prendront que si un nombre minimum de commerçants l’acceptent. Inversement, les commerçants ne l’accepteront que si un nombre minimum de clients la possèdent et l’utilisent. La rupture d’un tel cercle vicieux ne peut se faire qu’avec des stratégies de tarification particulières. Par exemple, pour lancer sa Xbox, confrontée au même type de problématique, Microsoft subventionne les développeurs de jeux, et vend sa machine à perte. L’idée est que plus il y aura de machines vendues, plus les fabricants de jeux seront incités à produire une version pour la Xbox,… ce qui augmentera les ventes de Xbox. On retrouve cette problématique dans de nombreuses industries: compagnies aériennes avec leurs programmes de miles, cartes de crédit, mais aussi et surtout dans la technologie avec la fameuse notion de plates formes: intel, Microsoft Windows, Palm, etc. Autant la rupture du cercle est difficile, autant pour celui qui y arrive, les bénéfices sont importants. Car une fois que le marché
bilatéral est établi, et pour peu qu’il soit bien géré, il constitue  souvent une forteresse proche d’un monopole. Ce qui explique l’intérêt des économistes et, surtout, des régulateurs. La subvention initiale est souvent vue comme du dumping surtout si elle vient d’un acteur fortement établi dans d’autres domaines (ex: Microsoft). Le monopole résultant, au lieu d’être vu comme la juste rétribution d’un effort de subvention, est vu comme une pratique anti concurrentielle. On conçoit dans ces conditions que la tarification soit très complexe, car il y a manifestement interdépendance entre plusieurs produits. La stratégie des fabricants d’imprimantes est identique: vendre l’imprimante couleur à perte (50 euros) et se rattraper sur la cartouche lorsque le client est « prisonnier ».

La publication (en libre accès) du papier de Jean Tirole et Jean-Charles Rochet mentionné par The Economist est l’occasion de saluer la réussite de l’Université de Toulouse qui a su développer une recherche de niveau mondial dans le domaine de l’économie, ce qui est très rare pour des équipes françaises. On mentionnera aussi le papier de David Evans, plus facilement lisible.

L’article de The Economist (hélas réservé aux abonnés): ici.

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