Francis Mer et les ‘excès’ du libéralisme

Ainsi donc, Francis Mer, ancien ministre de l’économie, et ancien patron, est candidat à la présidence du MEDEF aux côtés de Guillaume Sarkozy. Ce n’est pas le lieu de commenter cette élection, mais comme l’ancien ministre, et désormais candidat, livrait ses pensées aux Echos aujourd’hui, j’ai relevé qu’il déclarait: « Ce qui arrive actuellement aux salariés de Rover illustre les excès d’un libéralisme que nous récusons. » Voilà, nous vivons dans un pays où le futur patron des patrons attaque le libéralisme. Il n’y a que la France pour faire ça. Que l’Humanité combatte les excès du libéralisme, ça se comprend, mais le patron des patrons, on en reste bouche bée.

C’est dire à quel point notre pays est déboussolé pour qu’un patron n’ose même plus oser penser que le libéralisme est une bonne chose. Mais non, voilà, dans un climat d’affolement des élites, il faut être social pour être politiquement correct. L’entreprise, c’est mal. N’importe quel manager vous dira que Rover est simplement mort d’une gestion
aberrante qui n’a rien à voir avec les « excès du libéralisme », une gestion dont, d’ailleurs, une grande et longue partie se fit sous un régime nationalisé. The Economist daté du 16 avril 2005 fait en effet malicieusement remarquer que, en fait, Rover est une victime classique de la politique industrielle. C’est l’inconstance du gouvernement britannique durant des décennies qui a fait que Rover aboutit à la liquidation, pas le libéralisme pur et dur. De même que l’inconstance française a produit Bull et le Crédit Lyonnais des années 90. On oublie que British Leyland, fleuron des entreprises nationalisées anglaises, finit en ruines dans les années 80, avant d’être une première fois sauvée par le « libéralisme excessif » japonais, puis par le libéralisme excessif allemand, et quand cela ne suffit plus à réanimer le cadavre, fut soldé à un groupe d’opportunistes.
Rover n’a pas sorti un nouveau modèle depuis plusieurs années. Pas la moindre innovation. Voilà, c’est simple. Une entreprise mal gérée fait faillite: si Francis Mer pense que c’est excessif, que suggère-t-il? Le fait que Bull vive sous perfusion étatique depuis des années ne condamne pas nécessairement l’implication de l’Etat dans l’économie, alors pourquoi l’échec d’une entreprise doit-elle symboliser les « excès d’un libéralisme »?
On n’ose penser que la déclaration de Francis Mer est motivée par une double considération politique: celle de son élection – rester politiquement correct, et celle du referendum du 29 mai – surtout, faire profil bas et montrer qu’on est super sociaux aux sommets de l’Etat. On n’ose vraiment pas y penser. Non, vraiment pas. Ah on se prend à rêver d’un
pays où l’opposition s’opposerait, au lieu de poser en photo avec le pouvoir, où les patrons défendraient les
entreprises et les partis de gauche défendraient les faibles, où la droite serait vraiment de droite, où les pro-européens auraient le courage de défendre leurs arguments, où ils y auraient de vrais débats de fond, plutôt que des crises d’hystérie… un autre pays que la France, quoi.

4 réflexions au sujet de « Francis Mer et les ‘excès’ du libéralisme »

  1. Philippe,
    Bravo pour ce commentaire courageux. Je pense que Francis Mer (X-Mines) est tout à fait convaincu des propos qu’il tient. Pourquoi ? je vous propose un jeu amusant : sur Google, vous tapez « Hayek » et « Polytechnique » et vous en apprendrez de bien belles… (bien évidemment, on peut parier que l’on ne trouvera rien avec ces mots-clés sur la « future-bibliothèque-numérique-européenne-qui-va-contrecarrer-les-plans-des-vilains-américains-de-google », car c’est vraiment politiquement indécent). Qu’on ne s’y trompe pas : les élites sont contre la démocratie libérale. Je ne cherche pas à le critiquer, c’est un fait, il faut le savoir, c’est tout.
    François

  2. Effectivement, il y a des choses louches. Mais l’intéressant est qu’en 2000, le gouvernement anglais avait le choix entre vendre Rover au consortium Alchemy ou au consortium Phenix. Alchemy était un projet industriel, mais prévoyait de réduire Rover avec de nombreux licenciements à la clé. Phenix en revanche ne proposait aucun projet, mais promettait de garder tout le monde. Imparable. Devant les manifs, Phenix fut donc choisi alors que tout le monde savait – et disait – qu’il n’y avait pas de projet viable. Le rôle du gouvernement anglais dans ce désastre est avéré.

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