Effectuation – Les cinq principes de l’action entrepreneuriale – 3: Le patchwork fou

Nous continuons à croire et à enseigner que l’entrepreneuriat commence par une grande idée mise en œuvre au moyen d’un plan d’affaire par des entrepreneurs super-héros. Il n’en est rien. Depuis vingt ans, l’effectuation montre que les entrepreneurs sont des gens normaux qui appliquent cinq principes d’action. Le troisième de ces principes est le patchwork fou (co-création).

Michel et Augustin démarrent en faisant cuire leurs biscuits dans le four familial. Un jour, ils obtiennent une commande importante, et le four ne suffit plus. Il leur faut désormais voir les choses en grand. Normalement, s’ils souscrivaient aux canons de l’entrepreneuriat officiel, ils devraient rédiger un plan d’affaire et lever une grosse somme d’argent pour louer un local, le mettre aux normes, et acheter un four. Que font-ils au lieu de cela ? Ils descendent parler à leur boulanger, qui accepte de mettre son four à leur disposition le lundi, son jour de fermeture. Et voilà ! En dix minutes ils ont résolu leur problème de capacité, sans que cela leur coûte un centime.

Ainsi, alors que l’analyse de la concurrence est l’un des piliers de la démarche stratégique dans la mesure où elle permet de s’insérer dans la structure de l’industrie au sein de laquelle on se lance, les entrepreneurs s’intéressent davantage à la création de partenariats avec différents types d’acteurs (parties prenantes) afin de « co-construire » l’avenir. L’approche de l’entrepreneur ne consistant pas à résoudre un problème de type puzzle bien défini, mais à développer son projet sur la base d’un engagement de parties prenantes est caractérisée par l’expression, un peu étrange au premier abord, de « patchwork fou ». Un patchwork est une pièce de tissu composée de morceaux d’étoffe différentes cousus les uns aux autres. Il est souvent réalisé en groupe ; chacun apporte son ou ses morceaux, et le groupe décide quoi faire en fonction des morceaux disponibles.

L’entrepreneuriat est un processus créatif. L’entrepreneur transforme une idée en un artefact social, une entreprise, un produit, un marché. Comme tout processus créatif, il ne consiste pas seulement à réassembler les pièces existantes d’un puzzle pour trouver la bonne solution. Au contraire, l’entrepreneur crée des pièces au fur et à mesure de sa démarche, et les assemble progressivement. Il n’a pas nécessairement une idée de ce à quoi ressemblera l’assemblage final.

La démarche entrepreneuriale consiste donc non pas à résoudre un puzzle, c’est-à-dire à partir d’un objectif bien défini, mais à assembler un patchwork avec des parties prenantes qui se sélectionnent elles-mêmes, sans que l’on puisse dire à l’avance avec qui le patchwork sera crée, et donc quelles pièces seront apportées, ni quelle forme le patchwork prendra. Le patchwork est ‘fou’ au sens où il n’y a pas de logique explicite (ou objective) à son développement, mais seulement une logique sociale (subjective) de parties prenantes qui s’engagent à participer à son développement en apportant leurs pièces et en les cousant. Dès lors, la qualité principale d’un entrepreneur devient sa capacité à susciter l’engagement d’un nombre croissant de parties prenantes dans son projet.

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📖 Cet article est tiré de mon ouvrage Effectuation: les principes de l’entrepreneuriat pour tous.

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8 réflexions au sujet de « Effectuation – Les cinq principes de l’action entrepreneuriale – 3: Le patchwork fou »

  1. De façon pratique, pour l’entreprise, cela s’appelle le codéveloppement – ou la « réflexion collective » – qui s’appuie sur l’expérience des parties prenantes. On apprend les uns des autres en travaillant.

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