Séminaire créativité: les jeux video avec Nicolas Gaume, ex PDG de Kalisto

Dans le cadre de son séminaire sur la créativité, l’Ecole de Paris avait invité mardi dernier 22 mars Nicolas Gaume, ancien fondateur et PDG de Kalisto, éditeur de jeux video. Souvenez-vous: enfant prodige de l’entrepreneuriat français, Kalisto avait connu un succès foudroyant après sa création en 1990. Nul n’étant prophète en son pays, la société effectuait l’essentiel de ses ventes aux Etats-Unis et au Japon. Au plus fort de son succès, en 1999, la société décide d’entrer en bourse pour financer un développement qui s’accélère (l’entreprise travaille avec les plus grands acteurs du domaine). La décision s’avérera fatale, puisqu’un tour de financement, prévu pour 2000, ne se fera jamais, explosion de la bulle Internet oblige. La société est liquidée en 2002.

Nicolas Gaume, qui intervient désormais comme conseiller auprès des acteurs de l’industrie, explique bien les spécificités du marché du jeu vidéo: un marché très volatile avec des produits à très courte durée de vie (semblable à la mode), une très forte technicité avec des technologies qui évoluent en permanence, combinée avec une création artistique essentielle à la réussite d’un jeu. Ce mariage de la technologie et de l’art dans un contexte économique entraîne des problématiques multi-culturelles à la fois passionnantes et évidemment complexes à gérer.

Mais en fait, ce n’est pas ce que j’ai trouvé le plus intéressant dans la conférence. Nicolas Gaume a en effet donné un tour parfois très personnel à son témoignage en revenant sur son expérience dans Kalisto. Victime d’un lynchage médiatique hallucinant lorsque les difficultés sont apparues, présenté comme un opportuniste s’enrichissant alors que son entreprise faisait faillite, victimes de deuils familials au même moment (un malheur n’arrive jamais seul), Gaume est je pense la victime typique d’une attitude très française d’hostilité envers le risque en général, et envers l’entrepreneur en particulier. Nos concitoyens n’aiment pas la prise de risque, ils n’aiment pas ceux qui les prennent, et ils aiment encore moins l’échec. Pour quelle raison l’échec est-il si durement sanctionné dans notre pays? Pourquoi un chef d’entreprise qui fait faillite est-il forcément un salaud ? Nicolas Gaume fait d’ailleurs remarquer que si ses difficultés ont été très médiatisées, l’issue du procès qui lui fut fait – accusation de malversations – et qui le blanchit totalement, fut lui passé sous silence.  Pour la petite histoire, il payait de sa poche les salaires vers la fin – persuadé qu’une issue favorable serait trouvée pour la société – et a terminé avec 2 millions d’euros de dettes. Pas mal pour quelqu’un qui « s’enrichit sur le dos de son entreprise ». Malgré cette expérience douloureuse, la séance n’a tourné ni au réglement de compte, ni à l’aigreur, bien au contraire. L’un des participants a même remercié Nicolas Gaume d’avoir égayé sa journée!

Aux Etats-Unis, autres lieux, autres moeurs, les investisseurs n’aiment pas financer des entrepreneurs qui n’ont pas au moins connu deux échecs auparavant. Le raisonnement est simple: seul l’échec est source d’apprentissage et d’expérience, et après quelques échecs, l’entrepreneur sera mûr pour le succès. Quel contraste avec notre pays! Le projet de loi en cours sur les faillites marque un progrès dans ce domaine, puisqu’il déculpabilise l’entrepreneur – dès lors qu’il n’y a pas de malversation – mais il reste encore beaucoup à faire; ce sont les mentalités qu’il faut changer: développer le goût du risque, créer une culture de l’échec, source d’apprentissage dès lors que les risques ont été mesurés, et valoriser socialement l’effort et la prise de risque, beaucoup de travail en perspective.

Le séminaire « Créativité » est animé par Thomas Paris, du Centre de Recherche en Gestion de l’Ecole Polytechnique. L’Ecole de Paris publie les comptes-rendus détaillés de ses séminaires. Pour plus d’information: http://www.ecole.org

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